Accueil>Philosophie pratique

La philosophie pratique. Rousseau, Kant, Fichte. (Extraits)

Soutenu à l’université de Paris I Sorbonne, devant MM. Bernard Bourgeois (Président), Bertrand Binoche (Directeur), Mme Catherine Larrère, M. Jean-Christophe Goddard et M. Jean-Louis Labussière.

La philosophie pratique de Rousseau.

J’ai dit que la philosophie pratique, comme édifice systématique de connaissances rationnelles, m’était apparue le plus clairement chez Rousseau, et cela peut maintenant s’expliquer, d’une part parce que l’on trouve chez lui développées chaque partie de l’édifice, même de façon inégale, et d’autre part parce qu’à chacune de ces parties correspond un ouvrage, ou un moment clairement distingué dans un ouvrage. Ainsi quiconque cherche à reconstruire l’unité de l’œuvre rousseauiste, et à tisser des liens entre les thèmes et les différents ouvrages, reconstitue par là l’édifice d’une philosophie pratique. On peut ainsi partir d’une philosophie du politique comme critique des sociétés politiques effectives (historiques), qui s’expose dans la deuxième partie du Discours sur l’inégalité, critique elle-même fondée sur une philosophie politique, construction théorique de l’État idéal, dont on trouve bien les prémisses dans le deuxième Discours, mais qui se développe dans le Contrat social. Cette philosophie politique est elle-même fondée sur une anthropologie philosophique ou connaissance de la nature humaine à laquelle renvoie lapidairement l’incipit du Contrat, « tout homme est né libre », et qui est exposée dans la première partie du Discours sur l’inégalité. Cette anthropologie à son tour se fonde sur une métaphysique, précisément parce qu’elle est anthropologie philosophique, connaissance de la nature humaine destinée à fonder le droit politique, elle ne peut se réduire à l’anthropologie physique par laquelle commence le deuxième Discours. La première partie du deuxième Discours renvoie explicitement à cette métaphysique[28], exposée pour elle-même dans la Profession de foi du Vicaire savoyard. Encore une métaphysique n’est-elle jamais exposée pour elle-même, mais pour fonder une morale (éthique), ce que nous retrouvons aussi chez Rousseau lorsqu’il déduit les maximes morales des vérités premières[29], et invite ainsi son élève à se rapporter effectivement à l’auteur de son être, en existant conformément à sa nature et à l’ordre du monde.

MÉTAPHYSIQUE.

