Accueil>Philosophie de l'éducation>Recherches psychopédagogiques

La structuration des activités d'apprentissage en pédagogie d'aide (2/2)

Deuxième partie. Réflexion et progression.

 

Expliquer pour décrire.

Du faire faire au faire voir : les Coordinations Objet.

Dans notre partie précédente, nous avons appelé "prise de conscience de l'action propre" cette pratique pédagogique spécifique aux formations adaptées, cherchant tout d'abord, non pas à seulement présenter, mais à rendre visible l'Observable Objet contradictoire, afin de provoquer, suite à la restructuration suscitée par ce dernier, une "équilibration majorante". Toutefois, si la dénomination de "prise de conscience de l'action propre" reflète bien ce qu'a de spécifique l'orientation pédagogique proposée, elle risque de masquer ce qui, grâce à cette prise de conscience, rend possible d'apercevoir l'Obsv O contradictoire et de comprendre son erreur comme telle. En effet, si le détour par l'action propre du sujet agissant nous semblait nécessaire, c'est essentiellement parce que ce dernier offrait à l'action pédagogique une voie d'accès aux structures mentales, concepts et catégories, qui permettent à ce sujet de lire le réel et d'y découvrir l'Obsv O contradictoire. Dès lors, afin de ne pas verser dans des pratiques prenant la "prise de conscience de l'action propre" pour fin, nous devons maintenant souligner que la visée principale du détour précédemment proposé n'est autre que les Coordinations Objet, celles-là même où réside, en première instance, notre grille de lecture du réel.

Notons tout d'abord que, si le détour par la prise de conscience de l'action propre permet bien de lire[1] l'Obsv O, il ne constitue pas seulement, en tant que détour, une phase supplémentaire - parce que préalable - de l'intervention pédagogique. Il peut également se substituer à la présentation de l'Obsv O contradictoire et provoquer d'emblée, par lui-même, une équilibration majorante ; nous allons tenter de démontrer que c'est par cette possibilité que s'explique et se fonde toute la valeur du détour proposé. Dans l'exemple de la construction d'un pont à l'aide de contrepoids, l'intervention pédagogique proposée ne constitue encore qu'une phase préalable à la lecture de l'Obsv O contradictoire, "ça tombe". Mais dans le second exemple, concernant la pression et la réaction, le détour par l'action propre suffit à lui seul pour faire immédiatement voir et comprendre à "Dra" qu'un système apparemment au repos recouvre en fait un équilibre de forces se compensant réciproquement. Il n'est plus alors nécessaire, du moins en ce qui concerne les supports les moins résistants, de mettre pédagogiquement en place une situation didactique tentant de présenter l'Obsv O contradictoire, comme dans le cas d'Art. (6;2)[2].

Un saut qualitatif.

Nous devons alors préciser que la restructuration des coordinations objet, visée par une intervention pédagogique facilitant la prise de conscience de l'action propre, concerne d'emblée les coordinations objet d'un niveau supérieur, celles p. ex. qui permettent à "Dra" de lire un équilibre de force avec les réactants les moins résistants. A partir de la coordination sujet "je pousse ma main (vers le haut) pour résister à la pression (vers le bas) de la main de l'expérimentateur", la projection (flèche "SO" dans le schéma piagétien) ne nous mène pas seulement à la CoordO "parce que je pousse ma main vers le haut avec autant de force que celle de l'expérimentateur vers le bas", ou à l'Obsv O "nos mains se maintiennent immobiles". "Dra" accède alors immédiatement à un niveau supérieur de coordination qui lui permet de lire, en appliquant les mêmes catégories, les rapports de la mousse ou du sagex au cylindre :

« Je pousse sur ta main, toi tu pousses contre (à noter la suggestion, ça ne bouge plus, pourquoi? - Parce qu'on pousse la même chose, on a le même poids. - On pourrait dire que la mousse pousse contre le cylindre? - Oui, elle retient le poids. - Et avec un poids plus lourd? - Elle doit pousser plus - On peut dire qu'elle retient plus? - Non, elle retient moins parce qu'elle s'enfonce plus. - Et le sagex pousse contre le cylindre? - Comme la mousse. »[3].

Ce saut qualitatif d'un mode de fonctionnement mental à un autre a de quoi surprendre ; il ne fait pourtant que traduire le processus de compréhension tel qu'il peut être lu dans le schéma piagétien. Nous savons donc ce que signifie ce saut, et nous avons déjà déterminé, comme prise de conscience de l'action propre, une condition nécessaire de ce processus. Il nous reste à comprendre, en nous servant tout à la fois du formalisme piagétien et des apports de la théorie de la connaissance, le fonctionnement de ce processus de compréhension et l'ensemble des conditions permettant de le provoquer.

Le plan de l'explication.

Ce saut qualitatif propre au processus de compréhension recouvre ce qui constitue, aux yeux de Piaget, "un processus très général et apparemment paradoxal, selon lequel tout système cognitif s'appuie sur le suivant pour en tirer un guidage et l'achèvement de sa régulation"[4]. L'équilibration des structures cognitives renvoyait, de manière programmatique, aux Recherches sur la généralisation[5], où ce guidage dans le processus de compréhension repose clairement sur ce que nous appelions la prise de conscience de l'action propre. Cela est illustré par une ancienne expérience d'Inhelder lors de laquelle les sujets sont invités à déposer en même temps une perle dans un récipient transparent et une autre dans un bocal masqué ; si les jeunes sujets reconnaissent l'égalité des collections ainsi constituées, ils se refusent à l'admettre lors d'une continuation indéfinie de l'expérience ; Piaget écrit à ce propos : "...la considération des résultats de l'action jusqu'à "n" ne suffit pas à la thématisation des cas "n+n'", bien que le sujet soit déjà entrain de construire ces "n+n'" au plan de son action elle-même, tandis que la prise de conscience des coordinations internes de l'action conduisant de "n=n" à "n+1=n+1", donc du passage des constructions achevées à celles qui sont ouvertes sur la suite des constructions possibles, donne rétroactivement la raison, jusque-là incomprise, de l'égalité n=n"[6]. Nous avons ici plus qu'une confirmation du rôle prépondérant de la prise de conscience de l'action propre dans le processus de compréhension. Ce qui caractérise le saut qualitatif de ce processus consiste, ainsi qu'on peut le lire au travers des conclusions piagétiennes, dans le passage du plan de la description - simple expression de la visibilité - au plan supérieur de l'explication qui, en donnant les raisons de la visibilité immédiate, affine et étend celle-ci au-delà des conséquences présentes de l'action. Nous reviendrons sur cette extension du champ des observables provoquée par le saut de la compréhension. Pour l'instant, soulignons seulement que le passage de la description à l'explication représente en lui-même une difficulté pédagogique quotidienne, renforcée par le fait que l'on distingue mal les plans respectifs de ces deux types d'activités mentales. Dire, par exemple, que nous devons absorber 1 litre et demi d'eau par jour parce que nous en perdons 1 litre et demi, pourrait constituer une explication de la présence constante d'eau dans l'organisme, et en cela il y aurait déjà ici passage à un plan supérieur par rapport à la simple description de cette présence d'eau dans l'organisme. Toutefois ce premier saut reste insuffisant, et ce qui constitue l'explication de la présence constante d'eau dans l'organisme, n'est à son tour que la description de l'absorption nécessaire d'eau par l'organisme. Il faut encore viser un plan supérieur d'explication pour fournir les raisons de cette absorption continue d'eau. C'est seulement ici que l'on arrive aux fonctions de l'eau dans l'organisme - de régulation, quant à la température, et d'épuration, quant aux toxines. Cet enchaînement de descriptions et d'explications, devenant à leur tour des descriptions supérieures à expliquer, se retrouve dans tous les domaines. Pourquoi faut-il ainsi affûter cet outil, ou choisir cette lame plutôt qu'une autre? Parce que "ça coupe". Et pourquoi cela coupe-t-il? Parce que c'est tranchant. Nous avons également ici une première explication du fait, auparavant simplement décrit, que ceci ou cela coupe. Mais à en rester là, l'élève ne disposera jamais des moyens de reconnaître (sans couper ou se couper), ni ce qui est tranchant, ni les raisons de tel procédé d'affûtage. Ici encore, l'appréhension d'un plan supérieur d'explication est nécessaire, ne serait-ce tout d'abord qu'à cause du risque de retomber sur le degré zéro de la description en (re)produisant une explication d'un rang inférieur (c'est tranchant parce que ça coupe). Cela n'expliquera jamais le tranchant, au contraire de l'appréhension, même rudimentaire, d'une loi physique générale (P = F/S), rapportant l'accroissement de la pression à la diminution de la surface.

