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Marx, Tosel et le travail humain 

Conférence prononcée au colloque "André Tosel, la raison au service de la pratique" – à l’université de Nice les 3-5 avril 2018, colloque co organisé par le Centre d'histoire des philosophies modernes de la Sorbonne de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, la revue Actuel Marx et le Centre de Recherches en Histoire des Idées de l'Université de Nice.

 

Introduction

Comme l’indique le titre de cette conférence, je vais me centrer sur un aspect moins visible du rapport d’André Tosel à Marx, qui ne sera ni le marxisme italien, ni l’histoire du marxisme, ni, ce qui a constitué le cœur de son œuvre, le ou la politique. Je vais me centrer sur le travail. Bien sûr, comme dans toute totalité, l’étude du travail y est déterminée par sa situation, ici dans une œuvre centrée sur le politique, et « l’éclairage dominant »[1] infléchira l’étude du travail vers ce qu’il y a de politique en lui-même et vers ce que le lien du travail avec le politique, constituant l’étude du travail dans le capitalisme, permet d’apercevoir en matière de transformation sociale. Je m’appuierai surtout pour cela sur trois moments de l’œuvre d’André Tosel, sa conférence récente clôturant le colloque sur l’Exploitation, organisé dans le cadre du séminaire Penser la transformation en avril 2016, « Pourquoi l’exploitation n’en finit-elle pas ? »[2], et ensuite sur les deux premiers chapitres des Études sur Marx et Engels, ouvrage paru chez Kimé en 1996.

I. Soumission et subsomption.

Dans le colloque de 2016, le lien entre travail et politique s’exprimait par le lien entre exploitation et domination, et notamment, pour établir la nécessité de ce lien, la mise en question de (ou l’opposition à) cette distinction entre exploitation et domination.

Cette distinction prend sa source chez Marx dans le Capital au sens large, ici dans les Grundrisse et le Chapitre VI. Les Grundrisse précisent comment l’échange remplace la violence « Les rapts d’êtres humains, l’esclavage, le commerce des esclaves et leur travail forcé […] tout cela est directement posé par la violence, tandis que, dans le cas du capital, tout cela est obtenu par la médiation de l’échange »[3], le Chapitre VI parle de la contrainte au surtravail comme ayant éliminé « du rapport d’exploitation toutes les intrications patriarcales et politiques ou encore religieuses »[4]. Il est évidemment difficile de croire à cette relégation de la violence aux origines du capitalisme, même dans nos pays, lorsqu’on y voit des menées fasciste refaire surface, parfois avec la complicité de l’administration locale.

André Tosel adresse à cette distinction entre exploitation et domination une objection qui peut se fonder sur l’analyse de la « contrainte au surtravail ». Il s’agit de retrouver, pour reprendre un titre d’Emmanuel Renault[5], la domination dans l’exploitation même, en liant la « contrainte au surtravail » à la double nature du contrôle capitaliste de la production, qui s’exerce par une double discipline. Il y a tout d’abord une discipline liée à la coopération simple : « Tout le travail immédiatement social ou collectif à une assez grande échelle requiert peu ou prou une direction, dont la médiation assure l'harmonie des activités individuelles […] Un violoniste seul se dirige lui-même, un orchestre a besoin d'un chef »[6]. Mais le capitalisme développe le machinisme parce qu’il lui permet de s’enrichir ; « Ainsi, si la direction capitaliste est, quant à son contenu, duale, du fait de la dualité du procès de production à diriger, qui est d'une part procès de travail social en vue de la fabrication d'un produit, et d'autre part procès de valorisation du capital, quant à sa forme elle est despotique »[7]. On retrouve donc la verticalité de la domination dans l’horizontalité de la production. Les rapports de production pénètrent le fonctionnement des forces productives, pour les modifier en totalité en modifiant leur forme. Nous retrouvons, pour paraphraser Gramsci, la politique dans l’usine. Que la politique demeure un élément essentiel a bien sûr été souligné par A. Tosel qui développe à la fin de sa conférence d’avril 2016 toute l’importance du rôle de l’État, p.ex. pour promouvoir la contractualisation contre la loi.

