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Citoyenneté et démocratie dans la philosophie de Rousseau

In Citoyen et citoyenneté sous la Révolution française, Paris, Société des Études robespierristes, 2006 (coll. Etudes révolutionnaires) pp. 25-31.

Texte intégral

Je vais me risquer à confronter deux des notions les plus répandues de la pensée politique – la citoyenneté et la démocratie – avec l’auteur qui est probablement le plus exploité, en tout cas en rapport à ces deux notions, mais aussi par la Révolution française[1] à laquelle nous rapporte ce Colloque : Rousseau. Cette confrontation recèle heureusement quelques surprises puisque, si la conception rousseauiste de la citoyenneté nous conduit, dans une première partie, à la démocratie, nous verrons, dans une deuxième partie, que le fondement de cette démocratie – la liberté et l’amour de soi[2] – explique aussi pourquoi Rousseau n’est pas démocrate au sens strict, et retient la participation populaire au législatif. Pour la même raison encore – la spécificité rousseauiste de l’amour de soi – nous seront conduit, dans une troisième partie, à réorienter l’espace public, en rapportant les libertés individuelles à une visée universelle, qui dépasse le corps collectif de l’État.

I. De la citoyenneté à la démocratie : la participation.

Nous comprenons comment la citoyenneté rousseauiste nous conduit vers la démocratie – première partie de cette intervention – en surmontant une première difficulté, provoquée par la superposition, dans le Contrat social, de deux définitions de la citoyenneté. La première se trouve dans la série de définitions qui suit l’énoncé du pacte social, au chapitre six du livre un : le citoyen désigne alors le membre du corps politique lorsqu’il participe à l’autorité souveraine, et le même membre est appelé « sujet » lorsqu’il obéit aux lois[3]. La deuxième définition se trouve au livre trois du même Contrat social : « ces mots de sujet et de souverain sont des corrélations identiques dont l'idée se réunit sous le seul mot de citoyen »[4]. La première définition réserve le titre de citoyen au membre du corps politique actif et légiférant, la deuxième désigne par « citoyen » les membres du corps politique, qu’ils légifèrent ou non, mais en spécifiant qu’ils ne peuvent être sujet sans être aussi souverain, et réciproquement. Cette deuxième définition semble nous renvoyer vers Aristote, pour qui le citoyen est celui qui peut être alternativement gouvernant et gouverné[5]. S’ensuit alors une belle définition du pouvoir politique, qui consiste, par opposition au pouvoir despotique, à commander à ses semblables[6] : je ne peux pas ordonner politiquement ce à quoi je ne pourrais pas moi-même obéir, sous peine de me dégrader et de tomber en dessous de ma condition. Commander sans respecter la dignité de la personne n’est plus commander politiquement mais despotiquement, non plus comme un chef mais comme un maître. Attention pourtant : les définitions aristotéliciennes de la citoyenneté et du pouvoir politique sont conditionnées par la distinction du politique et du despotique, distinction nécessaire dans la Grèce ancienne, puisque le despotique est l’autre forme de pouvoir qui s’exerce dans l’espace public. Et de ce fait, la deuxième définition rousseauiste du citoyen, comme celui qui peut être alternativement gouvernant et gouverné, ne peut être rapportée à Aristote. La pensée politique moderne, qui ne reconnaît plus, du moins dans ses principes, de distinction essentielle entre les hommes, reprend la définition d’Aristote en transformant son sens, qui est non plus de distinguer une relation de pouvoir entre hommes libres d’une relation de pouvoir entre maître et esclave, mais de définir ce que peut être une relation de pouvoir légitime, conformément à la nature universellement reconnue de tout homme : sa liberté.

C’est la liberté qu’il faut donc affirmer et qui se manifeste par l’absence de soumission et la participation au pouvoir souverain. Chez Rousseau, c’est donc la première définition qui commande la seconde : s’il reste vrai que le citoyen peut être aussi sujet, est citoyen celui qui participe à l’autorité souveraine. On rejoint ainsi l’article Genève de l’Encyclopédie, article auquel renvoie Rousseau lorsqu’il précise le terme de citoyen, au chapitre six du livre un du Contrat social. L’article Genève précise, dans le sens de la première définition figurant dans le même chapitre du Contrat social, que seuls les citoyens ont accès aux magistratures[7]. Il s’agit bien ici d’une participation au pouvoir effectif. Avec cette participation, la citoyenneté rousseauiste nous conduit donc vers la démocratie.