Mais de plus, s'il est nécessaire de viser un plan supérieur d'explication, c'est surtout parce que seule l'explication - c'est-à-dire ici la coordination objet - rend possible, et nous retrouvons là les conclusions de notre première partie, une description précise de l'Observable Objet. En ce sens, chercher à s'en tenir à la description et vouloir progresser en cette dernière n'est donc rien moins qu'absurde et insensé, puisqu'il est nécessaire d'expliquer pour décrire, et non l'inverse. Il y a là non seulement l'ultime justification d'un rejet définitif des pédagogies de l'imitation, prétendant donner à voir ce qu'il faut faire, mais également toutes les raisons de se méfier des "démonstrations" d'atelier - en fait de simples monstrations - lorsqu'elles constituent la majeure partie de l'enseignement. "Démontrer", dans cette expression, s'oppose au sens scientifique ou philosophique du même terme, et se borne à véhiculer l'opinion commune selon laquelle le réel, se donnant immédiatement à voir, devrait être tout aussi immédiatement compris. A ne pas distinguer les deux significations différentes de ce même terme, on confond à nouveau l'explication et la description, alors même que cette pédagogie monstrative n'est qu'une pédagogie monstrueuse, car perverse, ne fournissant à l'élève que ce qui ne lui permet ni de voir, ni de comprendre, une description sans explication. Au contraire de la simple monstration, l'explication a pour tâche de déplier - explicare - afin de mettre à jour ce qui ne se donne pas d'emblée à voir, ce qui reste "im-plicite" et non "ex-plicite", parce que dissimulé, plié et replié, dans l'objet fini. Et si l'appréhension de cet implicite est particulièrement délicate, c'est précisément parce que l'implicite est d'autant mieux dissimulé que l'objet est mieux replié, fini, achevé, parfait. Le tailleur travaille d'autant mieux qu'aucune trace de coups de ciseaux ne s'aperçoit dans le costume ; comme l'écrivait Marx, "le procès s'éteint dans le produit", "l'ouvrier a tissé et le produit est un tissu"[7]. Si donc expliquer aboutit bien, en un sens, à faire voir, et à montrer ce qui n'était pas immédiatement visible, il ne s'agit pourtant pas de faire voir quelque chose du même ordre que l'objet fini, ni même d'en faire voir des parties. Ce n'est pas en découpant avec des ciseaux un bateau en papier que je saurai comment refaire ce pliage, tout comme ce n'est pas en morcelant un savoir faire en petites étapes que je saurai ensuite le faire. Dans l'explication, il n'est pas question du produit fini, mais du procès de construction du produit, procès qui justement n'est plus visible. Déplier un bateau en papier nous montre, non le bateau lui-même, mais le processus de construction du bateau. Et le bateau plié n'est pas le processus de construction du bateau, pas plus qu'il ne ressemble à une feuille de papier sur laquelle seraient inscrits l'ordre et l'emplacement des plis à effectuer. Les raisons qui font que l'objet est ainsi ne sont pas données sur le même plan que l'objet, et c'est pour cela que le processus d'explication nous contraint, par un saut qualitatif, à quitter le plan de la première description. La même distance qui sépare le produit du processus sépare également la description du processus et l'explication du processus, et toute la difficulté pédagogique consiste non seulement à faire voir le processus, mais encore ce qui l'explique, ou plutôt : à expliquer le processus lui-même pour mieux le faire voir. Le pédagogue devrait alors se situer deux niveaux au-dessus de la description du produit, l'explication du processus étant elle-même au-dessus de la description de ce dernier, qui constituait déjà une première explication du produit. Là se trouve, en même temps que la spécificité du pédagogue par rapport au professionnel, les raisons de la difficulté de l'acte pédagogique et celles de la condamnation de la pure et simple description.

C'est pourtant à partir de la connaissance du procédé de pliage que je pourrais moi-même contrôler la qualité de mon bateau, et apercevoir alors des défauts dont je ne pouvais auparavant soupçonner l'existence. Si tant est que la constatation de ces défauts soit bien ce qui me permettra de progresser dans l'apprentissage du pliage, elle ne constitue que la seconde étape d'un apprentissage qui suppose d'abord la connaissance de la technique de pliage elle-même. Nous retrouvons ici les conclusions de notre première partie, puisqu'une fois encore l'Observable objet contradictoire se trouve relégué au second plan. Mais nous complétons maintenant ces conclusions, puisque la condition la plus prochaine de l'apprentissage est dorénavant déterminée comme l'accès à cette dimension d'explication ou "Coordination objet". Ici nos deux parties se rejoignent, puisque l'accès à cette dimension d'explication est justement rendu possible par la prise de conscience de l'action propre[8] - en tant bien sûr que cette action, déterminée par l'enseignant, reflète la coordination objet du niveau supérieur qu'il s'agit d'atteindre. Il s'agit toujours de faire faire pour faire comprendre. Mais attention, précisément parce que le plan des raisons est autre que le plan de la réalisation, "faire faire" ne veut surtout pas dire "faire refaire", mais au contraire déterminer des activités spécifiques par la prise de conscience desquelles l'élève accédera à une meilleure lecture du réel. Le faire doit être ici entièrement déterminé par la visée du comprendre, et donc se situer d'emblée sur un autre plan que le faire du technicien ou de l'expert, producteur de l'objet - produit ou raisonnement - fini. Repousser les mains de l'expérimentateur vers le haut ne ressemble pas plus à l'énoncé d'une loi physique sur la pression et la réaction que la mise en surplomb d'une planche longue et lourde sur un pilier au large sommet ne ressemble à la définition d'un contrepoids. Ce sont pourtant des activités de ce genre qu'il faudrait mettre en place pour relancer le développement intellectuel. Il ne suffit donc pas de connaître parfaitement les lois physiques pour pouvoir les enseigner, ni d'être un excellent maçon pour faire un bon P.L.P. Mais il est peut-être indispensable de mettre en place de telles activités pour pouvoir se dire pédagogue.

Utilisation pédagogique des référentiels en formation adaptée.

La généralisation constructive.