La métaphysique rousseauiste est bien connue, elle a été un des premiers textes accessible dans une édition critique française avec l’œuvre de Pierre Maurice Masson[30]. Elle représente, par son croisement d’influence et son caractère polémique, un condensé des procédés d’écriture et de pensée de l’auteur. Ses objets – le monde, Dieu et l’âme, selon l’ordre des trois articles de foi du Vicaire – sont ceux de la métaphysique spéciale élaborées au début du XVIIe siècle, nous les retrouvons dans la cosmologie, théologie et psychologie rationnelle de Wolff, nous les avons rencontrés dans le Système figuré de l’Encyclopédie[31]. Si l’on peut voir une cosmologie dans le premier article, c’est parce que Rousseau conclut alors un débat avec les matérialistes ; ce débat s’était engagé à partir de l’activité de la pensée dans le jugement, se poursuivra jusqu’à la détermination d’une substance spirituelle de l’âme et reste bien sûr présent dans l’affirmation du théisme et non du déisme[32]. Un point plus délicat consiste à faire la part entre métaphysique et anthropologie, notamment si l’on aborde, à l’instar du Discours sur l’inégalité, la première à partir de la dernière, plus précisément la dernière – la métaphysique – entre deux parties de la première – l’anthropologie. En effet lorsque Rousseau écrit, presque au milieu de la première partie du Discours sur l’inégalité, « je n’ai considéré jusqu’ici que l’homme physique. Tâchons de le regarder maintenant par le côté métaphysique et moral »[33], il nous faut bien considérer que la métaphysique intervient entre une anthropologie physique et d’autres parties de la connaissance de l’homme, où se rejoignent une théorie de la connaissance et des développements relevant d’une théorie des passions, développements que l’on attribuerait volontiers de nouveau à l’anthropologie, cette dernière s’intéressant bien aussi à la connaissance du « cœur humain »[34]. Si l’on ne veut pas isoler outre mesure les deux pages concernant la liberté et la perfectibilité, c’est toute la première partie du Discours sur l’inégalité qui concerne l’anthropologie, mais cette partie de la connaissance recouvrirait alors, selon l’indication donnée par Rousseau, tout à la fois l’anthropologie physique, la définition métaphysique de l’homme (la « psychologie rationnelle ») et l’aspect « moral ». Cela fait beaucoup, avec beaucoup d’hétérogénéité, pour une seule et même partie de la « philosophie ». Ni les méthodes, ni l’objet (dans le dualisme que Rousseau oppose aux matérialistes) ne sont communs à ces trois études. L’anthropologie physique par laquelle commence le deuxième Discours part de l’observation des peuplades primitives, Rousseau rassemble les écrits, les récits de voyages, il fait presque là œuvre d’ethnographe, cela a déjà été amplement commenté, par Levi-Strauss ou J. Starobinski. La définition de l’homme comme substance spirituelle donnée dans le moment « métaphysique » du deuxième Discours sera reprise dans le dernier article de foi du Vicaire. Mais la morale dont il est question dans la suite du Discours, mêlant des considérations sur les passions, l’entendement et le langage, se rapproche plutôt d’une théorie de la connaissance ou d’une psychologie empirique. On ne peut probablement pas ramener à l’unité ces trois dimensions de l’anthropologie rousseauiste parce que les différences entre objet et méthode se croisent sans se superposer ; ainsi l’observation méthodique considère l’homme physique dans la première anthropologie du Discours sur l’inégalité, la méditation ou le retour en soi du philosophe concernent l’homme spirituel dans le moment métaphysique du Discours, et c’est à nouveau l’observation méthodique qui intervient pour étudier cette fois l’esprit humain dans la partie « morale », à comprendre ici au sens large de « mental » ou psychologique. Ainsi l’auteur change de méthode lorsqu’il aborde la métaphysique et abandonne la physique en définissant l’homme comme agent libre, en rapportant la volonté à la vie spirituelle ; c’est à vrai dire le changement d’objet qui enveloppe le changement de méthode « car la Physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation des idées ; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n’explique rien par les lois de la mécanique »[35]. La conscience ou sentiment de ma liberté se confond en effet avec l’exercice de cette dernière, et l’on comprend ainsi qu’en matière de métaphysique le seul sentiment puisse être principe de connaissance. A l’inverse, lorsqu’il aborde les développements concernant l’entendement, le langage et les passions,  Rousseau précise : « il me serait aisé, si cela m’était nécessaire, d’appuyer ce sentiment par les faits, et de faire voir, que chez toutes les nations du monde [etc.] »[36]. On peut, à l’instar de V. Goldschmidt[37], privilégier la dimension réflexive dans la constitution de l’anthropologie rousseauiste, mais cela nous engage à privilégier la dimension métaphysique d’une anthropologie proprement philosophique, au détriment des autres dimensions, physique et morale, d’une discipline dont la nature et l’unité demeurent problématiques.

Anthropologie.

Ces difficultés éclairent en fait le statut particulier de l’anthropologie philosophique, qui cherche à construire une définition de la nature humaine en partant peut-être – c’est pour une part le cas des théoriciens du Droit naturel – de l’homme dans la nature, mais en visant l’homme en société. Cette étude de l’homme se construit donc en étant insérée dans un ensemble de disciplines rationnelles au sein duquel elle a pour tâche de présenter ce qu’il y a d’essentiel en l’homme et que la société devra préserver, voire développer. L’anthropologie philosophique fait donc exactement la jonction entre une « psychologie rationnelle » et une philosophie politique, à tel point que l’on pourrait ne pas la considérer comme une discipline au même titre que la psychologie rationnelle ou la philosophie politique, mais ne voir dans l’anthropologie philosophique qu’une mise en perspective de la philosophie politique sur la détermination métaphysique d’une nature humaine, mise en perspective qui permet la critique des sociétés politiques existantes[38]. La philosophie politique se fait l’écho de cette fonction synthétique et critique de l’anthropologie philosophique lorsque la première phrase du chapitre un du Contrat social rappelle que « l’homme est né libre ». Ce n’est pas d’une anthropologie historique ou ethnographique qu’il s’agit alors, témoin en est la suite de cette première phrase où Rousseau feint de ne pas connaître les raisons de la dégénérescence historique des sociétés humaines. L’exposé historique de la dégénérescence, présenté par l’anthropologie historique, se trouve non dans le Contrat mais dans le Discours sur l’inégalité, en comprenant alors non plus seulement la première partie, mais l’ensemble du Discours ; c’est la deuxième partie qui expose la dégénérescence tant de l’état de nature que des sociétés politiques, dégénérescence historique qui nous ramène finalement au même point, l’état de guerre comme terme de l’état de nature ou le temps des « courtes et fréquentes révolutions »[39]. C’est à ce point que le deuxième Discours souligne la possibilité d’instaurer le corps politique légitime au terme de l’inégalité[40]. Cette anthropologie historique s’articule avec le Contrat social ; je pense au début du Contrat social I 6[41]. La philosophie politique reçoit alors les résultats de l’anthropologie historique comme elle recevait ceux de l’anthropologie philosophique. Mais elle n’en fait pas le même usage : l’anthropologie historique, étudiant, à travers l’histoire, le développement des passions, fournit les données que doit prendre en compte la philosophie politique pour préserver la possibilité réelle de l’État légitime : son inscription dans l’historie n’est possible et pensable qu’à condition que le pacte social puisse s’adresser aux hommes corrompus. L’anthropologie philosophique rappelle, quant à elle, les conditions de la légitimité elle-même, la préservation, voire le développement, de l’essentiel dans la nature humaine : la liberté. Le début du chapitre six du livre un du Contrat distingue ces deux apports, commençant par les données pour présenter ensuite l’exigence : que chacun reste aussi libre qu’auparavant. La synthèse entre ces données et cette exigence définit la tâche de la philosophie politique.

