Accueil>Conférences

La communauté politique rousseauiste.

Conférence prononcée au Lycée Joffre à Montpellier le 28 janvier 2003.

Introduction

Lorsque j’ai proposé le titre de cette intervention, « La communauté politique chez Rousseau », j’avais simplement à l’esprit la conjonction d’un thème de cours et des préoccupations qui ont été les miennes dans les deux derniers ouvrages publiés, il y a déjà deux ans, tout en essayant de trouver un titre le moins contraignant possible. Par inertie, ou atavisme scolaire, j’ai fini par m’attacher à ce titre et je ne vous parlerai finalement ni des interprétations les plus polémiques des deux derniers ouvrages, ni des problèmes et contradictions que recèle l’expression « communauté politique », ce que j’annoncerai à peine en conclusion. Il m’a bien fallu commencer par rappeler que les termes du titre sont quasi inséparables chez un auteur qui fait de l’association le seul fondement possible du politique, et qui dans le fonctionnement même du corps déjà institué rapporte la verticalité du pouvoir à l’association première, fait juge les membres assemblés de la forme du gouvernement et des personnes qui l’ont en charge. Pour ébranler la compacité conceptuelle de ce commentaire on dispose bien sur d’une pléthore d’interprétations et notamment des critiques libérales, aujourd’hui réactualisées, qui renvoient le politique rousseauiste vers une forme de totalitarisme négateur des individualités. C’est trop pour ma problématique, et je pense aussi pour l’œuvre elle-même. Voilà pourquoi j’ai pris appui, dans une deuxième partie, sur la place de l’individu propriétaire comme auteur du politique chez Rousseau lui-même, puis, dans une dernière partie, j’ai reconstitué le politique rousseauiste autour d’un individu tout aussi rousseauiste mais moins libéral, car non égoïste. Le fonctionnement du politique rousseauiste se présente alors comme une véritable démocratie et s’enracine bien dans les volontés individuelles, mais cette démocratie est étrange, et pourrait conduire à reformuler le titre de l’intervention à partir de ce dernier moment : « la démocratie rousseauiste, une communauté politique ? ».

I. Le politique comme communauté.

IA. le Moi « commun » : l’unité.

Parler de communauté politique chez Rousseau va apparemment de soi puisque l’institution du politique se fait « avec » l’avènement d’une communauté, en comprenant « communauté » dans le sens encore large d’un rassemblement plutôt stable, en tout cas dont les membres rechercheraient la stabilité. La communauté vient qualifier l’union à laquelle donne naissance le contrat : c’est le Moi « commun » qui suit immédiatement le pacte. Ce qualificatif permet alors de souligner, dans la passation du contrat, moins ses éléments (engagement individuel, contrepartie, etc.) que la fin visée par l’institution politique : l’unité d’un groupe humain que ne diviserait plus les oppositions d’intérêts.

Cette unité aurait pu être pensée comme résultat d’une soumission de chacun au pouvoir[1], l’unité du corps politique serait alors garantie par l’inflexibilité des liens établis entre le pouvoir commun et chaque individu contractant. Mais chaque individu, dans ce réseau étoilé, n’aurait alors de rapport qu’avec le pouvoir auquel il se soumet, et donc pas avec ses concitoyens : parlerait-on encore de communauté dans cette société où tous les sujets n’ont rien de commun que l’obéissance[2] ? Chez Rousseau pour qui, vous le savez, la soumission seule[3] n’engendre aucun état civil et ne fait que perpétuer l’état de guerre[4], à propos d’une telle société constituée par la soumission nous ne pourrions même plus parler de politique. Dans l’association rousseauiste politique et communauté semblent bien aller de pair, tout le mouvement du L. I du Contrat tend vers l’association comme seul fondement possible des sociétés politiques. Après avoir évacué l’origine naturelle, puis la force, parmi les origines contractuelles, association et soumission, la soumission est récusée avec l’esclavage contractuel au Ch. IV, ne reste donc plus, ce qu’explicite le Ch. 5 du L. I, que le pacte d’association comme seul fondement possible des sociétés politiques légitimes. A vrai dire, et cela renforce encore les liens entre politique et communauté, l’association ne détermine pas seulement le fondement des sociétés politiques légitimes (elle ne se borne pas à circonscrire le politique), elle définit mais aussi leurs modalités de fonctionnement : lorsqu’il s’agira, au Contrat social III 16, d’instituer le gouvernement, Rousseau répètera alors qu’il n’y a pas plus soumission dans l’administration de la cité qu’au niveau du pacte. L’évacuation de la soumission est alors complète, plus complète qu’au L. I, où la condamnation de l’esclavage contractuel n’évacuait qu’une soumission absolue ; lorsqu’il récuse tout contrat de gouvernement, Rousseau évacue aussi toute soumission limitée, partielle ou conditionnée, hors du politique[5].

Le politique s’institue et fonctionne par l’association, association d’autant plus étroite que sa cohésion se fonde sur la volonté de chaque membre. Cette volonté commune de s’unir nous permet-elle de confirmer le lien entre politique et communauté ?

IB. Le « Moi » commun : l’identité.