Il est un caractère de ces coordinations objet d'un niveau supérieur que nous avons seulement signalé, et qui consiste en cette intégration de phénomènes - Obsv O - distincts, sous une seule et même explication. Cette intégration est immédiatement effectuée par "Dra"[9] suite à la poussée des mains. Il s'agit bien ici d'une généralisation de la compréhension, atteinte dans l'expérience de la poussée des mains, à d'autres cas de pression / réaction, comme la mousse ou le sagex. Cette généralisation - progressive, en tant qu'accroissement de la généralité de l'explication au cours du développement intellectuel - apparaît clairement en comparant les Coordinations objet de différents niveaux, dans notre manière de présenter un enchaînement rapides des schémas piagétiens retraçant les passages du préopératoire à l'opératoire formel, dans les cas de l'étirement de la boulette et de la construction d'un pont à l'aide de contrepoids[10]. Le fait que cette généralisation puisse être immédiate n'a rien de mystérieux si l'on comprend qu'elle se réduit à une pure et simple application de la nouvelle lecture - concepts, catégories, CoordO - atteinte par la prise de conscience de l'action propre. Il ne s'agit pas en cela d'une extension, seulement "horizontale", se bornant à confondre dans un seul et même ensemble divers phénomènes juxtaposés dans le temps ou dans l'espace. Cette dernière forme de généralisation, entièrement commandée par les rencontres empiriques, est déjà présente dans les pré-concepts piagétiens décrits par La formation du symbole chez l'enfant, ou encore dans la "pensée par complexes" décrite par Vygotsky, lorsque différents objets sont agglomérés, au hasard de ressemblances multiples et variées. A propos de cette forme primitive, le sens commun a tout à fait raison de ne pas vouloir "généraliser". Mais il s'agit au contraire ici d'une généralisation "verticale", dont la verticalité ressortit au saut qualitatif de l'explication, car c'est à partir de la nouvelle lecture, atteinte grâce à la prise de conscience de l'action propre, que divers phénomènes sont déterminés, non pas comme semblables mais comme identiques, en tant que la même interprétation s'applique immédiatement à eux. Cet "en tant que" provient quant à lui du fait que l'explication soit première, et donc du fait que l'action pédagogique vise non plus l'Observable mais la Coordination Objet. Dès lors, si des phénomènes différents sont immédiatement identifiés (au double sens de reconnus et rassemblés dans un seul et même ensemble) comme relevant d'une seule et même explication, cette immédiateté proche de l'Insight ou l'Einsicht de la Gestalttheorie peut elle-même se lire comme le résultat nécessaire d'un processus. C'est parce que ces phénomènes sont d'abord "compris comme" relevant d'une même explication qu'ils peuvent d'emblée être "compris dans" une seule et même classe. Piaget qualifie ce mode de généralisation de "constructive" en l'opposant aux généralisations primitives, seulement extensionnelles ou "inductives" ; "la généralisation constructive ne consiste pas à assimiler de nouveaux contenus à des formes déjà constituées, mais bien à engendrer de nouvelles formes et de nouveaux contenus, donc de nouvelles organisations structurales", "la généralité qui caractérise les généralisations constructives ne saurait donc demeurer purement extensionnelle, comme dans le cas des inductives où il y a simplement assimilation de nouveaux contenus observables à un schème préexistant qui n'en est pas modifié pour autant, mais elle doit être définie par la plus grande richesse (ou force, ce qui est synonyme) des systèmes qu'elle élabore"[11]. Ces métaphores de force ou de richesse traduisent le fait qu'un ensemble de phénomènes, auparavant aperçus comme distincts, soient maintenant reconnus comme identiques car pouvant relever d'une seule et même explication, cause ou raison. Avant la poussée des mains "Dra" pense d'abord, pour un seul cylindre posé sur la mousse, que "la mousse a un fond dessus et un fond dessous, alors ça ne descend pas", puis pour le sagex, que "le sagex est moins lourd que la mousse, alors il s'enfonce moins et le poids sur le sagex il pèse moins que sur la mousse"[12]. Après la poussée des mains, l'explication atteinte ("parce qu'on pousse la même chose, on a le même poids") est immédiatement appliquée à la mousse et au sagex ; avec un poids plus lourd la mousse doit "pousser plus" et le sagex pousse contre le cylindre "comme la mousse". Ces phénomènes sont maintenant "compris" au double sens défini ci-dessus. Certes, cette lecture n'est pas encore suffisamment précise pour être étendue au support en bois, mais il y a bien là un premier saut qualitatif traduisant une compréhension, et nous interpréterions volontiers les réponses de "Dra" en un sens différent de Piaget d'après lequel "Dra" n'attribue pas à la mousse - parce qu'elle "retient moins" avec un poids plus lourd - une force de sens opposé à celle de la pression. Il nous semble plutôt que dans "elle retient moins parce qu'elle s'enfonce plus" "Dra" se borne à décrire l'aspect extérieur du système, et que son explication se situe avant cette description, dans l'affirmation que la mousse "doit pousser plus" avec un poids plus lourd. Nous avons bien affaire à une première compréhension de l'équilibre entre pression et réaction, compréhension qui rassemble mains, mousse et sagex sous une seule et même explication. Encore fallait-il permettre à "Dra" d'accéder à cette Coord O d'un niveau supérieur, ce qui a été possible par la prise de conscience de son action lors de la poussée des mains.

L'enchaînement des schémas et la réflexion sur les procédures.

Ce que "Dra" observe, après la poussée des mains, dans la mousse ou le sagex a donc changé de nature. Il ne voit plus le "double fond" de la mousse ni la diminution de poids du cylindre sur le sagex ; il voit un équilibre de force. Cela va nous permettre d'aborder un nouvel aspect, très important, du processus de compréhension, aspect que nous avons effleuré en soulignant la différence entre le plan de la description et celui de l'explication, puis en signalant qu'une explication pouvait à son tour donner lieu à une nouvelle description, elle-même susceptible d'une explication d'un niveau encore supérieur, etc... "Dra" voit en effet, dans la mousse ou le sagex, après l'imposition des mains, ce qu'il avait auparavant compris, lors de cette même imposition des mains. Autrement dit, la Coordination Objet - disons de niveau "n" - lors de l'imposition des mains, devient ensuite l'Obsv Objet de niveau "n+1" lorsque "Dra" lit l'équilibre de force dans la mousse ou le sagex. A partir du saut qualitatif de l'explication première, provoqué par la prise de conscience de l'action propre, se trouve alors lancé un processus selon lequel cette explication première s'affine et se précise au fur et à mesure de son application à divers phénomènes. L'enseignant retrouverait alors le rôle qui lui est assigné dans les situations didactiques, puisqu'il devrait donc, une fois lancé ce processus, aménager les situations d'apprentissages pour favoriser l'"affûtage" de la première explication. Cet affûtage est illustré par un enchaînement des schémas de fonctionnement intellectuel, présenté dans L'équilibration des structures cognitives[13], à travers l'exemple du billard ; "lorsque dans des expériences sur le choc d'une boule contre le côté d'une autre (et non pas de plein fouet), le sujet commence à comprendre pourquoi le mouvement de la boule passive ne saurait prolonger en sa direction celui de l'active, il observe mieux les directions ainsi que la situation exacte des points d'impacts, etc...".

Cet enchaînement est alors lui-même schématisé ainsi :

Dans ce tableau, ce qui est vu au niveau n+1 n'est autre que ce qui a été compris au niveau n, tout comme "Dra" voyait, dans la mousse ou le sagex, après la poussée des mains, ce qu'il venait de comprendre. Toutefois, et afin d'orienter l'action pédagogique, nous ne pouvons pas nous contenter de superposer les flèches grasses (verticales et obliques), qui traduisent le passage d'un niveau d'équilibration à un autre, et les flèches minces (horizontales), représentant le fonctionnement mental à un niveau d'équilibration donné. Il nous faut comprendre, à partir d'un niveau d'équilibration donné - et donc à partir du fonctionnement de ce niveau, c'est-à-dire des flèches minces - ce qui permet de s'engager dans le parcours des flèches grasses. Or nous avons déjà effectué cette analyse, en montrant comment, par la prise de conscience de l'action propre, on pouvait accéder à une coordination objet d'un niveau supérieur, celle-là même qui permet à "Dra" de lire dans la mousse ou le sagex ce qu'il avait auparavant compris lors de la pression des mains. Ceci est de la plus haute importance car, contrairement à l'orthodoxie piagétienne, qui distingue[14] la restructuration initiale provoquée par l'Obsv O contradictoire, de l'affinage progressif d'une structure mentale au sein d'un même stade, nous pouvons maintenant affirmer que c'est par un seul et même processus - la prise de conscience de l'action propre - qu'il est possible de provoquer à la fois la restructuration initiale et l'affinage ultérieur de l'explication. Il n'y a donc pas, quant à la forme et à la visée de l'intervention pédagogique, de différence radicale entre un enseignement à dispenser aux élèves en difficulté et celui dispensé aux bons élèves. Certes, le rythme et les modalités diffèrent, puisque si telle ou telle manipulation permettra une prise de conscience chez les uns, il suffira d'un discours adéquatement construit pour aboutir plus rapidement au même résultat chez les autres. Mais la nature du processus de compréhension restant identique, la forme de l'action pédagogique ne peut être différente, que ce soit pour provoquer la restructuration en aidant à construire l'explication première ou pour affiner cette même explication. Nous pouvons donc maintenant justifier l'affirmation de notre première partie[15] selon laquelle l'adaptation pédagogique des formations destinées aux jeunes en grande difficulté scolaire ne doit pas consister en une réduction des objectifs, mais en des variations des conditions, ressources et rythme de l'apprentissage. Il s'agit toujours de favoriser ce qui n'est autre qu'une attitude réflexive, certes plus facilement atteinte au moyen du discours ou au niveau symbolique, mais également possible par la mise en place de situations matérielles adaptées. Ici se trouve la première et fondamentale "chance" des formations adaptées, précisément dans le fait que ce qui est requis pour relancer le processus de compréhension n'est pas, quant à la forme de l'action pédagogique, d'une autre nature que ce qui favorise par la suite la progression de ce processus[16]. La conclusion de notre première partie, inscrivant à part entière les pédagogies adaptées dans le "genre" pédagogie, se trouve donc pleinement justifiée.