Philosophie politique

La philosophie politique de Rousseau est encore plus connue que sa métaphysique, trop connue pourrait-on dire. Je voudrais néanmoins revenir brièvement sur ce qui en constitue l’essentiel et que l’on n’aperçoit souvent qu’au début du Contrat social : l’évacuation de la soumission. Il ne va pas de soi, pour un penseur du droit naturel, de récuser ainsi ce qui constitue, au dire même de l’auteur du deuxième Discours, « l’opinion commune », i.e. que les peuples se donnent des chefs par contrat, et que ces contrats sont donc des contrats de soumission. Rousseau, auteur du Contrat social, récuse la forme commune du contrat. Plus exactement, il rabat sur la première étape de l’institution des sociétés politiques, l’association, les effets de la deuxième étape : la verticalité de l’obéissance[42]. Sans revenir encore sur cette immanence de la verticalité du pouvoir dans l’association elle-même, en rappelant p.ex. l’immanence de la volonté générale en chaque individu-citoyen, je voudrais souligner que ce principe de la philosophie politique rousseauiste est vraiment principe, commandant le Contrat jusqu’au terme de sa construction institutionnelle, c’est-à-dire jusqu’à la fin du livre trois. On voit souvent, trop tôt, l’évacuation de la soumission au livre un. Il est vrai que dans le mouvement du livre un, après l’évacuation de l’origine naturelle des sociétés politiques, puis celle de la force – origine naturelle qui prétend instituer un droit –, le chapitre quatre où Rousseau évacue l’esclavage contractuel se présente comme la première partie d’une deuxième disjonction où, après s’être orienté de l’origine naturelle vers l’origine conventionnelle des sociétés politiques, nous nous orientons, au sein de l’origine conventionnelle, du contrat de soumission vers le contrat d’association. Ce mouvement serait le propre du chapitre cinq, introduisant ainsi le chapitre éponyme Du pacte social. Pourtant, lorsque le chapitre cinq nous conduit de l’absolutisme contractuel vers le pacte d’association, il ne fait pas encore du pacte d’association le seul et unique pacte dans l’État. Rien n’est encore dit de l’opinion commune, prônant une soumission limitée, au sein de laquelle se construit le libéralisme. Cela n’a lieu que beaucoup plus tard, au livre trois, et après la définition de la souveraineté comme inaliénable et indivisible au livre deux. Au chapitre six du livre un il est trop tôt pour dire que l’association constitue le seul contrat dans la philosophie politique de Rousseau : il ne s’est pas encore opposé à l’opinion courante selon laquelle, une fois la société constituée selon un pacte d’association, le peuple pourrait toujours aliéner sa liberté en partie. En ce qui concerne la seule fondation des sociétés politiques, partir d’une association n’a rien d’original, on retrouve ce moment initial chez Hobbes[43] ou chez Pufendorf. L’originalité de Rousseau se situe moins dans la prévalence initiale de l’association que dans le fait que cette association initiale puisse constituer à elle seule un pacte social et fonder, à elle seule, une société politique. Et c’est parce qu’il y a société politique dès la seule association, parce que la souveraineté peut-être attachée à une volonté générale, que l’on ne saurait instituer un deuxième pouvoir sans détruire le premier. Encore faut-il montrer que l’association seule suffit à faire fonctionner le corps politique : l’indispensable mais impossible institution d’un gouvernement, telle que la présente le chapitre seize du livre trois, doit alors se faire comme n’étant pas celle d’un deuxième pouvoir. Elle doit être, au même titre que les députés liés par le mandat impératif, très étroitement liée à la souveraineté populaire. C’est alors que Rousseau réfute la pensée libérale d’une soumission limitée en développant ce que l’on appellerait aujourd’hui une démocratie participative. Pour que le gouvernement ne devienne pas – car telle est sa pente naturelle – un corps indépendant dans l’État, il faut instituer non seulement des assemblées périodiques mais aussi, au début de chaque assemblée, la remise en cause et du mode de gouvernement et des personnes qui en remplissent les fonctions. C’est ainsi que s’achève le livre trois du Contrat, en démontrant la capacité de l’association à instituer effectivement l’ensemble d’une société politique. Il est amusant de remarquer que c’est précisément la même méfiance envers l’indépendance du gouvernement que Constant prétend opposer à Rousseau : « C’est en vain que vous prétendez soumettre les gouvernements à la volonté générale. Ce sont toujours eux qui dictent cette volonté, et toutes les précautions deviennent illusoires »[44].

