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Pratique et réalité dans les philosophies de Kant et de Fichte

Paris, Kimé, 1997.

De l'institution cartésienne du sujet à l'esprit des lumières, la philosophie moderne est porteuse d'une exigence qui, orientant la réflexion vers une pensée dynamique du monde, soutient sa transformation pratique. L'institution cartésienne du sujet subordonne encore ce dernier à la position d'un Dieu vérace. C'est à partir seulement de la philosophie critique, faisant de la subjectivité l'instance fondatrice d'un monde, que la philosophie se sait être porteuse de cette exigence transformatrice à la mesure de la nouvelle responsabilité conférée au sujet. Toutefois la philosophie kantienne, pour exprimer cette exigence par la constitution d'un domaine pratique de la raison, préserve la spécificité de la philosophie théorique jusqu'à ne pas permettre de comprendre comment l'action morale peut effectivement transformer la nature.

La philosophie fichtéenne entreprend de penser tout à la fois l'unité de la philosophie et l'inscription de l'action libre dans le monde. Fichte résume, en son rapport à Kant, le mouvement qui constitue la philosophie moderne en posant l'unité systématique de la philosophie à partir du primat de la raison pratique affirmé dès la philosophie kantienne. En cette unité systématique, la raison pratique n'est plus seulement un domaine constitué de la rationalité, quand bien même affirmerait-on la suprématie de ce domaine. Elle est l'immédiate expression de ce qui fonde toute activité rationnelle, l'effort pratique originaire grâce auquel Fichte expose la genèse de la conscience. Ici la philosophie - réflexion sur la genèse de la conscience de soi - ne fait qu'un avec le développement d'une scission essentielle, découverte dans l'analyse de l'intuition intellectuelle telle qu'exposée au début de la Wissenschaftslehre nova methodo, scission entre le Moi pur, exposé au §1 de la Grundlage de 1794, et la conscience de soi, dont la possibilité n'apparaît qu'au § 3 de la Grundlage. Le développement de cette réflexion, au cours de laquelle le philosophe met à jour la constitution du monde, repose sur l'exigence de résorber cette scission. Ce développement exprime cette exigence en subordonnant la nature à l'histoire, avènement de l'autonomie, réalisation de la raison.

La philosophie de Fichte est alors à même de détourner les soupçons pesant sur l'effectivité de la morale kantienne. Mais cet avènement de l'autonomie n'est autre qu'un effort de la conscience de soi pour unifier la forme d'une réflexion pure - identique en son activité à l'autoposition de l'Absolu - et le contenu de cette réflexion. Dans cette mesure, la réalisation de l'autonomie peut être saisie en une perspective seulement religieuse qui rapporte théoriquement la conscience de soi à l'Absolu et demeure indifférente à la transformation morale du monde. Toutefois, la position d'un monde intelligible, qui présente un premier dépassement de la morale par la religion exposé dans la Destination de l'homme, est elle-même dépassée par le second moment religieux où la contemplation sait qu'elle doit, pour tendre à s'unifier avec son objet, retourner vers l'action et la vie morale.

Ce retour vers l'action permet, tout en présentant une conception unitaire de l'oeuvre fichtéenne, de déduire le monde comme transformable pour et par la pratique. La déduction du corps et de la matière fonde cette pensée d'un monde transformable. L'être du monde est posé par le savoir comme l'existence du savoir, mouvement vers la constitution d'un savoir de soi. A son tour, l'être de ce savoir n'est que l'existence de l'Absolu ou Dieu, saisi comme Dieu vivant, ordo ordinans. Si je puis alors me rapporter à l'Absolu, ce n'est plus immédiatement par la transformation pratique du monde, mais par mon rapport à ce qui constitue, dans ce monde, le développement du savoir ou de la conscience de soi, c'est-à-dire autrui. C'est par la détermination de mon rapport à autrui que la détermination du monde, d'abord simplement théorique, devient pratiquement fondée.

Les champs d'exercice de l'activité pratique sont donc immédiatement constitués par mon rapport à autrui et la transformation du monde s'effectue par la médiation de ce rapport. Le premier de ces champs pratiques, l'éducation, se présente d'abord, de 1796 à 1798, comme moment essentiel de l'accès à la conscience de soi par la figure de l'appel ou sollicitation. Le retour de l'éducation dans l'oeuvre fichtéenne, s'il concerne toujours la dimension pratique d'un accès à l'autonomie, recouvre également, dans les Discours à la nation allemande, les rapports entre morale et religion tels que thématisés dans Le caractère de l'époque actuelle et L'initiation à la vie bienheureuse. Les Discours à la nation allemande - notamment le 2ème et 3ème Discours - peuvent alors être interprétés à la lumière d'une conception homogène de la philosophie de Fichte.

La situation du politique dans les champs pratiques, semblant aller de soi, soulève néanmoins de nombreuses controverses quant à la constitution du juridique indépendamment de la moralité. Mais l'autonomie du juridique, composition mécanique des arbitres, reste entachée d'une nécessité seulement hypothétique quant à l'existence même d'une communauté. Seule la loi morale, parce qu'elle nous commande de tendre à l'accord commun, peut catégoriquement commander la vie en communauté. De même, seule la loi morale peut nous commander catégoriquement la réalisation d'un Etat de raison, accomplissement de la relation juridique, que la pensée technicienne du juridico-politique pouvait seulement nous conseiller. La forme de l'avènement d'un tel Etat requiert l'institution d'une communauté morale - la communauté des savants - pour dépasser l'antinomie entre, d'une part, le renversement des Etats de nécessité pour tendre vers l'accord commun, et d'autre part le respect pour ce qui est de fait le symbole d'une communauté, c'est-à-dire la constitution de ces mêmes Etats de nécessité. Ici Fichte se démarque à nouveau de Kant parce qu'il prend en compte la nécessité d'un renversement des pseudo-communautés. La légalité ne vient pas se substituer à la légitimité, et cette dernière commande le dépassement de la première au même titre qu'elle la fonde.