A. Tosel pouvait alors affirmer : « plus que jamais cette union de l’exploitation et de la domination sous des formes nouvelles montre que le rapport capital / travail est donc devenu un rapport directement politique. Ce n’est plus une logique d’organisation. Ce qui s’est transformé avant tout, c’est la modalité d’insertion du travail dans le capital » ; il précise ensuite : « on n’est plus à l’époque du fordisme, contrôle planifié de la production ou relativement planifié, on en est à autre chose. et il faut voir comment aujourd’hui les instances de négociation, les conventions, sont des formes d’expression de la contrainte sociale, des instances de formation d’un consensus extorqué où les rapports sociaux et leur caractère politique se disent comme un terrain individuel »[8]. On retrouverait en quelque sorte dans ces formes modernes de domination une dimension interpersonnelle. La contrainte au surtravail peut donc bien être attribuée à « divers fonctionnements économiques »[9], et par là se distinguer d’une domination strictement politique, elle doit néanmoins être reliée au politique en général.

On comprend alors l’insistance d’A. Tosel sur la subsomption formelle, celle qui, antérieurement au machinisme, ne bouleverse pas le mode de travail existant, mais exerce sa contrainte économique pour extorquer le surtravail exclusivement par un allongement de la durée du travail, « autrement dit selon la modalité de la survaleur absolue »[10]. Rapportée au capitalisme contemporain, cette caractéristique de la subsomption formelle, qu’A. Tosel appelle aussi soumission formelle[11], ne disparaît pas avec le machinisme et la subsomption réelle : « nous vivons aujourd’hui, et [que] cela vérifie aussi d’une certaine manière des analyses de Marx, que la subsomption formelle n’est pas abolie par la subsomption réelle ». Cette superposition signifie, en rapportant la subsomption formelle au politique en général, qu’exploitation et domination s’articulent dans la nouvelle face du néo libéralisme. Je vous lis la définition que donne A. Tosel de la subsomption formelle : « la soumission formelle du travail c’est celle qui livre l’ouvrier au capital et le capital le prend tel qu’il est cet ouvrier, dans une manufacture, le réunit dans un lieu de travail, et vise essentiellement par la quantité de travail extorqué par la durée, la pression de la durée, d’ obtenir le plus de plus value possible ». Je ne peux pas m’empêcher de penser que dans cette manière de lire la domination comme essentielle au capitalisme[12], A. Tosel rejoint les penseurs marxistes de notre modernité, p.ex. ici D. Harvey et son concept d’accumulation par dépossession, selon lequel les pratiques de prédation n’ont pas disparues[13] et se mêlent dans le « Nouvel impérialisme » à l’extraction de la plus value.

Étudier le travail sous l’éclairage dominant du politique permet donc d’adapter les analyses de Marx à notre modernité, en l’occurrence le post fordisme et l’individualisation de la discipline. A. Tosel peut donc poser que « le capital s’affirme comme un espace de contrainte, contrainte de la domination d’une classe sur une autre, et que les lois économiques définissent bien une domination générale de classe qui comme telle est politique ». Le face à face capital / travail serait impossible sans la médiation du politique, qui intervient ici comme 3e élément essentiel du capitalisme.

II. Les éléments.

J’insiste sur cette notion d’éléments, peu étudiée dans le marxisme, mais qui est pourtant essentielle pour comprendre le composition ou décomposition des sociétés humaines et qui a donc aussi une dimension pratique[14]. A. Tosel avait indiqué cette approche dans le premier chapitre des Études sur Marx et Engels, « Auto-production de l’homme ou communisme de la finitude ? ». Il s’agissait alors d’identifier les « éléments de la formation sociale capitaliste qui peuvent être comme tels déformalisés et susceptibles d’être définis comme contenu matériel d’un mode de production […] que nulle forme d’exploitation et de valorisation ne contamine ? »[15]. Le terme de « déformalisé » est important, il signifie ici « séparer le procès de travail de la forme capitaliste »[16] et il renvoie non seulement à l’unité du mode de production mais aussi je crois à la nature formelle de la subsomption capitaliste, abordée ci-dessus à propos de la discipline du capital, et que je reprendrai dans ma dernière partie à propos de la transformation sociale.