Quand bien même Constant aurait-il aperçu le mouvement propre du Contrat social construisant l’ensemble des institutions politiques à partir de l’association seule, il n’a probablement pas saisi que Rousseau n’espérait pas redresser définitivement le corps politique, mais seulement retenir le plus longtemps possible ce corps en état de santé, c’est-à-dire dans l’unité première de l’accord commun. Il y a dans cet aveu d’impuissance théorique une articulation souvent inaperçue de la philosophie politique et de la philosophie du politique, ou analyse critique des sociétés politiques existantes. Il ne suffit pas en effet de savoir clairement ce qu’est la nature humaine pour faire la critique des sociétés existantes, il faut encore savoir ce qu’on peut effectivement leur reprocher et attendre d’elles. A bien des égards, la seule considération du politique ne permet pas de voir en Rousseau autre chose qu’un pessimiste, ou un « évolutionniste pessimiste » pour reprendre l’expression de B. de Jouvenel. Rousseau n’envisage d’ailleurs jamais véritablement l’institution historique de l’État légitime. Il en détermine le moment et les modalités, mais de ce moment – l’état de guerre – et de ces modalités – le pacte du Contrat social –, ne s’ensuit jamais qu’une nouvelle dégénérescence. Si, au terme de l’inégalité, les révolutions « dissolvent tout à fait le gouvernement, ou le rapprochent de l’institution légitime »[45], cela ne veut malheureusement pas dire que donner une orientation différente à un moment de l’histoire permet d’en assurer la suite et de se préserver ainsi de tout retour en arrière. Qu’espérer donc de ce point d’inflexion de l’histoire si l’ouvrage même qui le thématise nous démontre la nécessité de la dégénérescence ? Car il s’agit bien, pour les sociétés politiques, d’une nécessité, et non plus du concours de quelques circonstances extraordinaires, comme pour l’évolution de l’état de nature. Ce point d’inflexion existe pourtant, nous y revenons tout aussi nécessairement que le texte même de la philosophie du politique, que Rousseau construit littérairement par ce retour, lequel ponctue la seconde partie du deuxième Discours, commençant par l’établissement de la propriété, revenant, après son explication, vers l’institution de la société politique par le riche, et finissant par fermer « le Cercle » et toucher à nouveau « au point d’où nous sommes partis »[46]. Il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs directions dans un cercle, et la triste nécessité de ce retour de la dégénérescence ne doit pas occulter les moments où une autre histoire est possible, ni les efforts pour qu’elle le devienne. Ces moments existent, peut-être plus souvent que jamais au terme de l’inégalité ; Émile les connaît qui, réduit en esclavage, fomente une grève en rassemblant ses compagnons : « camarades, écoutez-moi » leur dit-il. Dans ces deux mots, comme le souligne le très beau texte de M. Launay, Une grève d’esclaves à Alger[47], tout est déjà dit. Dans une certaine mesure, font aussi partie de ces moments tous les efforts de la philosophie politique pour se constituer en théorie scientifique et ne pas se borner à une répétition idéologique de l’existant. C’est ce que reproche Rousseau aux jurisconsultes, et même à Hobbes[48] : « L’erreur de Hobbes n’est donc pas d’avoir établi l’état de guerre entre les hommes indépendants et devenus sociables, mais d’avoir supposé cet état naturel à l’espèce, et de l’avoir donné pour cause aux vices dont il est l’effet »[49]. La possibilité d’une analyse critique radicale des sociétés politiques existantes repose donc sur la constitution d’une philosophie politique comme science rationnelle, et, pourrait-on presque dire, sinon a priori, du moins non répétitive. C’est à seule condition que l’on peut, en montrant comment « les hommes deviennent méchants », « chercher comment il faudrait s’y prendre pour les empêcher de devenir tels »[50].