Oui, mais pas immédiatement, parce que Rousseau va plus loin que ne le demanderait l’engagement initial, lorsqu’il exprime cette unité comme un « Moi », et c’est ce renforcement de l’unité première qui nous conduira à mettre en question puis à mieux déterminer ce qu’est cette communauté politique Rousseau renforce donc l’unité produite en faisant appel à ce Moi. En effet le Moi est toujours ce qui est un, qu’il s’agisse de métaphysique (le Moi sans contradiction et sans partage, dont croit jouir le chrétien après sa mort dans Émile IV p 605), ou d’anthropologie[6]. On retrouve en politique la définition du Moi comme unité : le premier usage de la métaphore anthropomorphique de l’État, dans le Discours sur l’économie politique, attribue à la société politique un « moi commun » parce qu’il peut être question « d’unité » et d’une unité qui est bien réunion, « correspondance interne de toutes les parties ». Le problème est que l’idée de Moi renforce l’unité produite parce qu’elle enveloppe, avec l’unité, une question d’identité, qui fait bien sûr problème dans la mesure où elle doit être à la fois celle de la société politique et celle, à quoi nous renvoie l’appellation de « Moi », de chaque individu la composant. L’unité d’abord descriptive de la société politique devient une unité dynamique et génétique, qui se constitue parce que chacun de ses membres serait capable de transporter son Moi dans l’unité commune ; c’est la fameuse dénaturation positive d’Émile I, que l’on retrouve dans le Contrat social II 7, où le législateur devrait réussir ce tour de force consistant à exporter (on n’ose dire déporter) le Moi de chacun dans l’unité commune. Le passage de l’unité à l’identité est alors, en matière de société politique, incompréhensible, voire scandaleux. On peut lire très sévèrement le texte du Contrat social I 6 : il y est bien question que le pacte substitue à la personne de chaque contractant un Moi commun : « au lieu de la personne de chaque contractant ». Et l’opposition radicale, que met en place Émile I, entre l’homme naturel et l’homme civil, n’adoucit pas ce visage du politique, d’autant que c’est autour de ce texte d’Émile I[7] que s’accumulent les références romaines et spartiates. Le renforcement de l’unité commune doit-il nous conduire à identifier le politique rousseauiste à une sorte de néofascisme archaïque ? Non, malgré les textes accompagnant le passage d’Émile I. Tout d’abord parce que Rousseau se sert de ces références à l’antiquité pour les opposer à la fois, dans ces textes, à l’homme naturel et à l’homme de son époque : cela veut dire qu’il privilégie ce qui renforce l’opposition entre l’individu centré sur lui-même d’une part – qu’il s’agisse de l’homme naturel ou de l’homme de son époque – et le citoyen d’autre part. De plus, si la vie politique d’un romain ou d’un spartiate est impensable pour nous aujourd’hui, elle ne l’est pas moins à l’époque de Rousseau, cf. Émile I, même page, où Rousseau écrit : « cela n’a pas grand rapport ce me semble aux hommes que nous connaissons ». Je rassemble les deux dernières remarques en soulignant que si Rousseau semble louer des figures extrêmes du citoyen, il ne faut pas oublier que ces figures extrêmes sont présentée dans le cadre d’une opposition aux hommes de son époque, qu’il déprécie sans conteste et constamment.

IC. Le corps politique.

On peut donc nuancer les textes qui nous paraissent anachroniques[8], mais on ne peut supprimer les passages, et il est bien question, par le pacte social, de substituer le citoyen à l’homme. Il faut donc donner un sens à ces textes. Strictement inséré dans son contexte, le passage qui suit immédiatement le pacte social signifie bien que je n’existe plus comme individu naturel quand je deviens citoyen. Ne pourrait-on alors renforcer la condition ? C’est en tant que citoyen que je ne dois plus me conduire comme individu naturel : cela ne concerne pas l’ensemble de ma vie ni tous les aspects de mon comportement, c’est du point de vue politique que je n’existe plus comme personne particulière : du point de vue politique, i.e. du point de vue des rapports de pouvoir. Rien de scandaleux à cela : je me rapporte aux règles communes au lieu d’exercer immédiatement un pouvoir sur autrui : c’est ce que nous faisons tous en respectant les droits d’autrui, en attendant des pouvoirs publics qu’ils fassent respecter les nôtres, et en nous retenant de faire justice nous-mêmes. De ce point de vue le déplacement de mon identité politique correspond à la substitution, au moment où je pourrais exercer un pouvoir de contrainte sur autrui, de la force publique à ma force propre : c’est ce dont il est question dans le Contrat social II 7 lorsque Rousseau reprend le thème de la dénaturation d’Émile I.