Toutefois, en se distinguant du légalisme kantien Fichte n'est pas révolutionnaire et il y a bien évolution de sa doctrine des Contributions... sur la révolution française aux Fondements du droit naturel. Si cette évolution ne va pas jusqu'à isoler le politique de la morale, elle n'en commande pas pour autant le renversement de l'ordre établi. C'est au sein de et par la communauté des savants - et donc par le savoir - que nous devons tendre vers l'Etat de raison, condition de la réalisation d'un monde moral. En assignant cette mission à la communauté des savants, Fichte remplit aussi, en même temps qu'il la désigne, la tâche du philosophe, savant s'adressant aux savants - et donc médiatement aussi au politique - au nom de son savoir du savoir. La philosophie apparaît, ainsi déterminée, comme l'ultime champ d'exercice de l'activité pratique.

Table des matières :

PREMIERE PARTIE. LE RENVERSEMENT DE LA PHILOSOPHIE CLASSIQUE. Chapitre un : Les racines de la grande idée. Chapitre deux : L'avènement critique. Chapitre trois : Le système fichtéen.

DEUXIEME PARTIE. L'ONTOLOGIE NOUVELLE. Chapitre quatre : Réalité pratique et réalité de la pratique. Chapitre cinq : La détermination du monde. Chapitre six : Le réel et la réalité.

TROISIEME PARTIE. LES CHAMPS PRATIQUES. Chapitre sept. L'éducation. Chapitre huit : La communauté politique. Chapitre neuf : Le savant et le philosophe.

Extraits :

In chapitre trois : Le système fichtéen, « l’intuition intellectuelle: de la conscience de soi à la raison pratique » pp. 64-67

 « En ayant l'intuition de sa conscience de soi[1], le philosophe est effectivement sujet-objet, à la fois intuitionnant et intuitionné ; il est donc, en quelque façon[2], Moi pur. « En quelque façon », c'est-à-dire qu'il pratique, dans sa forme[3], l'acte de réflexion pure que la déduction philosophique attribue au premier principe. L'identité, entre cet acte de réflexion pure et l'auto-intuition originaire, est ce qui permet à la construction philosophique de voir en - et grâce à - la forme de la conscience de soi une structure identique à celle du Moi pur. C'est par cette forme de la conscience de soi, atteinte dans l'acte d'intuition intellectuelle, que les exposés de la Doctrine de la science peuvent faire l'objet d'une seule et même interprétation. Du point de vue de la construction logique du pour soi, le premier moment - ou §1 de la Grundlage - n'est que pensé ; mais la possibilité, pour la conscience effective, de penser le Moi pur, s'enracine dans l'identité formelle entre la réflexion pure du §1 de la Grundlage et l'intuition intellectuelle, acte par lequel naît la conscience de soi. Le §1 de la Nova methodo décrit cet acte, dont la construction logique ne s'effectue, en 1794, qu'au §3 de la Grundlage.

Par le fait que la « conscience immédiate » - l'obscur acte d'autoposition originaire - puisse être identifié au Moi pur, il y a en conséquence identité, quant à la forme, entre la conscience de soi atteinte dans la réflexion philosophique et le Moi pur, ou Moi absolu. La Wissenschaftslehre de 1801 ne dira pas autre chose, même si le terme de Moi pur s'efface alors devant celui d'Absolu. Et il n'y a rien de scandaleux à opérer cette substitution terminologique - car elle n'est en effet que terminologique, la structure théorique restant la même - dans la mesure où le Moi pur de 1794 est bien distinct de la conscience de soi du philosophe. Nous ne nous prenons pas ici pour Dieu. Le rapport entre Moi pur et conscience de soi est bien le même que celui défini en 1801 entre l'Absolu et le savoir, en l'occurrence le savoir que le Moi acquiert de lui-même par lui-même. Ce savoir, qualifié d'absolu, est alors, précisément parce qu'il est qualifié d'absolu, distingué de l'Absolu ; « le savoir n'est pas l'Absolu, mais il est lui-même absolu en tant que savoir »[4]. Nous retrouvons alors, en 1801, la distinction entre l'auto-intuition originaire, « primaire », et l'intuition intellectuelle du philosophe, « secondaire », faisant retour sur le Moi pur : « [le savoir] est donc seulement absolu en tant que pour soi, mais en cette absoluité, il est seulement secondaire et non primaire »[5]. C'est par cette forme de la conscience de soi, que Fichte appelle toujours, en 1801, égoïté[6], que l'Absolu « entre dans notre conscience »[7].