Mais il nous faut préciser le sens de cette démocratie, car la participation effective, même si elle doit être le fait de tous les citoyens, ne va pas au-delà du législatif ; c’est pourquoi on peut aussi bien dire de Rousseau qu’il n’est pas démocrate, en s’appuyant sur le chapitre quatre du livre trois du Contrat social, qui récuse une démocratie directe ou absolue, dans laquelle nous exercerions tous, par rotation des charges ou par tirage au sort, les tâches de l’exécutif[8]. On peut même souligner, tout au long de l’œuvre, de nombreux passages où Rousseau se méfie d’une trop grand participation populaire, qu’il s’agisse des « inconvénients » et « désordres » du début des sociétés politiques[9], ou des « contradictions », des « longs débats » et des « dissensions » qui marquent la fin du corps politique[10]. Rousseau, célébré par la Révolution, se méfie donc du « tumulte démocratique », expression péjorative que nous retrouvons dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne[11].

II. Fondement et limite de la démocratie participative.

Ces réserves ne doivent pas atténuer la définition forte d’une démocratie participative. C’est en effet la même raison qui interdit que tous prennent en charge, alternativement ou par tirage au sort, l’administration de l’État, et qui commande la participation effective de tous les citoyens au législatif. Si tous les citoyens doivent participer au législatif, ce n’est pas seulement par respect pour la personne de chacun, mais parce qu’il faut que la totalité des membres de l’État soit effectivement consultée pour dégager la volonté générale. Sans ce caractère exhaustif de la consultation, on n’obtiendrait pas, au terme des débats et des votes, le bien commun. Si tous ne s’exprimaient pas à propos du bien commun, ceux qui prennent part au législatif ne pourraient plus exprimer le bien de tous mais seulement leur bien propre.

L’amour de soi.

L’explication de cela se trouve dans le fondement anthropologique de la volonté générale, fondement que l’on a souvent situé du côté de la raison, mais qui ne peut se trouver qu’en une capacité commune et communément développée, ce qui est loin d’être le cas pour la raison[12]. Ce n’est plus dans une raison inégalement développée, mais dans le sentiment et dans la vie passionnelle, que Rousseau trouve le fondement anthropologique de ce qu’il appelle « la rectitude naturelle »[13] de la volonté générale. Ainsi chacun est à même de participer au pouvoir, d’autant que le sentiment sur lequel s’appuie l’expression de la volonté générale est l’amour de soi, commun à tous : « la source de nos passions, l’origine et le principe de toutes les autres, la seule qui naît avec l’homme et ne le quitte jamais tant qu’il vit »[14].

Comment le citoyen peut-il trouver dans cette passion, attachée à son individualité, voire à son individualité biologique, le fondement du bien commun ? Parce que l’amour de soi, tel que le définit spécifiquement Rousseau, se distingue de l’amour-propre et n’a rien d’un égoïsme. Tout au contraire, il serait plutôt indifférence à autrui, et cette indifférence même le préserve des oppositions et comparaisons de l’amour propre, à cause desquelles l’égoïsme, la jalousie ou l’émulation, m’entraînent loin de ce qui constitue mon véritable bien. Demander, comme le fait Rousseau au chapitre quatre du livre deux du Contrat social, à chaque citoyen de rechercher lui-même son bien en rentrant en lui-même, permet donc deux choses : premièrement, de déterminer un bien qui ne s’oppose pas à celui d’autrui et n’interdise pas a priori la possibilité d’une volonté commune, et deuxièmement, parce que cette recherche s’effectue par l’amour de soi, passion fondamentale que l’anthropologie rousseauiste prête à tout être sensible, cela permet de trouver effectivement un bien commun identique pour des êtres semblables, c’est-à-dire pour des êtres dont la nature commune requiert les mêmes conditions de développement.

Rousseau contre les sociétés partielles et la démocratie directe.