Généralisation, procédures et compétences.

De plus, cette "attitude réflexive" - ce qui n'est qu'une autre dénomination pour la prise de conscience de l'action propre en tant qu'elle provoque l'explication première - doit seulement être rendue possible. Il suffit pour cela d'insérer, par la provocation de cette explication première, l'apprentissage dans cet enchaînement des schémas, où ce qui était forme au niveau "n" - "parce qu'on pousse la même chose, on a le même poids" - devient immédiatement[17] contenu du niveau n+1, dans les  Observables Objet. Ce que dit Piaget lui-même : "dans la mesure où le sujet prend conscience des coordinations de ses actions, il devient capable de construire de nouvelles formes, soit en vue de l'interprétation des contenus extérieurs, soit en engendrant grâce à elles de nouveaux contenus (nombres, etc...), ce qui caractérise la généralisation constructive en ses différentes variétés"[18]. Il suffit pour cela d'insérer l'apprentissage dans cet enchaînement des schémas, c'est-à-dire qu'il n'est pas question de viser d'emblée, ce qui serait absurde, l'achèvement du processus de compréhension. Il est seulement question - mais c'est l'affaire principale du pédagogue face à des élèves en difficulté - d'amorcer ce processus, en faisant d'emblée travailler l'élève au niveau des Coordinations Objet, c'est-à-dire en cherchant d'emblée à lui faire saisir les raisons pour lesquelles ceci ou cela se produit, comment cela est obtenu, fait ou construit. En somme, il importe avant tout que l'élève arrive à saisir la procédure de tel ou tel savoir faire, ou la raison, pour tel ou tel objet, d'être ainsi en rapport avec d'autres. S'il n'est donc pas nécessaire de maîtriser l'intégralité du niveau "n+1" pour s'engager dans le processus de compréhension, il est par contre indispensable d'orienter d'emblée le regard de l'élève vers les procédures, formes ou fonctions. Et cette simple orientation devrait être toujours possible, puisqu'elle n'exige pas de l'élève une maîtrise complète du savoir faire ni une connaissance approfondie de telle ou telle notion, mais qu'elle exige seulement, de la part de l'enseignant, une réorientation de l'activité pédagogique. Dans le cas d'une notion, p. ex. l'eau dans l'organisme, cette orientation du regard de l'élève vers l'aspect formel de la fonction de l'eau dans l'organisme n'exige aucun développement histologique ni physiologique ; de simples analogies pourraient suffirent. En effet, l'analogie, n'étant pas une ressemblance imparfaite entre deux choses, mais une exacte identité entre deux rapports de choses - qui peuvent d'ailleurs être tout à fait différentes - vise donc d'emblée la forme du rapport que les choses ou faits entretiennent. Ainsi, quant à l'épuration de l'organisme, une stagiaire du CNESPET[19] avait utilisé en première année de formation ETC[20] une analogie entre "l'eau qui nous lave à l'extérieur" et "l'eau qui nous lave à l'intérieur" ; on aurait aussi pu employer une analogie avec l'eau de la vaisselle, afin de souligner la nécessité de renouveler l'eau dans l'organisme, mais ç'eut été moins gracieux. De même, quant à la régulation thermique, l'analogie entre l'eau dans l'organisme et le liquide circulant dans un radiateur est particulièrement féconde ; le chauffage central réchauffe, mais le radiateur de la voiture refroidi le moteur, et l'on a pas seulement besoin d'eau quand on a chaud, mais également quand on a froid, etc... Voilà qui permettrait peut-être aux élèves de comprendre, au-delà de la nécessité d'utiliser le jus des tomates, pourquoi la soupe n'est pas seulement utile en hiver à cause de sa chaleur. Certes, ces analogies sont loin d'être entièrement fondées, mais elles n'en sont pas moins d'excellents outils pour accéder à une première généralisation constructive et amorcer ainsi le processus de compréhension.