Mais, tout comme la Wissenschaftslehre 1801 précise « peut-être l'Absolu n'entre-t-il justement dans notre conscience que dans la liaison en laquelle il est établi, en tant que forme du savoir, mais d'aucune façon purement et simplement en soi »[8], il nous faut donc également ajouter, en ce qui concerne l'intuition intellectuelle de la conscience de soi, dans ce qu'on appelle la « première » philosophie de Fichte, que le philosophe ne se trouve semblable au Moi pur qu'en quelque façon seulement, mais d'aucune façon purement en soi et pour soi. Il ne peut ni ne pourra jamais lui être absolument identique. Tout d'abord parce qu'il trouve[9] sa conscience de soi, c'est-à-dire[10] qu'elle lui est donnée comme elle serait s'il ne l'avait pas appréhendée par intuition intellectuelle. La conscience philosophique est ici en position d'observateur, observateur de sa propre action, certes, mais observant quand même. Par le fait qu'elle s'observe, en devenant consciente d'elle-même, elle se trouve. Dans l'intuition intellectuelle de sa conscience de soi, la conscience immédiate que le philosophe prend de lui-même est, pourrions-nous dire, une « immédiateté devenue », et non une immédiateté originaire. En 1805, Fichte précisera encore que le Moi soumis à la vue du philosophe « se pose lui-même, non pas comme se posant originairement... mais... en tant que présupposé à son autoposition »[11]. Lorsque l'œil voit le voir de l'œil, précisément parce qu'il est alors voir, il n'est pas œil[12] ; l'intuition intellectuelle du philosophe ne peut donc pas se confondre avec l'auto-intuition originaire, pure intuition intellectuelle intérieure ou conscience immédiate mal nommée, réflexion en soi du Moi pur.

L'intuition intellectuelle ne peut donc être conscience du Moi pur seulement en tant qu'elle l'intuitionne. Mais elle doit pourtant bien saisir pour elle-même, d'une manière ou d'une autre, cet acte du Moi pur. Sinon elle ne serait pas consciente d'elle-même. La conscience de soi engendrée par l'intuition intellectuelle doit donc aussi reposer en dehors de l'acte d'intuition proprement dit, tout en étant produite par cet acte d'intuition et indissociablement liée à lui. Où donc repose cette saisie, par l'intuition intellectuelle, de l'acte du Moi ? Nous avons déjà répondu à cette question en soulignant que l'intuition intellectuelle est observation de son acte. C'est dans le recueil de cette observation, dans la « déposition » de l'acte d'intuition intellectuelle que repose la saisie de son acte. Cette déposition, ou ce repos - c'est le terme employé par la Wissenschaftslehre Nova methodo - n'est autre que le concept du Moi. Concept signifie pour Fichte une activité morte, contemplée comme donnée ; « l'agir est fixé du seul fait qu'il est intuitionné. C'est ce que l'on appelle concept, par opposition à l'intuition qui vise l'activité comme telle »[13].

Dans la conscience réelle en effet, l'intuition effective de soi ne peut être, comme le souligne la Seconde Introduction, un fait de conscience isolé. En tant que connaissance de soi, l'intuition intellectuelle s'accompagne d'une compréhension - conception - de soi comme sujet ; en cet acte le philosophe « n'intuitionne pas seulement, mais il comprend également. Il comprend son acte comme un agir en général, ce dont il possède déjà un concept en vertu de son expérience antérieure ; il le saisit comme cet agir déterminé et réfléchissant en soi, tel qu'il l'intuitionne en lui-même, soit : grâce à cette différence caractéristique, il le distingue de la sphère de l'agir en général »[14]. L'intuition demeure ici première, et le concept se borne à reproduire l'intuition de soi comme sujet. C'est « après coup <Hinterher> »[15] que l'on prend conscience, dans sa pensée même, de sa pensée comme telle et qu'il nous devient possible de l'objectiver. Mais cette fixation de l'agir en un repos est indissociable, dans la conscience de soi, de l'intuition de l'agir ; le §1 de la Nova methodo le souligne à plusieurs reprises, tant dans son développement[16] que dans le « Postulat » où Fichte écrit : « On remarquera de plus que l'on ne peut pas se poser comme agissant sans opposer à cet agir un repos. Par l'acte de poser le repos, il naît un concept, en l'occurrence le concept de Moi »[17].

Le concept, que l'intuition intellectuelle du philosophe dépose à côté de son acte, n'étant que la reproduction de cet acte d'intuition, n'est pas autre chose que le concept de ce qu'il intuitionne, l'auto-intuition originaire ou le Moi pur, décrit au §1 de la Grundlage. Le Moi observé par l'intuition intellectuelle, décrit dans la Seconde Introduction, recouvre exactement les caractères du Moi pur. Le §1 (« Postulat ») de la Nova methodo ne dit pas autre chose ; « en s'observant soi-même dans cette activité [qui revient sur soi], on prend conscience immédiatement de cette activité, ou encore, l'on se pose comme posant »[18]. Notons tout d'abord que nous avons ici confirmation du fait que la Nova methodo part de la conscience de soi, et non, comme la Grundlage, du Moi pur. Notons ensuite qu'il n'y a rien d'étonnant à retrouver, dans le concept de Moi produit par l'intuition intellectuelle, le Moi pur de la Grundlage. C'est simplement là l'effet de la différence de méthode entre la Grundlage et la Nova methodo, comme le souligne Fichte dans le §1 de cette dernière : « Cf. le §1 de la version imprimée de la Doctrine de la science, où il est dit la même chose d'une manière différente. Là-bas, nous passions du concept à l'intuition ; ici, nous suivons la démarche inverse »[19]. Il n'y a pas ici contradiction à affirmer que le « contenu de conscience » de l'intuition intellectuelle représente le Moi pur, juste après avoir dit que c'est par la forme de l'intuition intellectuelle qu'il y avait identité entre Moi pur et conscience de soi. En effet, la forme en question est la forme d'un acte de réflexion pure, qui constitue donc son propre contenu en s'accomplissant[20]. Et le concept de Moi ne représente pas autre chose que la réflexion en soi de l'intuition intellectuelle, ce qui explique qu'il puisse être appelé tantôt concept, tantôt intuition[21]. »

in chapitre trois : Le système fichtéen, « L’intuition intellectuelle : de la conscience de soi à la raison pratique » pp. 68-69

« Nous sommes donc en présence d'un acte complexe. En un premier moment, et du point de vue de la construction logique du pour soi, il nous faut poser, comme premier principe, le Moi pur déduit au §1 de la Grundlage. Ce principe absolument premier de toute conscience, qui deviendra l'Absolu dans les exposées ultérieurs de la Wissenschaftslehre, est ce que vise la réflexion philosophique dans l'acte d'intuition intellectuelle. Cet acte, quant à lui, deviendra le savoir absolu de la Wissenschaftslehre 1801.