Tirons les conséquences politiques de cet enracinement de la volonté générale dans l’amour de soi : nous comprenons tout d’abord pourquoi il importait tant que tous les membres de l’État soient consultés : s’il y avait une distinction entre les citoyens, s’ensuivrait la résurgence des oppositions d’amour-propre ; « le tout moins une partie n’est point le tout, et tant que ce rapport subsiste il n’y a plus de tout mais deux parties inégales ; d’où il suit que la volonté de l’une n’est point non plus générale par rapport à l’autre »[15]. La particularité de chaque classe dans l’État est oppositive, précisément parce qu’elle jouxte d’autres parties, et qu’il faut pourtant déterminer un bien commun à l’ensemble des parties de l’État – classes, ordres, corporations, ou « partis » politiques. On ne peut retrouver dans l’État la coexistence indifférente des individus naturels mus par l’amour de soi : ces parties, ces « sociétés partielles », ne sont plus des individus, mais déjà des sommations de volontés individuelles, dans l’unité d’une société partielle qui se contruit en s’opposant aux autres. Les membres de chaque partie peuvent encore exprimer une volonté identique, mais dans la mesure où il s’agira d’emblée du bien de cette partie et pas de celui du tout, ce bien sera issu des oppositions d’amour propre. Il faut donc non seulement que chaque individu-citoyen s’exprime, mais aussi qu’il s’exprime individuellement sur le bien commun, pour que ce bien soit vraiment commun et que la volonté qui en résulte puisse être vraiment générale. Si les uns s’exprimaient à la place des autres, ou si l’expression de chacun se trouvait résumée dans des sommations partielles – ordre partis, etc. – au lieu de rapporter immédiatement l’amour de soi de chaque individu au bien commun, alors le résultat du vote n’exprimerait qu’un jeu d’oppositions, domination de l’un sur l’autre. Tout au plus le résultat pourrait-il exprimer un compromis entre sociétés partielles, compromis dans lequel les volontés individuelles ne se reconnaîtraient plus.

Et ce sont les mêmes oppositions dues à l’amour-propre, à l’intérêt particulier en ce qu’il a d’exclusif, qui resurgiraient si l’ensemble du corps législatif avait à prendre en charge l’exécutif. L’administration de l’État confronterait sans cesse le corps législatif à des cas particuliers, les oppositions d’amour-propre se reproduiraient alors, non plus entre sociétés partielles, mais entre le corps jugeant et la partie jugée, ou plutôt, entre cette partie et le corps jugeant, moins la partie. A nouveau, tous ne s’exprimeraient pas sur le bien commun, ici encore, « le tout moins une partie n’est point le tout »[16]. Rousseau refuse donc de laisser l’exécutif dans les mains du peuple souverain. Voilà pourquoi, tout en fondant la nécessité d’une consultation exhaustive des membres de l’État, Rousseau dénie la démocratie directe.

La démocratie participative : Une conception forte de la démocratie.

Demeure néanmoins, pour la même raison, mais au sein du législatif seulement, une exigence démocratique dans l’universalisation de la participation à tous les membres de l’État[17]. Ce fonctionnement démocratique ne peut prendre place que dans une structure sociale brisant – ou ayant brisé – les sociétés partielles, ce qui correspond exactement à l’État moderne, tel que l’incarnera la Révolution française, de l’abolition des privilèges à la loi Le Chapelier. Cette pensée politique a aussi une conséquence plus originale, qui est de véhiculer une conception « forte » de la démocratie. Conception « forte », non pas au sens où nous irions vers une démocratie directe ou absolue, mais au sens où la volonté de chacun est engagée dans la détermination du bien commun. A tel point que Rousseau déduit, comme la réciproque du dégagement de la volonté générale à partir de l’amour de soi, que chaque individu-citoyen devrait reconnaître le bien commun comme le sien, et la volonté générale comme la sienne. C’est ainsi que, ayant cherché en moi-même ce qu’était le bien, si un avis contraire au mien l’emporte, « cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé, et que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas »[18].

A qui serait effrayé par cette adhérence de l’individu aux lois de l’État, je rappelle d’abord que l’individu en question – « individu-citoyen » – ne concerne que l’individu prenant part à l’élaboration des lois ou devant y obéir ; il reste heureusement d’autres aspects de la vie individuelle. Et je rappelle ensuite, que ces autres aspects, ne concernant pas la communauté comme telle, ne tombent pas sous le coup des lois : ce sont les « bornes du pouvoir souverain », titre du chapitre quatre du livre deux du Contrat social. Rousseau n’est donc pas totalitaire, parce que l’immédiate identité entre le bien de tous et le bien de l’individu ne peut avoir lieu qu’en ce qui concerne un bien effectivement commun. Nous avons vu que ce qui fonde cette identité est aussi ce qui retient la démocratie rousseauiste dans le législatif, c’est encore ici la même raison qui interdit au corps légiférant de se prononcer sur des aspects particuliers de la vie privée et non plus seulement sur le bien effectivement commun.