Dans le cas des procédures d'un savoir faire, les formations professionnelles adaptées disposent - et c'est la seconde de leur chance - d'un excellent outil dans les référentiels et l'utilisation pédagogique possible de ces derniers. Présentant les objectifs visés en fin de formation sous forme de compétences terminales, les référentiels imposent en effet à l'action pédagogique de viser d'emblée la généralité des procédures induite par la formulation des objectifs en termes de compétences. De ce point de vue, chacune des activités de l'élève, que doit déterminer l'enseignant, autrement dit chaque "performance"[21] n'est pas en elle-même l'objectif visé. Le pédagogue se trouve en principe contraint de déterminer des activités élèves - ou performances - qui ne soient pas des objectifs mais des supports pour l'acquisition des compétences. Or ces compétences se situent d'emblée à un niveau de généralité plus élevé qu'une simple performance. Une chose est d'apprendre à "sélectionner l'information selon un seul critère", une autre chose est de pouvoir retrouver la rubrique sportive dans le journal local. Tout l'intérêt de l'utilisation pédagogique quotidienne des référentiels - et donc non pas seulement à des fins d'évaluation - repose sur la nécessaire ré-élaboration des activités classiques afin de faire en sorte, par exemple, qu'en recherchant la rubrique sportive dans le journal local l'élève apprenne effectivement à sélectionner, en général, une information, quelle qu'elle soit, selon un critère donné. Or cela n'est possible qu'en modifiant la situation d'apprentissage habituelle afin de rechercher immédiatement l'acquisition de la procédure générale propre à la compétence visée, soit ici la sélection de l'information selon un critère. Ces modifications de la situation d'apprentissage peuvent être matériellement mineures, et se borner à marquer le temps des différentes phases d'une procédure. En reprenant un exemple donné par Leibniz dans les Nouveaux essais sur l'entendement humain[22], il n'y aurait que peu de transformations à apporter à la situation d'apprentissage, pour qu'en cherchant à résoudre la double équation "a+b = 10" et "a-b = 6", l'élève puisse acquérir une procédure générale de résolution propre à ce type d'équations. Il suffirait probablement ici de marquer une étape inaperçue lorsque l'on recherche simplement la résolution ponctuelle de ces deux équations là. Si l'on avait écrit, à un moment donné, notre double équation sous la forme "a = 1/2 (10+6)" et "b = 1/2 (10-6)", "dans le calcul particulier même, j'aurais eu le calcul général", ainsi que l'écrit Leibniz. Toutefois, si la modification matérielle de la situation d'apprentissage peut être mineure, la visée pédagogique change radicalement, et l'objectif n'est plus la résolution ponctuelle des équations données, mais l'acquisition d'une procédure générale commune à la résolution de quantité d'équations semblables. Et cela suppose un fonctionnement mental bien différent du simple calcul par lequel "j'aurai à la vérité les a et b que je demande, qui sont 8 et 12, qui satisfont à la question, c'est-à-dire dont la somme fait 10 et dont la différence fait 6 ; mais je n'ai pas par là la méthode générale pour quelque autres nombres, qu'on voudra ou qu'on pourra mettre au lieu de 10 ou 6, méthode que je pouvais pourtant trouver avec la même facilité que ces deux nombres 8 et 12..."[23]. Cette nouvelle orientation pédagogique est renforcée, dans les référentiels, par la reprise de l'articulation entre activité et procédure au niveau plus élevé de l'articulation entre compétence et capacité. La compétence précédemment citée (sélectionner l'information selon un seul critère) relevant, dans le référentiel de français, de la capacité "s'informer", il faudrait, idéalement, transformer à nouveau la situation d'apprentissage - matériel, documents, consignes, etc... - de telle sorte qu'en cherchant à acquérir la compétence "sélectionner l'information selon un critère donné", l'élève développe effectivement sa capacité de s'informer, ne serait-ce qu'en situant la mise en oeuvre de cette compétence dans le processus général d'une activité d'information. Et il ne suffit pas pour cela que l'élève se soit effectivement informé à un moment ou à un autre, tout comme il ne suffisait pas de pouvoir retrouver la rubrique sportive dans le journal local pour acquérir la compétence en question. Il faut, et nous retrouvons là les développements précédents de toute cette seconde partie, qu'il accède à une maîtrise de la procédure générale mise en jeu pour s'informer. Certes, cette procédure générale n'est pas explicitement présente dans les référentiels, et peut ne pas être recouverte par le découpage de la capacité en multiples compétences. Un travail de réflexion préalable est donc nécessaire à l'enseignant lui-même pour dégager les phases de tout processus d'information. Mais les référentiels ont en tout cas l'immense mérite de commander, par la double articulation performance / compétence, puis compétence / capacité, cette visée des procédures. La circulaire destinée aux SES et EREA du 14 Déc. 1990 recommande à plusieurs reprises cette visée "au-delà des performances", de l'acquisition des compétences et du développement des capacités. Nous ne pouvons que justifier cette recommandation, d'autant qu'il s'agit également par là de "découvrir des règles d'action"[24], et que cette découverte de règles recouvre l'orientation des activités de l'élève vers la généralité des procédures. En ce sens, l'utilisation des référentiels dépasse largement le cadre de l'évaluation, pour lequel ils ont été initialement conçus. Cette découverte des règles d'action n'est en effet pas différente de la visée d'une généralisation constructive permettant de rassembler, en raison même de l'identité des procédures, diverses activités ponctuelles relevant en fait d'un seul et même savoir faire. Il s'agit bien d'une première organisation des notions et activités qui situe d'emblée l'apprentissage au départ d'un processus de compréhension. La condition nécessaire de ce travail au niveau des compétences, voire au niveau des capacités, suppose bien sûr la mise en place d'activités élèves respectant les différentes phases de ces procédures. Il ne peut en effet y avoir de prise de conscience de l'action propre permettant d'accéder à une coordination objet d'un niveau supérieur que si l'activité "reflète", c'est-à-dire permet l'intériorisation, la représentation des différentes étapes de la procédure en question. Un préalable serait donc que les élèves puissent systématiquement situer leur activité dans le cadre des compétences - en tant que classe générale - du référentiel, en reconnaissant, ne serait-ce qu'en classant leur document, voire en recopiant, que telle ou telle activité appartient bien au même ensemble, parce qu'on y a suivi telle procédure... Finalement, il importe moins que l'élève arrive habilement à comprendre que cette partie-ci de ce sac-là doit être cousue avant celle-ci, plutôt qu'en comprenant les raisons de cette antériorité, l'élève prenne conscience, par le regroupement d'activités semblables ordonnées de la même manière, de la procédure générale à suivre pour "suggérer un processus d'exécution", ce qui est une compétence du référentiel IMH[25].

Les indications, directives, formulées par le pédagogue, sont ici précieuses, et peuvent déjà engager un certain transfert des acquis, puisque le transfert n'est en fait qu'une application, à une seconde activité, de ce qui a été compris lors d'une première activité. Transférer ne revient en effet qu'à appliquer la procédure - seul objectif pédagogique - à une activité nouvelle, c'est-à-dire d'abord à reconnaître que telle ou telle activité doit être effectuée selon telle ou telle procédure. Il n'y a pas ici plus de difficulté qu'il n'y avait d'Insight ou d'Einsicht miraculeux lorsque "Dra", suite à la poussée des mains, lisait immédiatement un équilibre de force dans un cylindre posé sur de la mousse[26]. C'est parce que la forme générale de l'équilibre - explication du système au repos - avait été visée par une intervention spécifique - la prise de conscience de l'action propre lors de la poussée des mains - que "Dra" transfère efficacement ses connaissances acquises à la mousse puis au sagex. De la même manière, si la procédure est d'emblée visée par une intervention pédagogique adéquate, tout nous porte à croire que ce fameux transfert des acquis serait immédiatement atteint par là-même, puisqu'il n'est qu'une conséquence de la compréhension des procédures au niveau formel de l'explication.

Dire pour faire voir

La projection des Coordinations Sujet.

Hélas, si le transfert peut ainsi paraître plus facile à provoquer, la difficulté n'en est que déportée. Bien souvent en effet il ne suffit pas de faire faire pour faire comprendre. Nombreux sont les cas où, soit les élèves, soit les sujets d'expérimentation, bien qu'ayant accompli les activité susceptibles de les faire accéder à la coordination objet d'un niveau supérieur, n'aperçoivent toujours pas le rapport, formel, qui lie les différents états d'un objet ou les différentes phases d'un processus. La même phase expérimentale de la poussée des mains peut tout à fait ne pas être suivie d'une généralisation constructive amorçant le processus de compréhension. C'est le cas de "Cor"[27] qui, bien qu'ayant remarqué que sa main remonte, tout comme la mousse, après descente sous pression, n'en continue pas moins de répondre ainsi à l'expérimentateur :

« Je poussais sur ta main moi? - Oui - Et toi pour ne pas descendre, tu poussais sur ma main? - Non. »

Nous sommes ici en face des mêmes difficultés qui nous avait conduit, dans notre première partie, à réfuter la primauté des Obsv Objet quant aux restructurations initiales, "Cor" ne voit pas que sa main repoussait celle de l'expérimentateur. Mais la question est ici plus grave, car Cor a fait ce qu'elle ne voit pas, et d'une manière suffisamment précise pour que ses affirmations nous surprennent. C'est ici tout le rôle pédagogique de la prise de conscience de l'action propre qui risque d'être mis en question, puisque cette action, extrêmement simple, n'est pas intériorisée de telle sorte qu'elle engage la restructuration des Coordinations Objet et l'accès à un niveau supérieur d'explication. Faut-il alors reparler, à l'instar de Piaget, de "myopie"[28], cette fois-ci non seulement quant aux Observables Objet, mais aussi quant à l'action propre? L'ensemble de nos développements risquerait alors d'être invalidé. Pourtant, et justement parce que la difficulté rencontrée ici est de même nature que dans notre première partie, il demeure acquis que les coordinations objet - celles que n'a pas quittées Cor lorsqu'elle reproduit, dans ses réponses, des explications antérieures à la poussée des mains - jouent un rôle prépondérant. Ce sont ces mêmes Coordinations Objet qui provoquent l'apparition de "faux observables" lorqu'"Eri", accordant l'identité des poids quels que soient les supports, généralise - mais alors de manière abusive et seulement extensionnelle - l'unique force qu'il reconnaît à l'ensemble du dispositif expérimental ; "presque tout le matériel qu'il y a ici je le vois descendre un tout petit peu"[29]. Dès lors, si le rôle prépondérant des coordinations objet n'est pas remis en cause, et s'il nous faut donc toujours rechercher comment agir pédagogiquement sur ces dernières, nous ne pouvons pas ne pas en passer par les Observables et Coordinations Sujet. Le rôle de la prise de conscience de l'action propre n'est donc pas à dénier, mais il s'agit, puisqu'il apparaît dans certains cas insuffisant, de mieux déterminer ce qui lui confère, dans d'autres cas, une efficacité, et cela afin de compléter les orientations pédagogiques proposées.