Mais cet espoir risque fort de ne se satisfaire que dans une construction théorique. Émile lui-même, que nous venons de voir fomenter une révolte avec ses compagnons, n’est pas un homme politique. La connaissance historique des sociétés humaines lui fait plutôt fuir les hommes que les servir, bien qu’il se tienne prêt à remplir ses devoirs de citoyens[51]. La connaissance rationnelle de la nature et de l’ordre du monde éveille la voix de la conscience et nous fait donc pénétrer dans la dernière partie de la philosophie pratique, la philosophie morale proprement dite ou éthique. Rousseau n’expose pas des devoirs, il en expose le principe, et si la difficulté consiste à mettre en rapport ce principe avec le reste de la philosophie pratique, il est clair néanmoins que cette morale se déduit de sa métaphysique. Elle la suit dans l’ordre des disciplines : le vicaire recherche les maximes de sa conduite à partir des « principales vérités » qu’il lui importait de connaître[52]. La morale se déduit aussi de la métaphysique dans le développement des facultés individuelles : « ce n’est que par [les] lumières qu’il arrive à connaître l’ordre, et ce n’est que quand il le connaît que sa conscience le porte à l’aimer »[53]. Il y a bien une succession selon laquelle la raison, dévoilant un ordre, offre à la conscience – ou du moins à l’amour de soi spirituel – un nouvel objet, en élevant ainsi l’amour de soi à la vertu. Plusieurs termes se superposent ici qu’il faut expliquer. Tout d’abord l’amour, qui est ici le mouvement par lequel ma conscience me porte vers le bien. Encore faut-il ne pas se tromper d’objet, la vertu sera donc amour de l’ordre. Mais comment aimer l’ordre pour le penseur de l’amour de soi ? En rapportant cet amour de l’ordre à l’amour de soi, ce qui veut dire tout d’abord me rapporter à Dieu, perfection de l’ordre et « auteur de mon être »[54], mais aussi, pour que ce rapport soit amour, « pour jouir enfin du bonheur durable que le repos d’une bonne conscience et la contemplation de ce Être suprême [promettent] dans l’autre vie »[55]. Alors la conscience, ultime transformation de l’amour de soi selon la lettre A Christophe de Beaumont[56], m’oriente effectivement vers mon bonheur.

De ce rapport entre conscience et raison s’ensuit que la béatitude sera l’apanage du sage capable de connaître l’ordre ; le sauvage peut ne pas faire le mal en agissant d’après les seules passions primitives, amour de soi et pitié, mais il ne peut atteindre la béatitude sans avoir développé sa raison. Mais ce n’est pas seulement le sauvage du premier état de nature, se sont les Lapons et les Caffres, et le peuple aussi, « encore si stupide »[57], qui aura bien du mal à se former une idée de la divinité. Nous trouvons là une raison de plus pour séparer la morale et la politique. N’allons-nous pas ainsi à l’encontre des commentaires, voire du texte lui-même ? Non pas, bien sûr, de la célèbre sentence proclamant l’unité de la politique et de la morale[58], au moment de l’éducation des passions, et juste avant d’introduire l’histoire comme connaissance du cœur humain. Cette proclamation signifie seulement que les passions, mœurs et opinions, dépendent des rapports de pouvoir dans lesquels les hommes vivent[59], elle ne concerne pas notre objet, où la morale consiste à agir vertueusement pour se rapprocher d’un bien qui est ma perfection, et où la politique désigne sinon l’État idéal, du moins l’espoir de son institution durable. Mais précisément, l’état civil du Contrat social I 8 ne constitue-t-il pas un milieu de perfectionnement de la nature humaine ? Et notre morale, comprise au sens d’une moralité-vertu, étant conçue en rapport à Dieu, on ne peut éloigner la morale du politique sans prendre en compte le rapprochement inverse qui a bien lieu dans la religion civile. Ce sont les derniers points qu’il nous faut éclaircir.