Toutefois, en un second moment[22], l'intuition intellectuelle s'opère, et, en s'opérant, elle se confond, en un sens, avec cet Absolu. C'est parce que l'intuition intellectuelle se confond, en un sens, avec cet Absolu, qu'il y a savoir absolu, conscience de moi-même comme acte d'autoposition, etc... Mais parce que cette intuition intellectuelle ne se confond qu'en un sens seulement - c'est-à-dire au point de vue de sa forme - avec cet acte d'autoposition absolument originaire, nous devons immédiatement ajouter que la conscience de soi n'est pas le Moi pur, que le savoir absolu n'est pas l'Absolu. Nous avons donc, dans ce second moment, tout à la fois une identité et une opposition de la conscience de soi avec le premier principe.

En un troisième moment, cette ambiguïté de la conscience de soi se reproduit au niveau du « contenu » de l'intuition intellectuelle, i.e. le concept du Moi qu'elle produit en s'observant, et qui n'est autre, en fait, que le Moi observé. En lui-même - et là, il est possible de considérer en lui-même ce Moi, puisqu'il s'agit en fait de son concept - le concept de Moi est identique à ce que doit être le principe absolument premier. Mais, par le fait que ce concept soit précisément concept, repos de l'activité, il n'est pas le premier principe ;« le Moi se trouve soi-même et s'apparaît à soi-même comme donné »[23].

L'ambiguïté déterminée au niveau de l'intuition se reproduit donc ici, mais sans se superposer exactement à celle du concept. Du point de vue de l'intuition, c'est l'acte même d'intuition, qui, en sa forme, et indépendamment de son rapport à un intuitionné, se trouve être, comme réflexion en soi, identique au Moi pur. Du point de vue du concept, c'est le contenu représenté qui, abstraction faite de toute liaison avec un représentant, est identique au Moi pur. Mais on ne peut séparer effectivement, ni l'acte d'intuition de l'intuitionné, ni le représenté d'un représentant. On voit alors clairement que ce qui rend possible une connaissance du Moi pur - c'est-à-dire qu'en la forme de son acte mon intuition se rapporte exactement au concept de cet acte - est aussi, immédiatement, ce qui me distingue du Moi pur. Mon intuition étant intuition de quelque chose, et précisément du concept de Moi, n'est pas intuition pure, tout comme le quelque chose intuitionné, étant concept, n'est pas activité pure. C'est en somme ici au plus vrai de mon savoir de l'Absolu que je me distingue de l'Absolu. »

in chapitre cinq : La détermination du monde, « Matière et transformation », pp. 179-183 :

« Nous avons ainsi trois niveaux d'analyse de la matière : une position de la matière en soi comme pure objectivité, acte que la Nova methodo attribue à la pensée pure[24] ; une détermination de cette matière comme « divers infini de possibilités d'action »[25], acte de l'imagination ; et une division - détermination - effective de ce divers par la pensée empirique. Ce dernier acte peut bien être compris comme la fixation, par l'entendement, du flottement de l'imagination entre les directions opposées et donc comme la construction de l'objet, cette détermination théorique repose néanmoins sur la position originaire de l'effort pratique, ce dernier acte apparaissant dans l'élaboration du concept de fin comme détermination de l'objet voulu ou achèvement d'un choix.

Or, dans la mesure où je ne puis me penser comme libre - ce qui est tout autre chose que de penser la liberté en général - sans penser des activités réelles et déterminées, c'est ici le troisième niveau d'analyse - le troisième acte - qui commande et synthétise les deux autres. C'est parce que je dois agir de telle ou telle manière que je pose une matière, objectivité déterminable à l'infini. Même la détermination, par pensée pure, de la matière comme simple objectivité porte ainsi « l'empreinte de l'être libre actif » ; « du fait que l'égoïté, la liberté, se rapporte à la matière, la matière devient quelque chose qui subsiste en soi et par soi, une chose autonome, tandis qu'elle ne faisait auparavant que flotter devant moi ; elle devient pour moi un objet donné présent indépendamment de mon intervention »[26]. Ce devenir objet de la matière, commandé par la réalisation de ma liberté, rend raison de la position d'une matière par la pensée pure. Si la matière n'est pas animée, c'est donc parce qu'elle doit devenir animable, objet modifiable et déterminable à l'infini. Elle ne peut toutefois se départir de ce caractère de « subsistant par soi », précisément parce qu'il lui est échu en vertu de la liberté - egoïté, activité - du Moi et qu'il est condition de cette dernière. Ainsi, tout comme le Non Moi qui « s'échappe dès qu'on veut le saisir »[27], la résistance de la matière consiste tout entière en cette persistance au-delà de chacune des modifications et transformations effectives ; « aucune modification n'est pensable pour elle en tant que telle, en tant que pure matière, sauf l'anéantissement et la suppression totale. Or son existence est la condition de la vie... »[28]. Les rapports à la matière, tout à la fois support de mon activité libre et limitation infinie de cette activité, traduisent en ce sens « les relations de notre finitude déterminée à notre infinité, terme de notre effort »[29]. Notons cependant, quand bien même cela serait-il maintenant superflu, que l'impossibilité radicale de changer la matière elle-même, loin d'interdire la transformation pratique du monde rend au contraire cette dernière possible puisque cette impossibilité est déterminée par l'exigence d'action. La pensée dialectique de Fichte s'exprime ici en toute sa force, posant d'un même coup la radicale extériorité d'une objectivité subsistant par soi et, réfléchissant les conditions de possibilité de cette position, la réduction infinie de cette extériorité par l'activité même qui la pose.