Si la prise de conscience de l'action propre se révèle efficace, c'est en tant qu'elle provoque l'accès à une coordination objet d'un niveau supérieur et qu'elle est donc mise en place afin d'orienter l'élève vers cette restructuration, c'est-à-dire, finalement et surtout, qu'elleest explicitement effectuée par l'élève en vue de découvrir une nouvelle manière de lire et de comprendre les Observables objet. Pour cela, il est tout d'abord nécessaire d'épurer ces activités que l'on demande à l'élève d'effectuer afin qu'il puisse immédiatement mettre en rapport ses opérations avec les notions ou procédures qu'il cherche à maîtriser. Cela demande un nouveau travail au pédagogue, travail dont nous apercevons la nécessité suite aux remarques de Piaget après les échecs de la poussée des mains. Il est en effet probable que, si la poussée des mains n'éclaire pas les enfants en difficulté, c'est parce qu'il "s'agit alors de conduites commandées et de mouvements volontaires, liés à des intentions exceptionnelles et bien délimitées, ce qui leur paraît donc sans rapport avec la relation des poids de deux objets inertes superposés"[30]. Tout l'art consisterait donc à favoriser, par une détermination plus précise de la situation d'apprentissage, la mise en rapport de l'activité dont l'élève prend conscience avec la forme - procédure ou fonction - de l'explication qu'il s'agit d'atteindre. Nous retrouvons ici, mais au niveau pratique, le rôle essentiel de l'analogie que nous présentions tout à l'heure[31] à propos de la compréhension d'une notion. Toutefois, quand bien même l'action dont l'élève prend conscience serait-elle suffisamment déterminée, et épurée, de telle sorte que le rapport entre les différentes phases ou les différents éléments de l'activité soit exactement identique au rapport des différentes phases ou des différents éléments qu'il s'agit de comprendre, cela pourrait toujours ne pas être suffisant pour que la forme de cette activité - même représentée exactement au niveau des coordinations sujet - soit projetée sur les coordinations objet explicatives. Nous n'avons pas abordé cette projection des coordinations sujet lors de la précédente exploitation pédagogique de l'analogie, et en cela cette présentation était insuffisante. La projection des coordinations sujet, constitutives de la nouvelle structuration des coordinations objet, est un moment essentiel du processus de compréhension. C'est lors de cette projection que s'effectue, ou non, le passage aux coordinations objet d'un niveau supérieur, constituant le plan de l'explication. Or - et en cela tout à l'heure nous aurions nous-mêmes dus adopter une attitude réflexive quant à ce qui, dans l'analogie, la rend efficace - cette projection n'est autre que la forme de l'égalité des rapports définissant l'analogie. Cette égalité, cette identité entre les rapports des choses analogiquement comparées -
(main de l'expérimentateur / main du sujet) = (cylindre / mousse) ; (eau / organisme = liquide / radiateur) - parce qu'elle était évidente, n'était pas vue comme projection des coordinations sujet, en l'absence d'une attitude réflexive que cette évidence même ne nous engageait pas à adopter. En cela l'évidence n'est pas seulement ce qu'on ne peut pas ne pas voir, elle est aussi ce qui ne peut qu'être vu, et donc ce que l'on admet sans réfléchir sur les raisons de cette adhésion. En effectuant donc, maintenant pour notre compte, ce retour réflexif sur l'efficacité de l'analogie, nous nous apercevons que son efficacité réside moins en son contenu - les rapports des choses comparées - qu'en sa forme - l'égalité de ces rapports. Et cette forme, pour être évidente, n'en va pas pour autant de soi. Cette égalité formelle n'est pas autre chose que la projection des coordinations sujet en coordinations objet, cela même qui provoque le saut qualitatif du processus d'explication / compréhension et relance l'apprentissage. En somme, lorsque nous présentions l'analogie comme outil pédagogique dans l'exemple des fonctions de l'eau, nous n'effectuions encore qu'une description de cette efficacité sans pouvoir l'expliquer ni la comprendre, donc sans savoir comment permettre à l'élève d'accéder à ces analogies, et en ne pouvant que recommander pédagogiquement une pure et simple présentation d'analogies multiples et variées. L'analogie recouvre en fait le processus de compréhension et ce qui, dans l'analogie, recèle l'efficace pédagogique, apparaît maintenant comme cette égalité, cette détermination d'un rapport d'égalité entre l'action dont l'élève vient de prendre conscience et la forme permettant d'expliquer l'ObsvO à comprendre. Des recherches plus récentes en psychologie cognitive démontrent d'ailleurs que la simple juxtaposition de choses, pratiques ou problèmes, analogues ne suffit pas à provoquer le fameux transfert, indice et conséquence immédiate de la compréhension. Il n'y a transfert, comme le note à plusieurs reprises J.F Richard[32] que si l'élève est auparavant informé que la solution de tel problème peut lui servir à résoudre tel autre problème. Nous disposons maintenant, avec une justification plus profonde du rôle de la prise de conscience de l'action propre, d'indications supplémentaires concernant l'intervention pédagogique. Nous savons qu'il ne suffit plus de mettre en place des activités dont la prise de conscience provoquerait la compréhension, mais qu'il faut accompagner, susciter cette provocation, en "avertissant" l'élève d'une manière ou d'une autre. Que signifie cet avertissement et comment l'adjoindre aux activités précédemment déterminées? C'est ce que nous allons examiner dans les deux derniers moments de la seconde partie de cette étude.

Orientation du regard et réfléchissement.

Lorsque Piaget thématise le processus d'abstraction réfléchissante - qui consiste, rappelons-le, "en l'élaboration d'opérations portant sur les précédentes, de relations de relations, de régulations de régulations, etc., bref de formes nouvelles portant sur les formes antérieures et les englobant à titre de contenus"[33] - il distingue[34] deux phases dans ce processus : un "réfléchissement, au sens d'une projection sur un palier supérieur de ce qui est emprunté au précédent"[35], et "une réflexion mentale dont le rôle complémentaire est de reconstruire sur le nouveau plan ce qui est abstrait du précédent, d'où une réorganisation qui exige une structuration nouvelle"[36]. Si ce que Piaget appelle ici réflexion représente bien la construction des coordinations d'un niveau supérieur sur ce que nous avons appelé le plan de la réflexion, le "réfléchissement" semble, quant à lui, recouvrir exactement ce qui, dans la projection des coordinations sujet sur les coordinations objet d'un niveau supérieur, oriente l'activité mentale de l'élève vers la restructuration des explications antérieures. Ce réfléchissement serait ainsi le lieu de ce qui "pro-voque" (appelle en avant) le saut qualitatif de la compréhension, et donc le moyen par lequel l'élève prendrait conscience de son activité en vue de[37] reconnaître en cette activité sa forme, source de compréhension. Ici encore, les expériences piagétiennes nous offrent indirectement le moyen d'identifier ce processus de réfléchissement, ou du moins ce qui le déclenche. Le Chapitre deux de L'abstraction réfléchissante, consacré à la construction de communs multiples, nous présente le cas de "Nad"(6;2) à qui l'on demande de constituer deux collections égales de jetons, en prenant les "A" deux par deux et les "B" trois pas trois. En prenant ainsi, dans deux boîtes distinctes, certains jetons "deux à la fois" et d'autres "trois à la fois", puis en comparant ensuite les quantités de jetons obtenus, Nad effectue bien, pratiquement, des multiplications, et la prise de conscience de son activité devrait donc l'amener à comprendre la nature de cette opération. Or, et malgré une activité simple reflétant la structure multiplicative, Nad continue à confondre multiplication et addition ; après avoir obtenu, par hasard, deux collections égales : « Combien de fois as-tu dû mettre les B? - (Les compte) Six fois les B - Et des A, combien de fois tu en as mis dans ta main? - Six fois »[38]. Nous avons ici l'exemple type d'une activité adéquatement déterminée qui ne suffit pourtant pas à déclencher le processus de compréhension. Le cas de Nad est très éclairant, car le déclenchement de ce processus, pour lequel il ne nous semble manquer qu'un moment de "réfléchissement", s'effectue immédiatement à la suite d'une intervention apparemment anodine de l'expérimentateur :

« On recommence : on dira que quand tu en prends deux ou trois c'est un voyage. - (Elle pose deux A et trois B) - Combien de voyages? - (Elle regarde les tas) 1 pour les A et 1 pour les B - Et pour faire la même chose de A que de B? - (Elle regarde les tas)
3 pour les A et 2 pour les B - Et combien de jetons? - 6 et 6 - Pourquoi? - Parce qu'avec les B il y a 3 et avec les A il y a 2. Aux A il y a moins pour prendre (par voyage) - Combien de voyages si on voulait continuer? - Là 2 et là 3 (juste) »[39].