Mais cela vaut aussi pour la substitution de la volonté publique – la volonté générale – à ma volonté propre. Cette substitution-là serait tout à fait scandaleuse (piégée), puisque j’aurai tout à y perdre... si cette volonté publique me demeurait étrangère. Or elle ne l’est plus dès lors que je la reconnais comme mienne. Sans se demander sérieusement, dans cette première partie, comment une telle reconnaissance est possible (ce sera l’objet du III) je note la condition sous laquelle on pourrait admettre les propositions rousseauistes sans confiner Rousseau dans le néofascisme : le rapport au politique ne peut prétendre se substituer à l’unité et à l’identité de l’individu que dans l’exacte mesure où ce même individu constitue l’unité et l’identité du politique, ce qui requiert que la volonté générale puisse être effectivement la volonté des individus-citoyens. Le Moi commun du corps politique ne peut être commun que s’il est vraiment à moi. En lisant le Contrat social non plus du point de vue de l’individu indépendant et égoïste, mais du point de vue de la possibilité, voire de la recevabilité des thèses de Rousseau, on s’aperçoit donc que la présence de la volonté générale en chaque citoyen consulté, sa participation effective à la constitution de la volonté générale, et donc la dimension « démocratique »[9] en général, rend possible le politique rousseauiste, et en un même temps le sauve du fantasme spartiate. Ce sauvetage n’a rien d’extérieur à la pensée de Rousseau : la participation de chaque individu-citoyen au pouvoir souverain, le fait que ce pouvoir souverain ne puisse jamais être abandonné à un quelconque représentant, sont à la fois des caractères propres à une démocratie exigeante et des caractères connus du politique rousseauiste : le primat de l’association sur la soumission, et la construction du corps politique en son entier sur la seule association première.

II. Les individus contractants.

IIA. L’Existence séparée des individus.

Toutefois l’acception positive (« démocratique ») de cette identité politique commune a ses limites, limites qui demeurent, et qui sont précisément celles que les détracteurs de Rousseau lui reprochaient d’enfreindre : il s’agit de l’existence individuelle, et de ce qu’elle a de plus irréductible à une identité commune. Rousseau en est bien conscient : « les citoyens ont beau s’appeler membres de l’État, ils ne sauraient s’unir à lui comme de vrais membres le sont au corps ; il est impossible de faire que chacun d’eux n’ait pas une existence individuelle et séparée, par laquelle il peut seul suffire à sa propre conservation »[10].

Cette existence « séparée » des individus a une double signification : existence séparée les uns des autres, et existence séparée du Moi commun que le politique prétend constituer. Et l’existence séparée des individus les uns des autres peut avoir à son tour une double signification, selon qu’elle désigne les individus opposés par l’amour propre, ou les individus demeurant indifférents à autrui, mais mus par l’amour de soi. Au terme de la dégénérescence historique, il est bien difficile d’imaginer un individu mû par le seul amour de soi, même si cette passion fondamentale et primitive est censée ne jamais quitter l’homme tant qu’il vit[11]. L’humain que rencontre Rousseau est mû par l’amour-propre, et ne se rapproche d’autrui que pour s’affronter à lui, dans des conflits qui sont au moins des conflits d’opinion. Les rares moments de paix sont obtenus par la force ou la ruse, et ne sauraient se maintenir ; nous nous approchons d’un temps de courtes et fréquentes révolutions[12]. Les dissensions et les haines provoquées par l’amour-propre ont pour conséquence une séparation entre les individus et le pouvoir commun, voire entre les individus et tout ce qui pourrait se construire en commun. Car bien entendu ces individus séparés par l’amour-propre sont aux antipodes du citoyen antique et ne sont nullement prêts à reconnaître un pouvoir commun auquel ils obéiraient, ce qui reviendrait à identifier leur volonté particulière à la volonté générale, et donc aussi à s’identifier l’un à l’autre comme constituant également le pouvoir commun (se reconnaître comme identiques de ce point de vue).

C’est une difficulté supplémentaire de l’œuvre, car ces individus étrangers au politique sont précisément ceux dont part Rousseau pour fonder le corps politique légitime, dans le premier Discours ou dans le Contrat social. L’anthropologie décrite dans le premier Discours, qu’il s’agisse de la connaissance « métaphysique » de la nature humaine comme agent libre, ou qu’il s’agisse du déploiement, plus proprement anthropologique, des passions primitives (de l’amour de soi vers la pitié et l’amour-propre), cette anthropologie est reprise telle quelle dans le Contrat social, au moment même où elle entre en jeu dans l’institution du politique. Je veux bien sûr souligner le tout début du Contrat social I 6 où Rousseau, même s’il ne rentre pas dans des considérations anthropologiques – qu’il a exclues dès le début du L.I (Ch. 1) –, renvoie néanmoins au moment même de l’instauration du politique dans le Discours sur l’inégalité, en réutilisant la même expression qui désignait le terme de la dégénérescence de l’état de nature comme état de guerre : « je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation […] » correspond aux deux occurrences de l’institution du politique dans le Discours sur l’inégalité : « Les choses en étant parvenues à ce point, il est facile d’imaginer le reste », Discours sur l’inégalité p. 174, qui lui-même reprend le début de la seconde partie du Discours, « les choses en étaient déjà venues au point de ne plus pouvoir durer comme elles étaient », p. 164.

Or, à ce point de la dégénérescence historique – que ce soit celle de l’état de nature ou du politique d’ailleurs, cela revient au même[13] – à ce point ne se rencontre plus, mis à part quelques grandes âmes, que des individus mus par l’amour-propre, et dont la pitié naturelle a depuis longtemps été « étouffée ». C’est cet individu indépendant et égoïste que Rousseau prend en compte lorsqu’il répond à Diderot (à l’auteur de l’article Droit Naturel de l’Encyclopédie) dans le chapitre supprimé du Manuscrit de Genève, et c’est encore un individu indépendant qu’il faut contraindre à obéir au lois dans le Contrat social I 7, lorsque la volonté individuelle oppose l’intérêt particulier à l’intérêt commun, et incite l’homme indépendant à « jouir des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs de sujet ».