A. Tosel illustre ici l’intérêt de cette notion d’élément. Mais il ne va pas de soi de faire du politique un « élément » essentiel du capitalisme. Dans son analyse de 1844, Marx montre comment le caractère politique de la Révolution française supprime les liens entre le civil et le politique de la société féodale, sans mettre pour autant en place un appareil politique spécifiquement capitaliste. Et lorsque Marx précise quels sont les éléments de la formation sociale capitaliste, il ne mentionne pas d’emblée le politique. La contradiction principale capital / travail oppose la masse des travailleurs nus[17] vendant nécessairement leur force de travail à l’homme aux écus[18], possesseur des moyens de production, et le face à face capital / travail est donc concrètement le face à face des ouvriers et de ces moyens de production ou des machines. Marx détermine ces deux éléments comme principaux, et range ensuite d’autres éléments sous les deux premiers ; cf. Grundrisse, Introduction : « Ces classes sont à leur tour un mot creux si j’ignore les éléments sur lesquels elles reposent, p.ex. le travail salarié, le capital, etc. Ceux-ci supposent l’échange, la division du travail, les prix, etc. Le capital p.ex., n’est rien sans le travail salarié, sans la valeur, l’argent, etc. »[19]. Les travailleurs et le machinisme, comme incarnation du capital, travail mort consommant le travail vivant, sont les éléments primordiaux, sans que le politique apparaisse dans cette liste.

Pourtant, comme nous l’avons vu, le machinisme n’est censé devenir un instrument d’oppression que s’il lui est adjoint une discipline capitaliste visant le produit spécifiquement capitaliste qui est l’enrichissement. La présentation marxienne du passage au communisme fait du machinisme un élément, d’autant plus « déformalisable » que le capitalisme a déjà mis en place les machines comme « moyens de production exploités de manière sociale, c’est-à-dire collectifs »[20]. C’est pour cela que Marx peut écrire que le passage du capitalisme au communisme est plus simple que la sortie du féodalisme[21].

Le machinisme paraît alors plus essentiel au capitalisme que ne le serait le politique. Il demeure pourtant une ambiguïté du machinisme dont on ne sait pas si, apparu avec l’exploitation capitaliste, il peut s’en défaire. Ce point n’a pas échappé à A. Tosel qui posait en avril 2016 la question de « la remise en cause des instruments de travail, des moyens de production », en ne les considérant pas « simplement comme neutres, porteurs d’une rationalité abstraite, ou d’entendement ». A. Tosel rejoint ici les interrogations d’un autre grand marxiste lui aussi disparu l’année dernière, Istvan Meszaros[22]. Selon Meszaros la discipline du capital régnait en U.R.S.S. car le dépassement politique du capitalisme n’avait pas suffit à dépasser l’exigence de productivité liée au machinisme industriel. Le concept de « système du capital » développé par Meszaros viendrait ici contredire la possibilité qu’aurait l’élément « machinisme » d’être « déformalisé » et de constituer ainsi la matière d’un dépassement du capitalisme. Toutefois pour A. Tosel il ne s’agissait pas de croire ou non à « l’innocence des machines », pour reprendre une expression de J. Baudrillard[23]. Mais, à partir de la question portant sur la déformalisation du machinisme, ou, dirais-je, sur le statut du machinisme comme élément, il s’agit de s’interroger sur les modalités d’intégration du machinisme dans une nouvelle formation sociale : « la question qui se pose c’est celle d’une inventivité d’une autre technologie sociale, qui, sans détruire les machines, peut en quelque sorte faire autre chose que de reproduire la lourde hiérarchie de l’industrie fordiste »[24].

La condition de cette déformalisation du machinisme est la reconnaissance de son articulation avec une dimension politique, au sein du capitalisme mêlant subsomption formelle et subsomption réelle. L’interrogation sur la nature de l’élément « machinisme » nous renvoie vers son rapport à un autre élément non moins nécessaire, le politique. Le face à face capital / travail, ou plus concrètement prolétaires / machines[25], n’est ni pensable ni transformable sans lui adjoindre un autre élément, relevant d’une dimension politique, qui permet tout à la fois de penser leur liaison dans le capitalisme, la résistance à cette liaison, et, avec leur déliaison possible, un nouveau mode de rapport dans le dépassement du capitalisme.

III. Subsomption formelle et capitalisme

Le dernier moment de cette conférence voudrait utiliser les deux premiers en montrant comment la position principielle du politique doit rester articulée au moyen de travail pour définir le capitalisme, et donc aussi pour comprendre son dépassement.