C'est à propos de cette déduction de la matière que l'idéalisme de Fichte, poursuivant sa lutte contre les interprétations dogmatiques de la philosophie critique[30], parachève le plus nettement la philosophie kantienne tout en s'en distinguant. Les critiques les plus acerbes sont celles que Fichte adresse à l'Esthétique transcendantale, accusée de tourner « si rapidement court »[31], et nous pourrions aller jusqu'à voir en ces critiques un soupçon portant sur la nature transcendantale de l'idéalisme kantien. Il ne s'agit plus seulement ici de souligner que la matière, qui apparaît comme donnée a posteriori au début de l'Esthétique transcendantale[32], est en fait redevable de sa constitution à la mise en forme du divers par l'intuition, condition a priori de cette « donation » de la matière[33]. Il s'agit de comprendre comment une matière peut être ainsi pour moi, tout en m'apparaissant comme donnée. En se bornant à poser ce donné comme un fait, l'idéaliste kantien encourt le reproche de n'obtenir qu'un résultat « bien maigre », semblable à celui décrivant la création de l'objet sans pouvoir expliquer pourquoi ceux-ci nous apparaissent, néanmoins et nécessairement comme donnés[34]. La détermination d'une projection, au-delà de la sensibilité, de l'objet constitué par l'entendement[35] ne peut suffire [36]à expliciter le sens commun. Seul l'idéalisme fichtéen, en démontrant que la matière, imagination objectivé, « naît précisément grâce à l'imagination et uniquement grâce à elle »[37] peut expliquer la donation nécessairement apparente de l'objet par la constitution transcendantale de la matière[38]. Cette philosophie ne peut être aussi radicale qu'en raison de son enracinement dans le pratique ; si la matière, tout en étant produite, m'apparaît comme donnée, c'est parce que mon faire - mon activité libre, i.e. la conscience de moi-même - présuppose cette matière comme déterminable. La déconstruction fichtéenne du datum ouvre ainsi la voie vers une véritable philosophie pratique, pensée transformatrice, puisqu'en nous montrant que le donné n'est en fait qu'un construit, elle nous indique aussi sa reconstruction possible. »

in chapitre huit. La communauté politique. « La plasticité du politique », pp. 253-256 :

« C'est donc non seulement l'exigence - comme telle - de transformer l'Etat, mais encore l'efficacité de cette transformation qui ne devraient finalement pas relever du domaine juridico-politique mais de la morale, et il n'y a plus là désaccord entre la Sittenlehre et les Contributions demandant que le but final de l'association politique « ne soit pas contraire à celui que la loi morale prescrit à chaque individu »[39], et donc qu'il étaie[40] cette fin morale. L'originalité de la pensée politique de Fichte ne réside peut-être ni dans sa doctrine du droit, ni dans sa philosophie morale, mais dans la manière de penser leur rapport. Et ce rapport pourrait en fin de compte n'être qu'une pure et simple rencontre, si la possibilité d'agir librement en communauté - que le droit doit établir - n'était pas fondamentalement enracinée dans l'exigence pratique et donc éminemment incarnée dans la liberté morale. Les conditions de l'accord entre les arbitres de tous rejoignent ainsi les conditions d'un établissement de convictions pratiques communes[41]. La résolution des contradictions propres à l'exercice réciproque des arbitres détermine également la situation en laquelle je puis agir moralement avec certitude. Les Contributions ont donc ce statut doublement ambigu d'être à la fois une réflexion morale sur le droit, et de présenter quelques éléments d'une philosophie du droit. Ces ambiguïtés n'ont plus lieu d'être lorsque deux ouvrages distincts traitent, l'un du droit, l'autre de la morale.