IIB. L’anthropologie politique de Rousseau.

C’est pourtant sur un tel individu que Rousseau fonde son corps politique, c’est-à-dire par un tel individu que ce corps doit être institué. Cela vaut tant pour le riche qui institue la société politique dans le Discours sur l’inégalité que pour le propriétaire auquel s’adressent le Contrat social I 8, et Contrat social I 9. On pourrait ne pas faire appel ici aux interprétations soulignant la validité du contrat dans le Discours sur l’inégalité, interprétation derrière lesquelles je me suis rangé, en les étayant je l’espère, dans mon dernier ouvrage[14]. Que Rousseau s’adresse à l’individu propriétaire soucieux de conserver ses biens se lit clairement dans le Contrat social, où les Ch. 8 et 9 du livre un s’adressent à l’individu propriétaire pour lui démontrer les bienfaits de l’état civil, en tant qu’individu d’abord (Ch.8, il devient homme, mais il est déjà question de la propriété), et comme propriétaire ensuite, le Ch. 9 se concluant par la présentation du pacte, non comme dépossession, mais comme « cession avantageuse »[15]. Cela était dit au moment du pacte : « on gagne l’équivalent de tout ce qu’on perd et plus de force pour conserver ce qu’on a »[16].

IIC. L’individu, mort du corps politique ?

Si les individus sont les mêmes dans le Discours sur l’inégalité et le Contrat social, pourquoi avoir rédigé un second ouvrage ? Tout simplement parce que, le pacte du Discours sur l’inégalité, conçu à l’instigation du riche pour protéger ses intérêts, s’il commence bien par une véritable société politique mieux à même que tout autre stratagème de protéger les biens de chaque associé, est rapidement dévoyé, précisément parce que le riche usurpe le pouvoir commun, pensant, cette fois-ci à tort, satisfaire son intérêt particulier. D’abord absentes du premier contrat d’union[17], les magistratures apparaissent après l’expérience des inconvénients et des désordres de la démocratie réelle[18]. C’est alors que Discours sur l’inégalité envisage, dans le droit fil de Diderot (cf. l’article Autorité politique) et du droit naturel moderne, mais contre la doctrine ultérieure du Contrat social, un contrat de soumission entre le peuple et les chefs qu’il se choisit, comprenons les chefs élus[19]. Ce sont ces mêmes magistratures qui, devenues héréditaires, installent l’intérêt particulier à la tête du corps politique, ce qui ne signifie pas autre chose que sa dissolution.

Le Contrat social répond à cette dégénérescence du politique tout comme le chapitre supprimé du Manuscrit de Genève l’annonçait : il tire du mal même le remède[20], en faisant appel à l’intérêt particulier, pour constituer un corps politique, dont l’intérêt particulier et égoïste ne devrait jamais pouvoir usurper l’autorité. Ici la métaphore médicale du mal et du remède est bien adapté, puisque la présence d’intérêts particuliers à la tête du corps politique est cela même qui cause la mort du corps politique au Ch. XI du L. III du Contrat. Il s’agit donc avant tout de « prévenir les usurpations du gouvernement », titre du Ch. XVIII du même L.III, ce que Rousseau envisage, comme vous le savez, à l’aide d’assemblée périodiques manifestant l’existence propre du souverain (le peuple assemblé ou ses délégués), assemblées qui doivent systématiquement s’ouvrir par les questions préalables concernant la forme du gouvernement et le maintien ou non des personnes qui en assument les fonctions[21].

Certes ce remède n’est pas suffisant, parce qu’il est dans la nature de tout gouvernement de tendre vers l’usurpation de l’autorité souveraine, et que tout corps politique « commence à mourir dès sa naissance ». On pourrait aussi bien penser que le remède est insuffisant parce que le corps politique ainsi constitué repose sur l’intérêt particulier d’individus, mus par l’amour propre, qui ne cesseront jamais de s’opposer et n’arriveront pas, pas plus que le riche du Discours sur l’inégalité ou l’individu indépendant du Ch. 2 du Manuscrit de Genève, à bien comprendre leur intérêt. De fait, même dans le Contrat social, Rousseau nous présente ce mal comme indéracinable. Ce mal provenant d’un intérêt particulier tout aussi indéracinable, nous faudrait-il comprendre que le politique, devant se construire tout à la fois contre et avec l’intérêt particulier, demeurerait une communauté illusoire, et la philosophie politique, maîtresse d’illusion ? L’individu peut être mortel et en bonne santé : en va-t-il de même pour le corps politique ?

III. L’individu constituant et la démocratie rousseauiste.

IIIA. L’intérêt particulier.