Un caractère essentiel de la déformalisation dont parlait A. Tosel est donc cette possibilité d’utiliser autrement les éléments ou parties composantes de l’ancienne société, possibilité qui définit d’ailleurs le concept d’élément lui-même. La question posée au machinisme s’est posée aussi au capital face à l’artisanat urbain et à l’installation des premières manufactures. Ici c’est une définition essentielle du capitalisme qui va peut-être nous donner la clef de son dépassement, en soulignant combien le caractère formel du monde de production capitaliste lui est essentiel, et cela en commençant par faire du « stade » de la subsomption formelle un attribut permanent du capitalisme. Par ce caractère formel, qui s’étend donc au-delà de la seule époque de la subsomption formelle, nous entendons qu’il ne transforme pas immédiatement le moyen de travail mais d’abord la façon de s’en servir et la fin visée, qui est je vous le rappelle non plus l’utilité mais l’enrichissement. Ainsi lorsque les Grundrisse reprennent les développements de la Question juive, ils précisent que les éléments n’ont pas disparu « mais à l’inverse, que seule leur utilisation [ait a] changé, soit passée entre d’autres mains, mais en tant que fonds libre »[26].

La subsomption simplement formelle a donc beaucoup à nous dire sur le capitalisme ; pour reprendre les passages du Chapitre VI définissant la subsomption formelle[27], il y a capitalisme dès que le maître et le compagnon ne sont plus que les portes-valeurs du procès de valorisation, d’accroissement de la valeur. A. Tosel avait choisi de partir, dans sa conférence d’Avril 2016, de cette subsomption formelle, pour montrer précisément qu’il y avait une dimension de domination dans la production et que cette dimension était essentielle au capitalisme.

Si je devais aujourd’hui exprimer ce qui résulte pour moi des considérations d’A. Tosel sur le travail (plutôt que de prétendre en extraire ce qu’il voulait dire) je dirai que c’est cette mise en évidence du caractère formel du capitalisme, caractère qui permet de comprendre, en pensant la recomposition d’un tout social à partir de certains éléments, comment le capitalisme s’installe, comment il se trouve être à la fois plus souple et donc plus résistant que d’autres formations sociales, précisément parce qu’il utilise les éléments existants. Mais justement cela permet aussi de comprendre comment le capitalisme est plus facilement dépassable[28] que d’autres mode de production, puisqu’il ne s’agit pas de tout changer mais de changer la forme de l’usage, la finalité visée, bref la direction[29]. En ce sens donc, lorsque Marx et Engels décrivent dans le Manifeste la puissance révolutionnaire de la bourgeoisie (sic), il faut prendre au sérieux ce caractère révolutionnaire attribué à la bourgeoisie et comprendre que sa manière d’agir est peut-être la définition réelle de la révolution sociale, non pas tout détruire, mais renverser ce qui permet d’utiliser autrement les moyens de production existants.

Voilà pourquoi André Tosel reproche à Gramsci et aux conseils ouvriers italiens d’avoir conservé l’organisation fordiste du travail, la hiérarchie dans l’usine, à tel point que le post fordisme qu’il illustre par les équipes du toyotisme ont pu être une forme détournée des conseils ouvriers au profit du capitalisme. Voilà pourquoi il fallait, je cite encore la conférence d’avril 2016, « ne pas céder sur l’organisation du travail ». Mais pour cela il faut d’abord comprendre que « cette résistance à l’oppression était la condition de la résistance à l’exploitation »[30].

Réduire l’exploitation ne peut se faire sans viser en même temps la réduction de la domination, et la catégorie principale synthétisant ces deux dimensions est celle qu’A.T. trouvait chez Gramsci, la catégorie de direction. Le cœur de la conférence d’avril 2016 était donc consacré à l’analyse des conseils ouvriers italiens.

Conclusion. La finalité révolutionnaire.