Toutefois, en raison de la coïncidence entre la fin du droit - l'Etat - et le moyen d'agir moralement, l'injonction - morale - de transformer les Etats de fait pour atteindre une situation en laquelle je peux agir moralement trouvera des échos dans la détermination du fonctionnement idéal de l'Etat. En ce sens, le regard moral sur la politique pourra employer - en vue de sa propre fin, i.e. la transformation des Etats de fait - des arguments propres à la doctrine du droit, bien qu'en cette dernière ne soit pensée aucune transformation ou révolution proprement dite[42], précisément parce qu'elle n'est pas et ne peut pas être commandée au sein du juridique. On comprend alors que l'opposition des philosophies politiques de Kant et de Fichte, notamment à propos du droit de résistance, puise néanmoins ses arguments dans la philosophie du droit. La position kantienne est, comme cela a déjà été commenté[43], légaliste ; elle exprime clairement le respect de l'ordre politique établi. Lorsque Kant affirme « quand une révolution a réussi et qu'une nouvelle constitution est fondée, l'illégalité du commencement et de son établissement ne saurait libérer les sujets de l'obligation de se soumettre comme de bons citoyens au nouvel ordre de choses, et ils ne peuvent refuser d'obéir loyalement à l'autorité qui possède maintenant le pouvoir »[44], il ne faut bien sûr pas voir là une défense de la révolution, mais bien la conséquence du principe qui condamne tout acte révolutionnaire en rabattant la légitimité sur la légalité. Le seul texte kantien défendant la révolution française n'appartient ni au droit ni à la morale, mais à une histoire prophétique du genre humain, et encore ne fait-il appel qu'à la réaction du spectateur raisonnable face à de tels événements[45]. Louis XVI a commis une « faute de jugement »[46] en convoquant les états généraux, faute de jugement qui ne relève pas de la faiblesse d'un calcul pragmatique ou politicien, mais bien, selon Kant, d'une incompréhension des fondements juridiques du pouvoir politique ; « Le droit de la législation suprême dans l'Etat n'est pas un droit aliénable, mais le plus personnel de tous les droits. Celui qui le possède peut, par le moyen de cette volonté collective du peuple, disposer du peuple, mais non de cette volonté collective elle-même »[47]. L'argument kantien est des plus classiques et sert par ailleurs[48] de fondement à l'absolutisme ; il consiste à séparer le peuple de son représentant, et à considérer qu'une fois représenté, le peuple ne peut plus être souverain, c'est-à-dire exister comme peuple au sens politique de l'unité collective des citoyens. Ainsi la position kantienne conduit nécessairement à condamner tout acte révolutionnaire puisque, quand bien même le pouvoir « ou son agent, le chef de l'Etat, ont violé jusqu'au contrat originaire, et se sont par là destitués, aux yeux du sujet, de leur droit à être législateurs (...) il n'en demeure pas moins qu'il n'est absolument pas permis au sujet de résister... En voici la raison : c'est que dans une constitution civile déjà existante le peuple n'a plus le droit de continuer à statuer sur la façon dont cette constitution doit être gouvernée »[49]. La raison invoquée est tout aussi connue, elle repose sur l'impossibilité de décider de quel côté est le droit : « il faudrait... qu'il y eut un chef au-dessus du chef pour trancher entre ce dernier et le peuple, ce qui se contredit »[50]. Fichte répond clairement à Kant, avec des accents nettement rousseauistes[51], lorsqu'il affirme que la communauté ne peut être partie[52], et qu'il faut, en conséquence et pour trancher cette contradiction, que la communauté délègue - Fichte écrit aliène - « l'administration de la puissance publique, la transfère à une seule ou plusieurs personnes particulières, lesquelles cependant resteraient responsables devant elle de l'application de cette puissance »[53]. Il y a là un double argument. L'un par lequel, posant une stricte identité entre le peuple et le souverain, Fichte se rapproche de Rousseau et s'éloigne de Kant en affirmant les conséquences de cette identité. L'autre par lequel, déduisant la nécessité des représentants, Fichte semble se rapprocher de Kant et s'éloigne de Rousseau, quand bien même cette représentation est-elle conçue non comme députation mais délégation, mandatant les représentants.

Parce qu'il faut que le peuple - i.e. la communauté dans sa totalité - détienne « le droit de contrôler et de juger comment [le] pouvoir exécutif est administré »[54], Fichte se rapproche bien de Rousseau stipulant[55] que les députés du peuple ne sont que ses commissaires, et ne peuvent résumer en eux la souveraineté, irrémédiablement attachée à la communauté comme telle. C'est dans le même sens que Fichte souligne, contre Kant, que « le peuple n'est jamais un rebelle... le peuple est en fait et en droit le pouvoir suprême qu'aucun ne dépasse, qui est la source de tout autre pouvoir et qui est responsable devant Dieu seul »[56].

Mais Fichte ne va pas jusqu'à dire, comme Rousseau, « la souveraineté ne peut être représentée, pour la même raison qu'elle ne peut être aliénée »[57]. Il déduit la nécessité de la représentation précisément à partir de la souveraineté populaire, et s'accorde avec les prémisses formelles de l'argument avancé par Kant selon lequel ni les administrateurs de la puissance publique, ni les sujets, ne peuvent décider de quel côté est le droit puisque chacun serait à la fois juge et partie. Mais, de l'impossibilité pour la communauté d'être partie, et de la nécessité qui demeure de pouvoir juger de l'application du pouvoir d'Etat, Fichte conclut à l'impossibilité pour la communauté « de garder en mains la puissance publique »[58]. Il ne s'agit pas là d'un débat concernant le droit de résistance, mais de la possibilité même pour chaque individu d'entrer dans l'Etat, c'est-à-dire de la nécessité d'être « convaincu qu'il lui est impossible d'être jamais traité contrairement à la loi »[59]. Cela requiert que les administrateurs soient soumis à reddition de comptes[60], et cette condition requiert à son tour que la communauté n'exerce pas elle-même le pouvoir d'Etat. C'est donc en condamnant la démocratie, au sens strict d'un exercice du pouvoir d'Etat par le peuple, que Fichte déduit la représentation. Notons ici que cette déduction n'est valide qu'en situant les administrateurs du pouvoir d'Etat en dehors de la communauté. Fichte explicite cette singulière conséquence lorsqu'il envisage l'éventuel procès entre les « exécutants » ou administrateurs du pouvoir d'Etat, les éphores et le peuple[61]. C'est donc d'une radicale aliénation qu'il est question lors de l'élection des représentants, aliénation par laquelle le peuple déclare que la volonté du pouvoir exécutif est sa propre volonté[62], c'est-à-dire reconnaît comme sienne la volonté d'une ou plusieurs personnes qu'il institue, par sa reconnaissance même, étrangères à la communauté. »



[1]. Seconde Introduction, p. 272fr, Meiner 49, GA I 4 p. 217. Cf. ci-dessus p. 62. Nous soulignons ici le fait que l'intuition intellectuelle soit bien intuition de la conscience de soi et non intuition du Moi pur.