La fonction du mot.

La simple introduction du terme de voyage suffit ici à orienter la prise de conscience de l'action propre et la projection de la coordination sujet vers la constitution d'une coordination objet d'un niveau supérieur. Pourtant ce terme, abstrait, pouvant fort bien désigner quantité d'autres pratiques, ne se rapporte spécifiquement ni à la boîte de jetons A ni à celle de jetons B, et semble même impropre à désigner l'activité de Nad. Toutefois, outre le fait que ce terme distingue, en les nommant, des phases apparemment inaperçues de cette activité, nous pensons que toute l'efficacité de son introduction est précisément due au caractère abstrait du terme employé. A elle seule, l'adjonction d'un terme abstrait à une activité particulière peut en effet suffire à provoquer l'orientation du regard de l'élève vers une généralisation de cette activité particulière mettant à jour la forme de cette même activité.

L'histoire de la philosophie fournit de nombreuses analyses de ce rôle essentiel du mot - en tant qu'abstrait - dans la constitution de la pensée. Puisqu'il s'agit ici d'éclairer l'acquisition psychologique de cette orientation du regard, nous nous référerons aux analyses empiristes de Hume. La problématique humienne réfute l'existence d'idées générales que nous semblons pourtant utiliser sans cesse dans la vie courante. Toute idée se fondant sur une impression sensible et n'étant que le reflet, d'une plus faible vivacité, de cette impression, chaque idée doit avoir, tout comme l'impression sur laquelle elle se fonde, un degré précis de qualité et de quantité ; "c'est une absurdité complète d'admettre l'existence réelle d'un triangle dont les angles et les côtés n'ont pas de proportion précises. Si donc c'est absurde en fait et en réalité, ce doit être aussi absurde en idée"[40]. La question est alors de savoir comment les idées particulières, les seules dont nous disposons, peuvent faire fonction d'idées générales. "Des idées abstraites sont donc en elles-mêmes individuelles, bien qu'elles puissent devenir générales par ce qu'elles représentent. L'image dans l'esprit est seulement celle d'un objet particulier, bien que nous l'employions dans nos raisonnements exactement comme si elle était universelle". Et Hume souligne précisément alors le rôle du terme abstrait, rôle qui recouvre très exactement cette orientation du regard vers une plus grande généralité, cette provocation du réfléchissement que nous devons comprendre afin de l'utiliser dans nos pratiques pédagogiques. "Quand nous avons découvert une ressemblance entre plusieurs objets qui se présentent souvent à nous, nous appliquons la même nom à tous, quelques différences que nous puissions remarquer dans leurs degrés de quantité ou de qualité, quelques autres différences qui puissent apparaître entre elles. Une fois que nous avons acquis ce genre de coutume, l'audition de ce nom éveille l'idée de l'un de ces objets et porte l'imagination à le concevoir dans toutes ses circonstances et ses dimensions particulières... Le mot fait surgir une idée individuelle et conjointement une certaine coutume ; cette coutume produit toute autre idée individuelle qui peut nous être utile"[41]. Et Hume de conclure ainsi ses développements : "une idée particulière devient générale quand on l'unit à un terme général, c'est-à-dire à un terme qui, par conjonction habituelle, a rapport à de nombreuses autres idées particulières et les rappelle promptement dans l'imagination"[42]. Ce "balayage" mental, suscité par l'adjonction d'un terme abstrait à une idée particulière, ou à une activité particulière dont la mise en forme n'apparaît pas d'emblée, est exactement ce qui permet d'accéder à la prise de conscience de l'aspect formel d'une notion ou d'une procédure, et donc aussi cela même qui constitue le préalable indispensable à l'explication recherchée, simple reconnaissance de cette forme dans les phénomènes à comprendre. Tout comme il permet, dans la description empiriste de la genèse du concept, de souligner les caractères communs d'un ensemble de choses, ce "balayage" reflète déjà par lui-même l'égalité analogique de la procédure - forme de la compréhension - dont il permet le dégagement. Le terme abstrait se trouve donc bien au coeur de la projection des Coordinations Sujet en Coordinations Objet d'un niveau supérieur, puisque d'une part il oriente cette projection vers un plus haut degré de généralité, et qu'il induit d'autre part l'identité formelle d'une série de choses ou d'activités, en les rassemblant.

Le cas de "Nad", dans L'abstraction réfléchissante, ainsi que l'analyse humienne, nous permettent de comprendre pourquoi certains aspects, apparemment étranges, des remédiations cognitives actuelles se révèlent finalement efficaces. Le P.E.I de R. Feuerstein recèle, par exemple, quantité de termes techniques, abstraits et arbitraires. Le néophyte est plus qu'étonné lorsqu'il découvre que ces termes - fonction cognitive d'élaboration, repère intrinsèque... - sont tels quels employés lors de séquences P.E.I, face à des élèves en difficulté, dont on attend d'eux qu'ils les utilisent. Or, chaque terme abstrait imposé recouvre une procédure commune à plusieurs exercices du P.E.I, et participe ainsi, au même titre que les autres éléments du programme, à orienter le regard des élèves vers les méthodes, procédures et démarches qu'ils emploient effectivement. Cette pratique n'a donc finalement rien d'étonnant, elle ne fait qu'utiliser la fonction du terme abstrait que nous venons d'analyser à l'aide du "réfléchissement" piagétien et du "balayage" humien. Le champ expérimental très étendu constitué par la commercialisation du P.E.I conforte donc notre interprétation, puisque l'imposition de termes abstraits, dans un certain contexte très précis, paraît bien remplir efficacement sa fonction.