L’articulation entre morale et politique est un des points délicats de la pensée de Rousseau. Il y a bien articulation, et donc distinction préalable, qui s’effectue tôt dans l’œuvre, contre un Diderot pour qui le juste désigne tout à la fois le bien et le légal[60]. Cette articulation n’a pas lieu entre un réel déficient et un idéal où la politique serait morale, mais entre ce qui constitue le propre du politique – l’institution d’un pouvoir commun dans une société humaine – et ce par quoi nous venons de définir la morale : le rapport à l’ordre du monde et à son créateur. Cela suffirait pour distinguer entre la généralité d’une communauté politique d’une part, pour laquelle le bien sera toujours relatif à son existence particulière, et l’universalité du bien moral d’autre part. Mais précisément, ainsi que j’ai voulu le démontrer à plusieurs reprises[61], la volonté générale s’enracine dans l’amour de soi, qui est le genre commun partagé non seulement entre toute l’espèce humaine, mais entre tous les êtres sensibles. C’est cet amour de soi qui confère à la volonté générale sa « rectitude naturelle »[62], et cela parce que l’amour de soi « est toujours bon et conforme à l’ordre »[63]. Voilà qui nous conduirait plutôt à superposer morale et politique qu’à les distinguer pour les articuler ensuite. Nous trouvons paradoxalement quelques lumières dans les premiers textes politiques écrits en étroite collaboration avec Diderot. Lorsque le Discours sur l’économie politique[64] accorde au corps politique une volonté générale, il s’agit déjà, sans que cela fasse l’objet d’une étude spécifique, de rapporter la volonté générale à l’amour de soi. Mais il s’agit d’abord dans le Discours sur l’économie politique de l’amour de soi du corps politique pour lui-même, amour de soi que nous reconnaissons dans une volonté générale qui « tend toujours à la conservation et au bien-être du tout et de chaque partie »[65]. Le corps politique et la généralité de sa volonté ne sont pourtant pas en cela subordonnés à l’universalité de l’ordre du monde. Ainsi, dès qu’il a posé la volonté générale comme règle du juste, Rousseau précise :

« Il est important de remarquer que cette règle de justice, sûre par rapport à tous les citoyens, peut être fautive avec les étrangers ; et la raison de ceci est évidente : c’est qu’alors la volonté de l’État quoique générale par rapport à ses membres ne l’est plus par rapport aux autres États et à leurs membres, mais devient pour eux une volonté particulière »[66].

Une communauté politique mue par la volonté générale qui est la sienne peut donc commettre des injustices contre d’autres communautés politiques. Nous savons que, de fait, les États se comportent entre eux comme les individus à l’état de nature, qui, dès qu’ils coexistent, sont amenés à se confronter et se comparer ; le simple élan de l’amour de soi se transforme alors en un amour-propre qui, mis en fermentation, produit l’état de guerre. Nous savons de plus que les États, dont l’existence n’est qu’artificielle, sont forcés de se comparer sans cesse[67]. Mais est-il bien exact que le caractère artificiel des États ne leur accorde aucune mesure propre de leur existence ? Du point de vue de leur qualité au moins, les États n’ont-ils pas la règle du juste en eux-mêmes, dans l’amour de soi de chacun des individus-citoyens à la source des lois ? Rapporter la volonté générale à l’amour de soi ne signifie pas seulement, de façon métaphorique, que l’ensemble des citoyens, uni, défendra les intérêts de cet ensemble, tout comme l’individu naturel défend les siens. Il s’agit aussi, réellement, de déterminer le bien commun à partir d’un retour dans soi de chaque individu citoyen qui interroge par là son amour de soi tout à la fois naturel et universel. Dès lors pourquoi le même processus, qui peut avoir lieu au sein de chaque État, par lequel les individus mus par l’amour de soi se rapportent immédiatement au bien commun en dégageant la volonté générale, ne pourrait-il avoir lieu entre les États eux-mêmes ? Les États se rapporteraient alors au bien de leur confédération, ou à la nature entière, ainsi que Rousseau lui-même le suggère à la suite de notre citation précédente : « […] alors la grande ville du monde devient le corps politique dont la loi de nature est toujours la volonté générale, et dont les états et peuples divers ne sont que des membres individuels »[68].

Toutefois, au niveau des États et non plus immédiatement des individus, c’est l’ensemble de la citation qui devient, sinon contradictoire, du moins ambiguë. Nous partons du fait que les États peuvent prendre des décisions injustes envers d’autres États, en expliquant ce fait par l’analogie entre les rapports entre États d’une part, et les rapports entre individus mus par l’amour-propre d’autre part. Mais dans la mesure où les oppositions particulières peuvent être dépassées entre les individus, pourquoi ne pourraient-elles pas l’être entre les États ? Si l’amour de soi fonde la volonté générale d’une communauté politique, tout devrait permettre de penser que le même amour de soi recherchant son bien véritable – et donc sans s’opposer aux autres – ne devrait provoquer aucun guerre injuste entre communautés. Plus encore, la conformité à la nature entière invoquée ici par Rousseau ne devrait que renforcer cette continuité entre l’amour de soi individuel fondant la rectitude de la volonté générale et le comportement des États entre eux.