[2]. En passant outre les mèsinterprétations qui fleurissent à l'époque de Fichte, nous pourrions dire que nous avons ici quelque chose d'analogue au « Deus quatenus »de Spinoza.

[3]. Nous abordons ici pour la première fois ce point, qui est d'une extrême importance. Au-delà de cette « première » philosophie de Fichte, qui est seule en question pour l'instant, l'identité de forme entre la conscience de soi et le premier principe, voire ce qui sera plus tard l'Absolu, nous permettra d'envisager une interprétation homogène de l'œuvre fichtéenne.

[4]. Wissenschaftslehre 1801, §11, p. 37fr, GA II, 6 p. 153. De même, Wissenschaftslehre 1804, IVème Conférence, p. 54fr, 198/199 Meiner, GA II 8, p. 62, et en 1810, dans La silhouette générale de la Doctrine de la science p. 171fr.

[5]. Wissenschaftslehre 1801, §13, p. 42fr, GA II, 6 p. 157.

[6]. Op. cit., §9.

[7]. Op. cit., §5.

[8]. Op. cit., §5.

[9]. « Findet », Seconde Introduction, Vème section, p. 274fr, Meiner p. 52, GA I 4 p. 218.

[10]. Cf. Sittenlehre, p. 25fr, Meiner pp. 18/19, GA I 5, p. 38.

[11]. Wissenschaftslehre 1805, p. 110, cité par R. Lauth, dans Hegel critique de la doctrine de la science de Fichte, p. 161.

[12]. Cf. Nova methodo, GA IV, 2, p. 37 : « Das Auge sieht dem Sehen zu d. h. das Auge ist das unmittelbare Bewußtseyn, das Sehen alles andere Bewußtseyn, so wenig also das Sehen das Auge selbst ist, so wenig ist das Bewußtseyn das unmittelbare selbst ».

[13]. Nova methodo, p. 72fr. Cf. également sur ce point, Fondements du droit naturel, Introduction I, 6, p. 19fr, Meiner p. 3/4, GA I 3, p. 315 : « Quand on réfléchit sur l'objet et qu'on en distingue la manière d'agir par laquelle il advient... cet agir prend l'allure d'un simple acte de concevoir, d'appréhender et de comprendre un donné ».

[14]. Seconde Introduction, IVème section, p. 271fr, Meiner p. 47, GA I 4 p. 215.

[15]. Sittenlehre, p. 27fr, Meiner p. 21, GA I 5, p. 39.

[16]. Cf. Nova methodo, p. 72/73fr : « le concept se forme en même temps que l'intuition. Il nous semble bien qu'il aurait dû être plutôt antérieur, mais ce n'est qu'une apparence, car nous rapportons en retour le concept à une intuition ».

[17]. Nova methodo, §1, p. 73fr, GA IV 2 p. 32.

[18]. Op. cit., p. 73fr.

[19]. Op. cit., p. 73fr.

[20]. Dans le premier § de la 11ème section de la Seconde Introduction, tout en rappelant l'identité entre la forme de l'intuition intellectuelle et le Moi pur, Fichte précise : « seule la forme de l'égoïté est comprise <liegt> dans le Moi comme intuition intellectuelle, c'est-à-dire l'acte se réfléchissant en lui-même qui évidemment <freilich> devient le contenu du Moi » (p. 310fr, 102 Meiner, GA I 4 p. 265/266).

[21]. Cf. Nova methodo, p. 80fr, GA IV 2 p. 38 : « ce concept est donc le concept d'un acte d'intuitionner et doit, sous ce rapport, être appelé lui-même intuition », « dans le paragraphe précédent, C n'était que concept, ici il est concept et intuition ; par la suite il sera intuition ; il peut prendre diverses significations suivant le rapport dans lequel il est posé ».

[22]. Ces moments sont seulement ceux de la construction logique du pour soi. Du point de vue de la conscience effective, la Wissenschaftslehre ne part pas du §1 de la Grundlage, mais du §1 de la Nova methodo, c'est-à-dire de l'acte d'intuition intellectuelle.

[23]. Nova methodo, §2, p. 80fr.

[24]. Cf. Nova methodo, GA 238, traduit en note p. 279fr : « Le premier, la pensée pure, produit la matière ; le second, l'imagination, rassemble cette matière en un tout divers ; et le troisième, la pensée empirique, qui se porte sur les deux premiers, divise la matière ».

[25]. Op. cit. p. 279fr, GA IV 2, p. 238.

[26]. Op. cit. p. 283fr, GA IV 2, p. 242.

[27]. Grundlage, p. 147fr, 200 Meiner, GA I 2, p. 414. Nous reviendrons sur les déterminations du Non Moi - objet, chose, matière - dans le Chapitre suivant.

[28]. Op. cit. §10 point 16, p. 165fr, 223 Meiner, GA I 2, p. 434. De même, point 17 : « l'aspiration ne tend donc pas du tout à la production de la matière, en tant que telle, mais à la modification de celle-ci ».

[29]. Sittenlehre, p. 97fr, 96 Meiner, GA I 5, p. 100.

[30]. Cf. ci-dessus, Première Partie, p. 47.

[31]. Nova methodo, p. 156fr.