En défendant la place de l’intérêt individuel au sein du corps politique rousseauiste, on distingue le Contrat social d’un fantasme spartiate, et on rend sa possibilité historique pensable. Mais si l’on devait s’en tenir à l’intérêt égoïste, le corps politique rousseauiste ne pourrait se maintenir qu’en contraignant les volontés individuelles qui s’opposeraient toujours à l’intérêt commun. Le politique ne serait alors chez Rousseau, comme pour les penseurs libéraux, qu’un mal nécessaire, cherchant à limiter les conséquences d’un égoïsme préservé en son fond. Si cela était le cas, c’est alors que les accusations précédentes (totalitarisme ou néofascisme) seraient justes, puisqu’à la différence des penseurs libéraux, Rousseau déduit effectivement un pouvoir absolu du souverain (Contrat social II 4). Et face à des individu égoïstes tout pouvoir absolu est effectivement une menace : il les contraint à respecter une loi, loi censée viser un bien commun qui demeure étranger aux individus égoïstes. Jamais ces individus ne participeront à un tel pouvoir, si ce n’est pour l’accaparer, ce pouvoir ne cessera donc d’opprimer un grand nombre d’individus, qui souhaiteront donc le voir réduit au minimum.

Pour ne pas en rester là et laisser Rousseau dans une grossière contradiction mettant face à face l’intérêt particulier et le pouvoir commun, il faut pouvoir trouver dans l’individu même un intérêt pouvant s’unir à celui des autres, du moins ne s’y opposant pas. Cette possibilité existe dans l’anthropologie de Rousseau, certes moins dans l’histoire de la dégénérescence que dans la détermination première de la nature humaine : il s’agit de l’individu mû par l’amour de soi, individu qui est tout aussi séparé des autres que l’individu historique mû par l’amour-propre, mais l’individu. mû par l’amour de soi doit sa séparation à son indifférence et non à une relation conflictuelle. Cet individu, dont nous n’avons pas encore examiné la participation possible au politique, peut être juxtaposé à autrui sans chercher immédiatement à ébranler toute existence commune. C’est de lui qu’il nous faut maintenant partir pour reconstruire la possibilité d’une communauté politique rousseauiste.

IIIB. amour de soi et volonté générale.

Avant d’en venir au fonctionnement politique d’une telle communauté politique, il faut s’assurer que l’amour de soi peut servir de fondement à l’institution politique A cette fin, il faut d’abord remarquer que l’omniprésence de l’amour-propre ne signifie pas que l’amour de soi puisse être, comme la pitié, étouffé. L’amour de soi est toujours là, ne quitte jamais l’homme tant qu’il vit. L’amour de soi est plus perverti qu’étouffé, et même si on ne peut pas faire d’emblée appel à lui au moment du pacte, rien n’interdit d’envisager que le jeu des institutions remplisse un rôle éducatif en « étouffant » à son tour l’amour-propre pour permettre à l’amour de soi de s’exprimer[22]. Étouffer l’amour-propre ne veut pas dire exterminer une partie de la population[23], mais veut dire ne pas donner l’occasion à l’amour-propre de se développer politiquement, ne pas construire donc les institutions politiques sur des rapports de pouvoir interindividuels. Ce rôle éducatif est plutôt souligné dans Émile que dans le Contrat social, lorsqu’Emile II fait prévaloir la dépendance des choses sur la dépendance des hommes. Dans le Contrat social, le rôle positif des institutions politiques est contenu dans la généralité de la loi[24] : il s’agit de mettre la loi au-dessus de l’homme, selon la célèbre expression de la lettre A Mirabeau de juillet 1767. Tout ce qui souligne le caractère impersonnel du pouvoir souverain permet de retenir l’amour-propre hors du politique, et laisse de ce fait le champ libre à la manifestation d’un intérêt non-oppositif, fondé sur l’amour de soi.

De plus, et j’ai déjà insisté sur ces points dans mes deux ouvrages précédents, cet intérêt non oppositif est celui que sollicite Rousseau pour constituer la volonté générale. Sans en appeler à l’amour de soi contre l’amour-propre, on ne comprendrait plus du tout comment lors de la première définition de la volonté générale, au livre deux du Contrat[25], peut fonder la « rectitude naturelle » de la volonté générale sur le fait que « chacun songe à lui-même », ou qu’elle dérive « de la préférence que chacun se donne ». Il n’y aurait plus qu’amour-propre, et cela voudrait dire que Rousseau nous invite ici à partir de l’amour propre, et à dégager une majorité par la voie de compromis ou de compensations, au terme de longues réunions ou, tout aussi bien, au terme d’un processus de vote dégageant une majorité sur fond d’opposition. Rousseau décrit bien l’annulation des petites différences dans le vote, au chapitre précédent, Contrat social II 3, mais ce n’est pas du tout pour aboutir à l’expression d’un compromis final qui pourrait bien ne plus être la volonté de personne[26]. A la différence du compromis insatisfaisant, le résultat auquel aboutit l’annulation des petites différences du Contrat social II 3 est effectivement présent dans les voix et dans les volontés des citoyens qui s’expriment : la volonté générale est bien la leur, la majorité est contente de la décision prise et s’en satisfait[27]. Les volontés particulières opposées s’annulent dans le vote, les volontés qui ne s’opposent pas persistent et constituent la volonté générale. Les volonté particulières qui demeurent sont donc celles qui ne s’opposent pas à celles des autres, proviennent de l’amour de soi et non de l’amour-propre. L’amour de soi des individus-citoyens peut ainsi fonder la rectitude de la volonté générale, tout en permettant de rapporter l’individu citoyen au Moi commun du corps politique, puisque l’unité de ce Moi ne s’exprimera pas autrement qu’en visant, par la volonté générale comme volonté du corps politique, l’intérêt général. La volonté générale peut être ici expression d’un véritable intérêt individuel, non seulement au sens où l’intérêt non oppositif n’en est pas moins particulier et individuel pour cela, mais encore parce que cet intérêt, en ne se fondant pas sur l’opposition à autrui, reste au plus près de ce que je peux effectivement vouloir pour mon bien propre, véritable ou authentique, celui qui n’est pas dû à l’opinion. Cela ne veut pas dire que la volonté générale résume l’intérêt individuel, mais en tout cas que les individu mus par l’amour de soi participent vraiment à constituer la volonté générale.