Je voudrais conclure sur un dernier aspect de l’analyse du travail, abordé dans le chap. 2 des Études sur Marx et Engels, qui souligne encore une fois la modernité de la pensée d’A.Tosel, aspect concernant le dépassement de l’exploitation et l’avènement d’un « travail humain ». Il s’agit de comprendre l’émergence du temps libre comme condition du développement humain, en liant ce temps libre à la transformation du travail et cette dernière au dépassement de la centralité du travail. En flirtant avec Hegel, A.Tosel ancre ce dépassement dans une dialectique propre au travail capitaliste liant l’exploitation du travail à la production d’une surpopulation relative, et donc à la production du non travail. Le principe du raisonnement marxiste est simple et repose sur le plus grand développement du travail mort ou du capital fixe, absorbant le travail vivant ou le capital variable. Nous sommes au chap. 23 pt. 3 du L.I du Capital. L’application du principe est complexe, ce sont les développements concernant la surpopulation relative, on l’on comprend que la demande de travail est indépendante de l’offre, que la surexploitation provoque moins d’embauche, que la dévalorisation de la FT sollicite des forces de travail moins développées (enfants…).

Du point de vue d’A. Tosel, Marx a eu tort de qualifier de « relative » cette surpopulation, au sens où relatif voudrait dire réversible ou momentanée ; Marx aurait toujours envisagé la réduction possible ou périodique de ces hommes superflus, surpopulation qualifiée pour cela de relative[31]. On peut en discuter, André Tosel le fait dans une longue note p. 59, mais l’essentiel est pour lui que la production d’une surpopulation de travailleur, et donc du non travail, soit devenue permanente. Il s’agit ici plutôt de la thématique du non travail que de la fin du travail – puisque le non travail des uns est produit par le travail des autres – ce qui s’exprime par l’oxymore des « hommes superflus », expression que l’on trouve chez Arendt et que thématise aujourd’hui B. Ogilvie, mais que l’on trouve chez Marx, au chap. 23 du Livre un du Capital[32].

C’est ici que vient se greffer la thématique du temps libre, dans un mouvement en trois temps, tout d’abord une lecture de Marx reconnaissant la contradiction interne au travail, entre la centralité du travail abstrait et sa non centralité pour la masse des exclus, ensuite par la reconnaissance de la fixation de cette surpopulation relative dans une « dialectique bloquée »[33] produisant la masse des « hommes superflus ». Le dépassement de cette contradiction impliquant de rendre les hommes à la fois nécessaires – pour la production – et libres – c’est-à-dire détachés de leur lien au travail. Ce dépassement requiert tout à la fois le partage du travail, la transformation de sa visée, et donc d’abord la direction de la production. C’est-à-dire encore une fois, pour rester dans l’éclairage dominant, la conquête du pouvoir politique.



[1]. Pour reprendre l’expression de l’Introduction de 1857, Grundrisse, trad. fr. reéd. en un volume, Paris, Les Éditions sociales, 2011, p. 63.

[2]. La vidéo de cette conférence est disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=XFVKvRYoK7g

[3]. Grundrisse, trad. fr. p. 725.

[4]. Chapitre VI. Manuscrits de 1863-1867, Paris, GEME / Éditions sociales, 2010, pp. 191.

[5]. E. Renault, « L’exploitation comme domination », in L’exploitation, colloque du séminaire Penser la transformation, avril 2016. Également, E. Renault, « Marx se réfère-t-il au travail et à la domination ? » in Actuel Marx 2011 N°49.

[6]. Capital I 11 trad. fr. J.-P. Lefebvre Paris P.U.F. 1993 p. 372.

[7]. Ibid. p. 373.

[8]. Suit dans la conférence d’avril 2016 : « On a souvent représenté le rapport social chez Marx comme impersonnel. Le rapport impersonnel ne peut passer que effectivement si il y a des formes d’appropriation interindividuelles. Or aujourd’hui les formes de contractualisation prises réalisent des mécanismes impersonnels en passant par la médiations de rapports interpersonnels, ce qui les rend acceptables, subjectivement supportables ou en tous les cas acceptés. ».

[9]. Chapitre VI p. 182.

[10]. Chapitre VI. Manuscrits de 1863-1867, Paris, GEME p. 183 ; en général sur la subsomption formelle pp. 179-183.

[11]. Ce qui n’est pas impossible, cf. l’article « subsomption formelle » de G. Bensoussan dans le Dictionnaire du marxisme.

[12]. Cf. la suite de la citation précédente d’avril 2016 : « nous vivons aujourd’hui, et [que] cela vérifie aussi d’une certaine manière des analyses de Marx, que la subsomption formelle n’est pas abolie par la subsomption réelle. L’exploitation marque donc la double face inséparable – voilà pourquoi je posais la question de la valeur – de la contrainte et de la valeur. La classe capitaliste <avançons un peu dans l’analyse détaillée dans la grande découverte de Marx> ce n’est rien d’autre que cet ensemble de pratique coercitives, incarnées par un groupe d’individus, que Marx ne cessera de détailler ».