Il ne suffirait donc pas de déterminer, matériellement et formellement, des activités par la prise de conscience desquelles les élèves en difficulté accéderaient à l'explication première. Il faudrait encore y adjoindre une terminologie orientant cette prise de conscience vers le palier supérieur de la compréhension. Ici le pédagogue remplirait le même rôle que l'expérimentateur piagétien - à moins que ce ne soit l'inverse - lorsqu'il engage "Dra", par une certaine suggestion, à prendre conscience de son activité lors de la poussée des mains[43]. Cette suggestion, contenue dans l'utilisation d'un terme abstrait rassemblant différentes activités sous une même procédure, constituerait l'avertissement[44] destiné à l'élève afin que ce dernier puisse orienter son regard et prendre conscience de son activité afin d'accéder à la compréhension. Tout en retrouvant ainsi les conclusions récentes de la recherche en psychologie cognitive[45], nous nous rapprochons également des exigences professionnelles des formations adaptées. En effet, là encore, les référentiels se révèlent finalement pouvoir être bien plus que de simples instruments d'évaluation. Nous avions auparavant envisagé la fonction pédagogique du référentiel en soulignant la double articulation performance / compétence puis compétence / capacité, qui commandait au pédagogue de rechercher d'emblée à faire travailler l'élève au niveau des procédures générales. C'est maintenant le contenu même des référentiels, la littéralité de la formulation des compétences qui pourrait être utilisé comme outil pédagogique. Ces formulations en effet, souvent abstraites, et désignant un ensemble d'activité dont il s'agit de comprendre la procédure commune, peuvent parfaitement remplir le même rôle que le terme de voyage dans le cas de "Nad", le mot triangle dans le texte humien, ou les dénominations arbitraires du P.E.I. Adjointes à des activités elles-mêmes déterminées conformément aux procédures enveloppées par la compétence terminale, l'utilisation effective, dans la classe ou l'atelier - et par les élèves - des termes mêmes du référentiel, pourrait se révéler un précieux instrument d'aide cognitive. Il va sans dire que les principaux éléments d'une pédagogie spécifique aux formations adaptées, jusqu'à présent dégagés dans cette étude, ne peuvent être efficaces qu'en étant conjointement utilisés. Que ce soit la prise de conscience de l'action propre, l'approche des procédures et des fonctions, ou l'emploi des termes du référentiel afin de provoquer un "réfléchissement", aucune de ces indications pédagogiques ne peut, à elle seule, stimuler le développement intellectuel. Ensemble, par contre, tout porte à croire que de telles adaptations permettraient, "au-delà des performances actuelles des élèves", d'amener ceux-ci à "découvrir des règles d'action"[46], et, pour un bon nombre d'entre eux, au niveau cinq de qualification.

Bibliographie.

Althusser Louis, (et alia) Lire le capital, T. 1., Paris, Maspero, 1968.

Bachelard, Gaston, La Formation de l'esprit scientifique Paris, J. Vrin, 1938.

Bruner Jérome S. [et al.], Logique et perception, Paris, P.U.F., 1958 in Études d'épistémologie génétique, T.6 (Coll. Bibliothèque scientifique internationale).

Bruner Jérôme, Savoir faire, savoir dire : le développement de l'enfant, Paris, P.U.F., 1983.

Debray Rosine, Apprendre à penser: le programme d'enrichissement instrumental de R. Feuerstein, une issue à l'échec scolaire, Paris : Eshel : Stendhal diff., 1989.

Guillaume Paul, La psychologie de la forme, 1èr éd. 1937, Paris, Flammarion coll. Champs, 1979.

Hume David, Traité de la nature humaine, 1739, trad. A. Leroy, Paris, Aubier, 1973.

Kuhn Thomas, La structure des révolutions scientifiques, 1962, trad. fr., 1970, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1983.

Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1701/1709, éd. Garnier Flammarion, Paris, 1966.

Marx, Karl Le Capital, I, trad. J. Roy, Paris, éd Garnier Flammarion, 1969.

Paour, Jean Louis, « Retard mental et aides cognitives », in Psychologie cognitive : modèles et méthodes, sous la dir. de Jean-Paul Caverni, Claude Bastien, Patrick Mendelsohn [et al.], Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1989.

Piaget, Jean, La formation du symbole chez l'enfant, Neuchâtel / Paris, Delachaux & Niestlé, 1945, 1976.

Piaget, Jean, Réussir et comprendre, Paris, P.U.F., 1974.

Piaget, Jean, Apprentissage et structures de la connaissance, Paris, P.U.F., 1974.

Piaget, Jean, Six études de psychologie,, Paris, Gonthier, coll. Médiations, 1964.

Piaget, Jean, La prise de conscience, Paris, P.U.F., 1974.

Piaget, Jean, L’équilibration des structures cognitives, Paris, P.U.F., 1975.

Piaget, Jean, Recherches sur l’abstraction réfléchissante, Paris, P.U.F., 1977.

Piaget, Jean, Recherches sur la généralisation, Paris, P.U.F., 1978.

Richard J.F., Les activités mentales, Paris, A. Colin, 1990.

Vygotsky Lev, Pensée et langage, Paris, Messidor, 1985.



[1]. C'est-à-dire à la fois de voir et de comprendre, de voir parce que l'on comprend, et finalement de voir par - grâce à - ce que l'on comprend.

[2]. C'est-à-dire une phase "...consistant à mettre deux cylindres sur la mousse et à en enlever un seul, d'où une remontée observable du réactant sous le cylindre restant...", Recherches sur la généralisation, p. 176.

[3]. Recherches sur la généralisation, p. 177.

[4]. L'équilibration des structures cognitives, p. 43.

[5]. Certainement aux pp. 239/240.

[6]. Recherches sur la généralisation, p. 240.

[7]. Capital 1, 3e section, Ch. 7, p. 141. De même : "des couteaux qui ne coupent pas, du fil qui se casse à tout moment, éveillent le souvenir désagréable de leur fabricant. Le bon produit ne fait pas sentir le travail dont il tire ses qualités utiles", p. 143, trad. J. Roy, Paris, éd Garnier Flammarion, 1969.

[8]. En ce sens, notre seconde partie, en décrivant le rôle des coordinations objet, explique, à un niveau supérieur, ce que notre première partie présentait : le rôle de la prise de conscience de l'action propre.

[9]. Cf. p. 24.

[10]. Cf tableaux 3 et 4 en annexe de notre première partie.

[11]. Recherches sur la généralisation, p. 221/222. De même, dans une citation plus longue, la définition liminaire de ces deux formes de généralisation p. 6.

[12]. Recherches sur la généralisation, p. 176.

[13]. p. 62.

[14]. L'équilibration des structures cognitives, p. 66.

[15]. Cf p. 25.

[16]. Cf note 1, p. 25 ci-dessus.

[17]. Cf pp. 32, 40 et 38.

[18]. Recherches sur la généralisation, p. 237.

[19]. Centre National d’Études et de Spécialisation des Personnels de l’Enseignement Technique.

[20]. Employé Technique de Collectivité.

[21]. Rappelons que ce terme ne désigne pas un record, mais qu'issu de l'opposition chomskyenne entre compétence et performance, il désigne simplement, à l'instar du verbe anglais "to perform", l'accomplissement effectif d'une action.

[22]. Nouveaux essais sur l'entendement humain, livre IV, Ch 7, éd. Garnier Flammarion p. 361.

[23]. Nouveaux essais sur l'entendement humain, p. 361.

[24]. Circulaire n° 90-340 du 14 décembre 1990, point "3.5".

[25]. Industrie Maille Habillement.

[26]. Cf. infra, pp. 37 et 38.

[27]. Recherches sur la généralisation, p. 172.

[28]. Cf. ci-dessus p. 13.

[29]. Recherches sur la généralisation, p. 179.

[30]. Recherches sur la généralisation, p. 178.

[31]. Cf. ci-dessus p. 43.

[32]. J.F. Richard, Les activités mentales, A. Colin, Paris 1990. Notamment pp. 309/310 et à partir des pp. 156/158.

[33]. L'équilibration des structures cognitives, p. 171. En cette élaboration, l'abstraction réfléchissante engendre les paliers de réflexions - cf. L'équilibration des structures cognitives, p. 41 - et se distingue alors très difficilement de la généralisation constructive.

[34]. Tant dans L'équilibration des structures cognitives, p. 41, que dans les Recherches sur la généralisation, pp. 5 et 6, ou dans L'abstraction réfléchissante, p. 6.

[35]. L'équilibration des structures cognitives, p. 41.

[36]. Recherches sur la généralisation, p. 6.

[37]. Cf. ci-dessus, p. 49.

[38]. L'abstraction réfléchissante, p. 34.

[39]. L'abstraction réfléchissante, p. 34.

[40]. Hume, Traité de la nature humaine, éd. Aubier, 1973, T. I, p. 85.

[41]. Hume, Traité de la nature humaine, pp. 85/86.

[42]. Hume, Traité de la nature humaine, p. 89.

[43]. Cf. ci-dessus, p. 32.

[44]. Cf ci-dessus, p. 51.

[45]. Cf note 1, p. 51.

[46]. Circulaire n° 90-340 du 14 décembre 1990, point "3".