[32]. Critique de la raison pure, p. 53/54fr, 81 Reclam, Ak III p. 34 : « j'appelle matière, dans le phénomène, ce qui correspond à la sensation ; mais ce qui fait que le divers du phénomène est coordonné... selon certains rapports, je l'appelle la forme du phénomène (...) si la matière de tout phénomène ne nous est donnée, il est vrai, qu'a posteriori, il faut que sa forme se trouve a priori dans l'esprit... ».

[33]. Cf. Critique de la raison pure, Amphibologie des concepts de la réflexion, p. 236fr, 352/353 Reclam, Ak III p. 323, « ...la forme de l'intuition (comme constitution subjective de la sensibilité) précède donc toute matière (les sensations) (...) et rend bien plutôt cette matière tout d'abord possible » ; nous soulignons.

[34]. Cf. Nova methodo, GA 215, traduit en note p. 259fr : « l'idéaliste transcendantal n'obtiendrait qu'un résultat bien maigre s'il se contentait d'affirmer que nous créons les objets mêmes et s'il s'en tenait là. Il est bien vrai que, du point de vue commun, nous trouvons les objets, qu'ils nous apparaissent en tant que donnés. La proposition selon laquelle nous les créons nous-mêmes n'aurait par conséquent aucune signification si l'on ne déduisait pas d'où vient que les objets que nous construisons pourtant nous-mêmes apparaissent dans la conscience commune en tant que donnés ».

[35]. Cf. Première Partie, Chapitre Trois p. 47.

[36]

[37]. Nova methodo, p. 259fr, GA IV 2, p. 214/215.

[38]. Op. cit. p. 283fr, GA IV 2, p. 242 : « N'aurais-je pas alors l'impression d'avoir produit moi-même ce déterminable ? Non, car je lui confère nécessairement l'autonomie, du fait que je le pense ; il devient un être en soi et pour soi, subsistant pour soi ».

[39]. Contributions... sur la révolution française, p. 96fr, 26 Meiner, GA I 1 p 221.

[40]. Befördern ; « seconder » dans la traduction française, p. 96, 26 Meiner, GA I 1 p 221.

[41]. La formule est ici tempérée parce que nous l'énonçons du point de vue du droit. D'un point de vue authentiquement pratique, nous devrions affirmer que l'établissement de convictions pratiques communes accomplit immédiatement les exigences du politique et va même jusqu'à rendre superflu tout Etat de nécessité, comme l'illustre en son sein la communauté des savants, cf. ci-dessous Chapitre Neuf p. 270.

[42]. L'éphorat, comme nous le verrons bientôt, s'il paraît autoriser la révolution dans la constitution même de l'Etat, a plutôt pour fonction, en inscrivant la légitimité dans la légalité, de rendre toute révolution superflue ; cf. Fondements du droit naturel..., p. 200fr, 184 Meiner, GA I 3, p. 460 : « ...toutes ces dispositions n'ont pas été prises pour qu'elles interviennent, mais seulement pour rendre impossible les cas dans lesquels il leur faudrait intervenir. C'est précisément là où ces dispositions sont prises qu'elles sont superflues, et c'est seulement là où elles ne le sont pas qu'elles seraient nécessaires ». Ici encore apparaît que l'Etat de droit ne peut se situer qu'après le temps des révolutions.

[43]. Cf. Philonenko, Théorie et praxis... pp. 48, 60, 171/172 ; Vlachos, La pensée politique de Kant, Ch. 18.

[44]. Doctrine du droit, p. 205fr, Ak VI p. 322/323.

[45]. Conflit des facultés, 2ème section, §6 p. 100Vrin, Ak VII p. 85.

[46]. Doctrine du droit, §52, p. 224fr, Ak VI p. 341.

[47]. Op. cit. §52, p. 225fr, Ak VI p. 342.

[48]. « Par ailleurs », puisque nous ne voulons bien sûr pas dire que Kant prône l'absolutisme.

[49]. Théorie et pratique, p. 42fr, 97 Meiner, Ak VIII p. 299/300.

[50]. Op. cit. p. 42fr, 98 Meiner, Ak VIII p. 300.

[51]. Accents que l'on retrouve dans la définition du souverain par la 10ème Leçon du Caractère de l'époque actuelle.

[52]. Cf. Fondements du droit naturel..., p. 172/173fr, 156/157 Meiner, GA I 3, p. 439.

[53]. Op. cit. p. 174fr, 157 Meiner, GA I 3, p. 440.

[54]. Op. cit. ibid.

[55]. Cf. Du Contrat social, III, 15.

[56]. Fondements du droit naturel..., p. 195fr, 179 Meiner, GA I 3, p. 456/457.

[57]. Du Contrat social, III, 15, p. 429.

[58]. Fondements du droit naturel..., p. 173fr, 157 Meiner, GA I 3, p. 439.

[59]. Op. cit. p. 173fr, 157 Meiner, GA I 3, p. 440.

[60]. Op. cit. ibid.

[61]. Posant la question « dans quelle mesure les magistrats appartiennent-ils au peuple ? », Fichte entend bien par « magistrats » tout à la fois les éphores - visés lorsqu'il est question d'une « partialité à redouter en faveur du pouvoir exécutif » - et les administrateurs du pouvoir d'Etat eux-mêmes - visés lorsque Fichte désigne les magistrats comme accusés, cf. Fondements du droit naturel p. 189/190fr, 173/174 Meiner, GA I 3, p. 452/453 : « S'ils gagnent le grand procès qu'on leur intente... ».

[62]. Op. cit. p. 183fr, 166 Meiner, GA I 3, p. 447.