On peut certes objecter à Rousseau qu’il appartient au corps légiférant, au souverain donc, de décider ce qui concerne ou non la vie publique. Dans la mesure où cette objection se trouve dans le Contrat social[19], accordons à notre auteur la cohérence suffisante pour trouver une réponse dans sa doctrine. Or nous avons déjà cette réponse, qui consiste dans le caractère infaillible de l’amour de soi[20]. On peut refuser cette conséquence de l’anthropologie rousseauiste, et ne voir dans la conduite humaine qu’amour-propre et égoïsme. Mais si l’on admet le présupposé anthropologique de Rousseau, la participation des individu-citoyens mus par l’amour de soi devient un rempart contre les dérives pouvoir souverain.

Je tire une dernière conséquence politique, définissant la conception « forte » de cette démocratie participative. De la nécessaire identité entre le bien commun et le bien individuel, conjointe à la tout aussi nécessaire expression de ce bien commun par la volonté générale, s’ensuit que l’on ne peut plus définir la démocratie par la soumission à la majorité. La minorité n’a pas à se soumettre, mais à reconnaître qu’elle s’est trompée, la meilleure reconnaissance consistant d’ailleurs dans la jouissance individuelle du bien commun. Nous retrouvons ici le principal caractère de la philosophie politique de Rousseau : le refus de toute soumission. La démocratie rousseauiste n’est plus soumission à la majorité, mais participation à la vie publique, c’est pourquoi elle ne fait qu’un avec la définition de la citoyenneté.

III. Le dépassement du politique.

On voit combien, malgré sa célébrité, la pensée politique de Rousseau retient, tout en s’inscrivant dans son siècle, une profonde originalité. Cette originalité nous rend aujourd’hui sa pensée étrangère, et je voudrais conclure en soulignant encore que cette étrangeté n’est pas menaçante. Ce qui inscrit Rousseau dans son siècle c’est, avec la suppression des sociétés partielles et l’avènement de l’État moderne, l’enracinement du politique dans la volonté individuelle. Cette position fondamentale de l’individu éloigne Rousseau du totalitarisme et de toutes les formes de fascisme que notre époque nous contraint à repenser. J’en veux pour preuve ce qu’il faut appeler l’impossible réalisation de l’amour de soi dans le corps politique.

Comment déclarer impossible ce qui vient d’être exposé comme principe du politique légitime ? En montrant son inévitable perversion, et donc aussi son indispensable dépassement. Nous savons ce que représente l’individu résumé dans le citoyen : c’est la mère spartiate d’Émile I, remerciant les dieux de la victoire alors qu’elle a perdu ses fils à l’armée, c’est le polonais, tellement formé ou déformé par son éducation que les frontières de son pays lui sont comme une nouvelle peau. Ces figures extrêmes du citoyen marquent l’aboutissement de la vie politique, et non pas la finalité de l’existence humaine. Émile n’est pas un homme politique. Comment ne pas voir dans le citoyen parfait la résurgence des oppositions d’amour-propre, celles que le fonctionnement du corps politique légitime a résorbé au niveau interindividuel ? Le patriote, « dur aux étrangers »[21], exprime la reproduction, au niveau des États, des oppositions interindividuelles qui ont été dépassées au sein de chaque État.

Mais dès lors, comment attribuer à l’amour de soi, « toujours bon et conforme à l’ordre »[22] les engagements violents ou des décisions parfois injustes au regard de l’ordre universel ? Rousseau reconnaît qu’une volonté générale peut prendre des décisions injustes, dans le Discours sur l’économie politique[23]. Pour que cela ne soit pas une rétractation, voire une contradiction, il faut rappeler que cette affirmation se situe au moment où Rousseau établit une continuité entre la suppression des sociétés partielles au sein de chaque État, et la résorption des conflits internationaux, résorption au moins commandée par la « loi de nature » réglant « la grande ville du monde »[24]. Avec cette continuité dans l’ordre intra- puis inter-étatique, se déduit une gradation entre volontés générales plus ou moins justes, selon qu’elles visent le bien d’une société partielle, d’un État, ou de l’espèce tout entière. La conclusion en est que « la volonté la plus générale est aussi toujours la plus juste »[25].

Il nous faut donc conclure, premièrement : que les décisions injustes prises par les États sont des décisions qui, tout comme les voix individuelles détournées par les sociétés partielles, sont déjà mues par les oppositions d’amour-propre. En conséquence et deuxièmement : qu’il faut chercher, au niveau international, à réduire ces oppositions, tout comme[26] elles doivent être réduites au sein de chaque État, afin de dégager un bien effectivement commun. Rousseau développe en ce sens les projets de l’Abbé de Saint-Pierre, mais sans que cela aboutisse. Ne pourrait-on déduire de cet échec du droit international qu’il n’appartient plus au politique de décider en matière d’universel ? La volonté la plus générale peut être la plus juste, mais en considérant l’ordre du monde, le sens du juste à changé : nous sommes passés du légal au moral. Cela veut aussi dire que le principe du politique légitime ne se réalise qu’en dépassant le politique lui-même, au moins en le subordonnant à une visée de l’universel. Cette subordination doit bien être comprise comme dépassement, et donc aussi comme ce qui interdit au pouvoir politique de se prendre lui-même pour fin. Voilà qui éloigne définitivement la pensée rousseauiste du danger totalitaire, et lui permet de donner encore quelques enseignements à nos démocraties modernes.