Dans la mesure où la volonté générale peut ainsi se retrouver dans la volonté particulière, mais non exclusive, de chaque individu-citoyen, le caractère démocratique du corps politique rousseauiste est donc sauvé. Mais à un prix étrange. Parce qu’en fondant la démocratie sur l’amour de soi, et donc sur l’indifférence aux intérêts des autres individus, pour que l’amour de soi s’exprime, pour que son expression ne se confonde pas avec celle de l’amour-propre dans des oppositions entre sociétés particulières (entre partis, etc.), il faut que le citoyen « n’opine que d’après lui ». La conclusion du Contrat social II 3, avant que l’on comprenne le sens anthropologique de ce retour en soi-même, présente déjà cette nécessité de façon mathématique, du point de vue du décompte des voix et du calcul de la volonté générale : toute sommation partielle fausse le résultat en ne permettant plus que les différences entre les volontés particulières s’annulent. Le résultat peut ainsi ne plus être la volonté générale. Que ce soit d’un point de vue des mathématiques électorales ou d’un point de vue anthropologique, il faudrait donc faire de la politique tout seul.

IIIC. La démocratie.

On peut bien dire que cette conclusion du Contrat social II 3, ramenée à son contexte, signifie seulement l’opposition de Rousseau aux sociétés particulières (ordres ou corporations) : c’est la remarque de B. Bernardi dans son édition du Contrat social. Bruno Bernardi argumente en alléguant la lettre A D’Alembert, où Rousseau défend les cercles de citoyens, sortent de clubs où les hommes se rencontrent sans leur femmes et discutent inévitablement de politique, même s’ils ne font pas que cela. Il est vrai qu’opiner ne signifie pas simplement « réfléchir », mais, en un sens plus précis, donner son opinion. Et, de fait, que le citoyen n’opine que d’après lui pourrait ne concerner que le moment du vote, non les débats qui le précède.

Pourtant je pense qu’il faut aller plus loin, parce que le texte du Contrat social II 3 n’est pas isolé, et que le sens à donner à ce moment où le citoyen rentre en lui-même dépasse le seul refus des corporations ou des partis, mais vise ce que le citoyen trouve en lui-même, par distinction d’avec les oppositions de l’amour-propre. C’est en rentrant en soi-même, et donc en un certain sens en faisant de la politique tout seul, que chacun participera effectivement au législatif, visera le bien commun, s’accordera avec la volonté générale, et se rapportera le plus immédiatement et le plus clairement possible au Moi commun (puisqu’il aura la même volonté que le corps politique en son entier). Accord et rapport expriment respectivement la démocratie et la communauté politique, mais d’une façon étrange puisqu’il s’agit d’un accord et d’un rapport qui ne se construisent pas sur un plan interindividuel, mais ne considère que le face à face entre la volonté de chacun et la volonté commune ou l’unité du corps politique. Un des premiers a avoir clairement aperçu ce réseau étoilé est E. Durkheim, dans son article sur le Contrat social :  « la solidarité sociale résulte des lois qui attachent les individus au groupe, non les individus entre eux ; ils ne sont solidaires les uns des autres que parce qu’ils sont tous solidaires de la communauté »[28]. Ce rapport immédiat de l’individu à l’État peut se comprendre en faisant référence aux caractères propres de l’État moderne, qui est de dénuder l’individu en anéantissant les rapports économico-politiques, entretenus au sein des corporations. p.ex., et en le mettant immédiatement face au pouvoir d’État. Mais il n’en est pas moins étonnant de composer ainsi une identité commune.

Ainsi la démocratie rousseauiste fonctionne parce qu’on interroge les individus, parce qu’on leur demande leur avis dans une procédure de vote, mais il est souhaitable que ces individus, au moins au moment où ils expriment leur avis n’aient pas le moindre débat entre eux. Les interactions sont renvoyées vers les rapports interindividuels, oppositifs, qui occultent la volonté générale pare qu’ils éveillent l’amour-propre. Et cela non pas seulement dans le Contrat social II 3. Outre Contrat social II 3, le début du Contrat social IV 2 exprime la même méfiance[29]. L’unanimité a beau n’être requise que pour la passation du pacte fondamental[30], elle est constamment souhaitable : le fonctionnement idéal décrit par le début du Contrat social IV 1 nous le rappelle. La même méfiance envers le « tumulte démocratique » s’exprime dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne, où Rousseau se prononce[31] contre l’augmentation du nombre des nonces : « mais je craindrais que cela ne fit trop de mouvement dans l’État et n’approcha trop du tumulte démocratique »[32].