[13]. Cf. D. Harvey in http://www.vacarme.org/article2128.html, « J’ai forgé le concept d’« accumulation par dépossession », qui recoupe la diversité des processus d’expropriation, de privatisation ou d’appropriation des ressources. J’y vois en effet un ressort de la croissance urbaine. Certains marxistes me reprochent d’avoir modifié le concept d’accumulation primitive, considérée par Marx comme antérieure au capitalisme industriel. Pour moi, ces pratiques de prédation n’ont pas disparu. ». Cf. également Contretemps février 2013.

[14]. J’ai récemment souligné l’intérêt de cette notion dans une conférence à paraître dans La Pensée, juin 2018 : « Le concept d’élément dans la philosophie marxiste ».

[15]. A. Tosel, Études sur Marx et Engels, Pairs, Kimé 1996 Chap. 1, p. 28.

[16]. Ibid.

[17]. Cette expression veut renvoyer au texte des Grundrisse que plusieurs commentateurs (Dussel, Tronti) ont reconnu comme fondamental : « ]). En tant que tel il est non-matière première, non-instrument de travail, non-produit brut : le travail séparé de tous moyens et objets de travail, de toute son objectivité. Le travail vivant, existant comme abstraction des moments cités de son effectivité réelle (également non-valeur) ; ce complet dépouillement, c’est l’existence démunie du travail, démunie de toute objectivité. Le travail comme la pauvreté absolue : la pauvreté non comme manque, mais comme exclusion totale de la richesse objective. Ou bien encore, en tant qu’elle est la non-valeur existante et donc la valeur d’usage purement objective, existant sans médiation, cette objectivité ne peut être qu’une objectivité coïncidant avec la corporéité immédiate de celle-ci » ; K. Marx, Grundrisse, trad. fr. p. 256.

[18]. Cf. Capital I trad. fr. Joseph Roy, Paris, Garnier Flammarion, 1969, chap.6, p. 130.

[19]. Grundrisse, Introduction, trad. fr. p. 56.

[20]. Capital I Chap. 24, « La prétendue accumulation initiale », trad. fr. J.-P. Lefebvre p. 856 (en fait toutes les deux dernières pages : la production capitaliste, « repose déjà sur un système de production social »).

[21]. C’est ainsi qu’est présentée l’expropriation des expropriateurs à la fin du chapitre 24 du livre I du Capital.

[22]. Beyond Capital, London, Merlin Press, 1995, part 4 p. 980 & chap. 14.5.

[23]. L’échange symbolique et la mort, « La fin de la production », Paris, Gallimard, 1976, p. 30

[24]. Avril 2016. A. Tosel renvoyait alors à Bruno Trentin.

[25]. Avec l’évolution financière du capital, on devrait en dire autant ici de l’argent et de la reprise du contrôle politique des banques centrales.

[26]. Grundrisse trad. fr. p. 462/463.

[27]. Chapitre VI. Manuscrits de 1863-1867, Paris, GEME pp. 179-183.

[28]. Au sens de Marx cité plus haut à propos de l’expropriation des expropriateurs à la fin du chapitre 24 du livre I du Capital : le passage du capitalisme au communisme est plus simple que la sortie du féodalisme.

[29]. En pensant à une autre remarque d’A. T. dans sa conférence d’avril 2016 : « la catégorie fondamentale de Gramsci c’est pas celle d’exploitation, ce n’est pas celle de domination, c’est celle de direction ».

[30]. « cette résistance à l’oppression était la condition de la résistance à l’exploitation. et d’une certaine manière c’est ce qui fait qu’en définitive il a cédé trop vite sur la rationalité de l’organisation du travail scientifique. » Conférence d’avril 2016.

[31]. Cf. Études sur Marx et Engels, chap. 2, la note de la p. 58/59.

[32]. Trad. J.-P. Lefebvre, « Production progressive d’une surpopulation relative ou d’une armée industrielle de réserve », p. 706.

[33]. Ibid. p. 52-58. On passe alors de l’identité de la différence et de l’identité, à la différence de l’identité et de la différence.