[1]. On peut ici penser aux études montrant l’influence de la pensée de Rousseau sur les débats de la Révolution française, p.ex. J.J. Tatin Gourier, Le Contrat social en question. Échos et interprétations du Contrat social de 1762 à la Révolution, Presses Universitaires de Lille, 1989 ; Roger Barny, Les contradictions de l’idéologie révolutionnaire des droits de l’homme (1789-1796), Annales littéraires de Besançon, N°493, Paris, Les Belles Lettres, 1993), et Le droit naturel à l’épreuve de l’histoire, Univ. de Besançon, Paris, Les belles lettres, 1995.

[2]. Il faut lier ces deux notions ; la liberté infléchit, spécifiquement chez l’homme, les déterminations de l’amour de soi : « je ne suis pas libre de ne pas vouloir mon propre bien, je ne suis pas libre de vouloir mon mal ; mais ma liberté consiste en cela même, que je ne puis vouloir que ce qui m’est convenable ou que j’estime tel » ; Émile IV p. 586.

[3]. « [les associés] prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participants à l’autorité souveraine, et Sujets comme soumis aux lois de l’État », Contrat social I 6, O.C. III Paris, Gallimard, Pléiade p. 362.

[4]. Contrat social III 13 p. 427.

[5]. Cf. Politique I 12.

[6]. Politique III 4.

[7]. Terme qui est à prendre en un sens très général pour désigner toute fonction politique.

[8]. Exécutif qui serait à comprendre ici en un sens large, enveloppant le judiciaire. C’est aussi ce sens large que désigne « l’administration » de la cité, expression fréquente chez Rousseau.

[9]. Discours sur l’inégalité, O. C. III Pléiade p. 180.

[10]. Contrat social IV 1, p. 438 et IV 2, p. 439.

[11]. Considérations sur le gouvernement de Pologne Pléiade III p. 985.

[12]. La raison du XVIIIe n’est plus le bon sens de Descartes, qui reconnaît immédiatement le vrai, mais la raison qui constitue et rassemble des savoirs, celle des Encyclopédistes.

[13]. Contrat social II 4, p. 374.

[14]. Émile IV Pléiade T. IV p. 491.

[15]. Contrat social II 6, p. 379

[16]. Contrat social II 6, p. 379

[17]. Ce qui ne signifie pas encore la participation de chaque personne vivant sur le territoire au pouvoir politique, mais néanmoins l’extension de cette participation à tous les citoyens. On peut imaginer que Rousseau n’aurait pas approuvé la définition du citoyen actif dans la constitution de 1791.

[18]. Contrat social IV 2 p. 441.

[19]. Contrat social II 4, p. 374.

[20]. Le bien apparaît avec évidence à l’amour de soi. Nous avons, dans ce sentiment intérieur, ce qui se substitue au bon sens – ou à la raison – de Descartes. Notons encore, pour préciser cette substitution d’un sentiment individuel à la raison publique, que cette évidence ne constitue pas le vrai mais la liberté : elle est moins immédiateté d’un rapport à soi que le mouvement même de constitution d’une identité. C’est encore le lien de la liberté à l’amour de soi : « je ne suis pas libre de ne pas vouloir mon propre bien, je ne suis pas libre de vouloir mon mal ; mais ma liberté consiste en cela même, que je ne puis vouloir que ce qui m’est convenable ou que j’estime tel » Émile IV p. 586.

[21]. Emile I p. 248.

[22]. Émile IV p. 491.

[23]. Discours sur l’économie politique p. 245 et 246.

[24]. Discours sur l’économie politique p. 245.

[25]. Discours sur l’économie politique p. 246.

[26]. A vrai dire, et en pensant ici à une problématique exactement analogue chez Kant, dans la 7e proposition de l’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, il faut d’abord réduire les oppositions internationales, afin que la formation des individus, qui n’a jamais lieu qu’au niveau national, ne soit pas orientée par les conflits interétatiques.