Certes, « démocratique » est ici à prendre au sens strict d’un État où le peuple assure et le législatif et l’exécutif, ce que refuse Rousseau au nom même de l’ancrage de la volonté générale dans l’amour de soi, puisque tout acte de gouvernement, d’administration de la cité, met chacun en face d’un cas particulier susceptible de réveiller les oppositions d’amour-propre. Toutefois le « tumulte démocratique » dont se méfie Rousseau ici vise aussi bien l’image que nous pouvons avoir d’une démocratie participative où chacun devrait prendre part à des réunions et des débats avant de voter. Et c’est bien cela qui est exclu ici, précisément pour ne pas ébranler la cohésion communautaire idéale, dépeinte au début du Contrat social IV 1, lorsque « plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté, qui se rapporte à la commune conservation, et au bien-être général. Alors tous les ressorts de l’État sont vigoureux et simples, ses maximes sont claires et lumineuses, il n’a point d’intérêts embrouillés, contradictoires, le bien commun se montre partout avec évidence, et ne demande que du bon sens pour être aperçu »[33].

Conclusion.

Pour conclure, je voudrais vous infliger un dernier retournement conceptuel, mais en fait assez simple. Nous sommes partis de l’apparente superposition du politique et de la communauté, pour la mettre en question à l’aide même de ce qui la renforçait chez Rousseau, le déplacement de l’identité individuelle, et pour la retrouver finalement, mais grâce à une identité individuelle fondée sur l’amour de soi et non sur l’amour-propre, dans l’étonnante figure d’une « démocratie isolante » ou d’un « isolement démocratique », qui ne correspond nullement à ce que l’on imagine en matière de démocratie et qui correspondrait mieux à l’ecclésia de la Grèce antique.

Le dernier retournement annoncé consiste à dire qu’il n’y a peut être pas grande raison de s’étonner, ou que cet étonnement est peut être issu d’une mauvaise question. Il n’y a peut être pas grande raison de s’étonner puisque cet isolement qui dépose l’individu seul face à l’État a déjà été amplement décrit, ce sont les robinsonnades du XVIIIe que Marx dénonce à l’occasion de sa critique des droits de l’homme, depuis la Question juive jusqu’au Capital[34]en passant par le début de l’Introduction de 1857. En se plaçant du point de vue de ces critiques, la théorie politique rousseauiste peut d’ailleurs être annoncée comme fantasme, non pas spartiate mais libéral, d’un politique se fondant et fonctionnant au mieux sur la seule volonté individuelle. L’autre raison de ne pas s’étonner fait moins référence à l’imaginaire de la démocratie qu’aux termes en présence dans le titre de l’intervention, communauté et politique : ce qui constitue ici l’unité du corps politique n’est pas la relation des individus entre eux, mais la relation que ces individus entretiennent immédiatement avec le pouvoir commun. De ce point de vue nous sommes dans un schéma étoilé tout à fait semblable à celui qui résulte du contrat hobbesien. Évidemment, on ne pt confondre par là Rousseau et Hobbes : chez Hobbes, le moment démocratique (le pacte) s’efface devant l’unité du corps, chez Rousseau ce moment démocratique renaît à chaque assemblée périodique, pour assurer la survie du corps politique, en le rapportant à son fondement. Mais il reste quand même quelque chose de commun aux deux auteurs, c’est la verticalité par laquelle vit et se maintient le politique ; qu’elle soit ascendante ou descendante, cette verticalité est essentielle au politique, et chez Rousseau aussi, il faut obéir aux lois.

Dans la mesure où cette verticalité essentielle au politique peut être étrangère à l’horizontalité des rapports interindividuels, je ne suis pas sûr que l’on puisse conserver l’expression de « communauté politique » comme si elle avait évidemment un sens. Je tends fortement à considérer le corps politique comme une communauté illusoire. Ce qui a d’ailleurs un sens quant au politique, quant à la communauté, et quant aux rapports possibles entre les deux, mais ce serait une autre intervention.



[1]. Résultat du contrat hobbesien p.ex.

[2]. On peut penser à la citation d’une lettre de Rousseau à Tronchin, rapportée dans M. Launay J.J. Rousseau écrivain politique, Grenoble, A.C.E.R., 1971, p. 28, à propos de l’éducation domestique des monarchies : « où tous les sujets doivent rester isolés et n’avoir rien de commun que l’obéissance » CG IV142,43 ou CGV 241-242 (« CG » = correspondance Dufour-Plan, avec table de Gagnebin).

[3]. Soumission comprise alors comme soumission à un tiers, contractant, et non à la loi.

[4]. Puisque la soumission à un maître nous renvoie vers le droit du plus fort, en deçà du politique. Cf. Contrat social II 1, p. 369 Pléiade, « Si donc le peuple promet simplement d’obéir […] à l’instant qu’il y a un maître, il n’y a plus de souverain… », Ibid. III 16 « s’obliger d’obéir à un maître c’est se remettre en pleine liberté ».

[5]. Il faut ici souligner la radicalité de Rousseau : à la différence de Locke p.ex., il n’existe pas chez Rousseau de soumission à la majorité du corps, ce qui serait une résurgence du contrat de soumission dans l’association. C’est la différence, que nous rencontrerons ci-dessous, entre une démocratie comme soumission à la majorité (et qui n’est par là qu’une simple conséquence de l’association) et une démocratie comme participation à la vie publique. Ce sens fort de démocratie se rencontre chez Rousseau, malgré sa défense d’une démocratie participative, qui retient la participation populaire au législatif.