Toutefois dans cette continuité l’État lui-même disparaîtrait. Et lorsque l’État demeure, il constitue une sommation partielle des voix et pervertit la volonté générale, expression de l’amour de soi, au même titre que les sociétés partielles pervertissaient la volonté générale dans l’État et transformaient l’expression du bien commun en l’expression du bien propre à chacune des sociétés partielles. Alors l’amour de soi des individus légiférant n’était déjà plus qu’un amour-propre. Le corps de l’État favorise à son tour cette perversion de l’amour de soi. Comment est-il possible qu’une « république bien gouvernée fasse une guerre injuste »[69] ? Parce que même un État « bien gouverné », guidé par une volonté générale enracinée dans l’amour de soi, est susceptible de voir cet amour de soi perverti en amour-propre lorsqu’il s’agit de décisions internationales. Le transport hors de soi par lequel l’individu devient citoyen, et qui permet de dépasser l’égoïsme dans la vertu civique, devient alors à nouveau égoïsme au niveau du corps moral et collectif qu’est l’État. Il s’agit alors d’un égoïsme abstrait, celui par lequel le patriote, « dur aux étrangers »[70], peut avoir effectivement dépassé son égoïsme individuel en devenant citoyen[71], mais retrouve, dans l’identification au corps collectif de l’État, la perversion de l’amour de soi en amour-propre, alors que le même État lui a permis de dépasser son amour-propre au niveau individuel. Et cela serait la situation restant la plus répandue, même lorsque les lois des nations auraient toutes pu produire une paix intérieure par le dépassement des égoïsmes individuels. Entre les déchirements intérieurs dus aux intérêts privés, et les heurts internationaux entre égoïsmes abstraits ou collectifs, on comprend que Rousseau se soit moins avancé que Kant dans l’établissement d’un droit international et d’une paix universelle. Force nous serait donc de conclure, là encore, que mieux vaut rechercher son bonheur et sa perfection ailleurs que dans le politique : « c’est en vain qu’on aspire à la liberté sous la sauvegarde des lois […] partout tu n’as vu régner sous ce nom que l’intérêt particulier et les passions des hommes. Mais les lois éternelles de la nature et de l’ordre existent »[72]. Ainsi perdure la distinction entre morale et politique dans la philosophie de Rousseau.

Toutefois de cette distinction entre morale et politique s’ensuit une articulation nécessaire. Tant du point de vue politique, pour les États que l’égoïsme abstrait du patriote condamnent à des guerres sans fin, que du point de la morale dont l’universalité ne peut espérer s’épanouir entre les haines nationales. Ici intervient la religion civile, mais je crois moins comme remède aux imperfections des États existants que comme moyen de parachever la cohérence de la doctrine. Au niveau de la philosophie politique donc, et non de la philosophie du politique. La religion civile ne vient pas rectifier les pratiques politiques existantes, mais elle vient répondre à l’impossible superposition de la morale et du politique alors qu’ils puisent – idéalement – tous deux leur principe à la même source, l’amour de soi. Commençons par remarquer à l’appui de cette thèse que la religion civile intervient non dans le Discours sur l’inégalité mais dans le Contrat social. Certes, il s’agit du livre quatre du Contrat, celui dans lequel Rousseau examine, une fois les institutions élaborées, la possibilité de leur fonctionnement effectif. Ici la religion confirme sa fonction initiale, celle qu’elle remplit dans le chapitre sept du livre deux et qui permet au législateur d’imposer des lois à un peuple ne pouvant encore les comprendre, précisément parce qu’il ne vit pas encore sous ces lois et que les individus n’ont pas acquis cet « esprit social » leur permettant de vivre ensemble. La religion civile confère une possibilité réelle à l’idéal, du point de vue de l’idéal. Une fois le politique constitué, la rencontre des lois civiles et des dogmes de la vraie religion permet, avec le dogme négatif de l’intolérance, de penser le rapport du politique à l’universel en dépassant le particularisme des États et les guerres provoquées par l’égoïsme abstrait ou collectif. Alors la religion civile nous permet de dépasser la contradiction précédente, et de penser la rectitude de la volonté générale et son enracinement dans un amour de soi conforme à l’ordre, ce qui demeurait problématique voire impossible sans engager un dépassement du politique vers l’universel, dépassement que le politique seul n’arrive pas à produire dans la doctrine rousseauiste. Nous remontons bien, dans cette dimension morale de la philosophie pratique, des individus agissants vers les fondements de l’édifice, nature humaine et métaphysique, même s’il faut pour cela, ce qui est pour le moins paradoxal à propos de l’auteur du Contrat social, laisser le politique de côté et se tourner, avec la religion civile, vers la philosophie morale.