[6]. Cf. Émile IV note 584, à propos de « l’unité sensitive ou le moi individuel » : « Les parties sensibles sont étendues mais l’être sensitif est indivisible et un ; il ne se partage pas, il est tout entier ou nul : l’être sensitif n’est donc pas un corps ».

[7]. Émile I p. 249.

[8]. Et qui le sont effectivement, même à l’époque de Rousseau. L’anachronisme est chez Rousseau un procédé théorique condition d’un jugement critique. Que l’on pense à la présentation de l’état de nature dans ka Préface du premier Discours, ou à la mise en abîme de cet anachronisme méthodologique dans la prosopopée de Fabricius, républicain jugeant la Rome impériale.

[9]. « Dimension », et guillemets autour de « démocratie » qui est à prendre au sens large d’une démocratie participative, associant étroitement chaque citoyen, et non au sens strict que récuse Rousseau

[10]. L’État de guerre, Pléiade III p. 606.

[11]. Cf. le paragraphe définitionnel d’Émile IV p. 491.

[12]. Terme de la dégénérescence du politique, et retour à l’état de guerre, les « courtes et fréquentes révolutions » sont annoncées dans le Discours sur l’inégalité, p. 191 ; et le temps dont on s’approche, dans Émile III, p. 468.

[13]. Cf. Discours sur l’inégalité 191, « le point extrême ferme le cercle et touche au point d’où nous sommes partis ».

[14]. L. Vincenti, J.J. Rousseau, l’individu et la République, deuxième partie, ch. quatre. Interprétations qui étaient celles de V. Goldschmidt, de J.M. Beyssade et de L. Althusser. Il faudrait ajouter aujourd’hui J. Terrel et le Ch. qu’il consacre à Rousseau dans Les théories du pacte social, où j’ai retrouvé avec bonheur plusieurs thèmes abordés dans L’individu et la République.

[15]. Contrat social I 9, p. 367 : « loin qu’en acceptant les biens des particuliers la communauté les en dépouille [cette aliénation] ne fait que leur en assurer la légitime possession, changer l’usurpation en un véritable droit, et la jouissance en propriété […] [les possesseurs] ont, pour ainsi dire, acquis tout ce qu’ils ont donné ».

[16]. Ibid. I 6 p. 361. Cf. également Contrat social II 4 : « ils n’ont fait qu’un échange avantageux d’une manière d’être incertaine et précaire contre une autre meilleure et plus sûre », p. 375.

[17]. Discours sur l’inégalité, p. 177. Contrat d’union que curieusement Terrel (Les théories du pacte social p. 334), tout comme la Pléiade, ne veut pas reconnaître dans le Discours sur l’inégalité, bien qu’il admette clairement la validité du premier pacte. Les magistratures sont bien absentes du premier contrat, mais cela ne veut pas dire qu’il ne s’agisse pas d’un contrat pour autant, nous sommes dans le double contrat de Pufendorf. Cf. encore Discours sur l’inégalité, p. 187 résumant les étapes de la dégénérescence du politique, avec : 1) l’établissement de la loi et du droit de propriété, 2) l’institution de la magistrature.

[18]. Discours sur l’inégalité, p. 180.

[19]. Discours sur l’inégalité, p. 187.

[20]. Manuscrit de Genève, ch. II, p. 288.

[21]. Dans L’individu et la République, ch. 4 p. 115 : « La mise en série, sous forme « union / loi / décret », de l’institution du gouvernement rapportant le Contrat social I 6 au Contrat social III 17, permet de souligner l’opposition à Pufendorf et à la série « union / ordonnance / soumission », cf. les Devoirs de l’homme et du citoyen, II, Chap. VI, § 7. Chez Rousseau, avec le décret final, on est bien dans une démocratie effective, qui resurgit régulièrement pour remettre sur pied le politique.

[22]. C’est le rôle moral du législateur, et c’est aussi ce qui engage la critique libérale à souligner le statut de ce législateur, son extériorité.

[23]. Et cela d’autant moins que l’égoïsme reste présent dans le corps politique Rousseau.

[24]. Généralité de la loi que Rousseau relègue e note in EII 311…

[25]. « La volonté générale pour être vraiment telle doit l’être dans son objet [etc.] » p. 373.

[26]. On a vu récemment ce qu’était un vote exprimant une opposition, que signifie son résultat en termes de volonté générale et de volonté de la majorité ?

[27]. Pour envisager une autre finalité du vote, il faut présupposer que l’on cherche avant tout le maintien de l’existence en société politique, et la paix civile. C’est un présupposé libéral, parce qu’il n’accorde que cet effet au politique.

[28]. E. Durkheim, « Le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau », in Revue de Métaphysique et de Morale, Paris, 1918, p. 143/144.

[29]. Contrat social IV 2 p. 439, « les longs débats » De même Contrat social IV 1 p. 438.

[30]. Contrat social IV 2, p. 440.

[31]. Mais après avoir souhaité que les sénateurs soient moins nombreux que les nonces à la Diète.

[32]. Considérations sur le gouvernement de Pologne Pléiade III p. 985.

[33]. Contrat social IV 1 p. 437.

[34]. Fin 2e Section du L.I.