<< Introduction Kant >>



[28]. « Je n’ai considéré jusqu’ici que l’homme physique. Tâchons de le regarder maintenant par le côté métaphysique et moral », Discours sur l’inégalité, première partie, p. 141.

[29]. Émile IV p. 594, nous y revenons ci-dessous.

[30]. P. M. Masson, La profession de foi du vicaire savoyard de J.J. Rousseau, Fribourg, Librairie de l’université, et Paris, Hachette, 1914.

[31]. Le terme de métaphysique est absent du « Système figuré » dans le Prospectus et ne se trouve que dans sa reprise au sein du Discours préliminaire, situant alors la « métaphysique générale ou ontologie » en tête d’une division tripartite de la philosophie en science de Dieu, science de l’homme et science de la nature. Le rapport à la « métaphysique générale ou ontologie » autorise clairement à rapprocher la « philosophie » du Système figuré et le schéma classique distinguant entre une métaphysique générale ou ontologie d’une part, et une métaphysique spéciale de l’autre, étudiant ces entités que sont l’âme, le monde, et Dieu. On peut donc parler de métaphysique (spéciale), même si la métaphysique (générale) n’apparaît que dans le Prospectus.

[32]. Sur la distinction entre les deux termes dans l’entourage de Rousseau, cf. Diderot, Suite de l’apologie… in OC, T. IV Le nouveau Socrate, Idées II, Paris, Hermann, 1978, p. 364 : Diderot y oppose le théiste, « déjà convaincu de l’existence de Dieu, de la réalité du bien et du mal moral, de l’immortalité de l’âme, des peines et des récompenses à venir, mais qui attend, pour admettre la révélation, qu’on la lui démontre » et le déiste qui « au contraire [...] nie la révélation, et doute de l’immortalité de l’âme, et des peines et récompenses à venir. La dénomination de déiste se prend toujours en mauvaise part ; celle de théiste peut se prendre en bonne ».

[33]. Discours sur l’inégalité, première partie, p. 141.

[34]. Cf. Émile IV 525.

[35]. Discours sur l’inégalité, première partie, p. 142.

[36]. Ibid, première partie, p. 143.

[37]. Anthropologie et politique, Chap. 1, p. 233, et conclusion, p. 777. J’ai déjà commenté ces points in L’individu et la République, chapitre un, début.

[38]. Le statut ambigu de cette « anthropologie philosophique » s’éclaircira chez Kant, où l’anthropologie proprement dite restera empirique, par distinction d’avec une détermination de la nature humaine comme substance spirituelle qui s’effectuera dans et par la reconstruction pratique de la métaphysique (connaissance de ma liberté via la loi morale et postulat de l’immortalité de l’âme).

[39]. Discours sur l’inégalité, deuxième partie, p. 191.

[40]. « le dernier degré de l’inégalité, et le terme auquel aboutissent enfin tous les autres, jusqu’à ce que de nouvelles révolutions dissolvent tout à fait le gouvernement, ou le rapprochent de l’institution légitime », Discours sur l’inégalité p. 187.

[41]. La première phrase du chapitre six du livre I du Contrat - « Je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation […] », Contrat social I 6, p. 360 - répondant au moment de l’institution du politique dans le Discours - « Les choses en étant parvenues à ce point, il est facile d’imaginer le reste », Discours sur l’inégalité p. 174, qui lui-même reprend le début de la seconde partie du Discours, « les choses en étaient déjà venues au point de ne plus pouvoir durer comme elles étaient », p. 164. je me suis déjà exprimé sur ce parallèle in L’individu et la République, chapitre quatre.

[42]. Rousseau se situe par là à l’exact opposé de Hobbes qui rabat sur la verticalité de la soumission les effets de l’association : c’est la soumission au souverain qui produit l’unité de la république.

[43]. Moment initial qui peut constituer à lui seul un mode de gouvernement, c’est aussi le cas chez Hobbes, cf. J. Terrel, Les théories du pacte social, « le moment démocratique ».

[44]. Constant, Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la constitution actuelle de la France, Chap. 1. De la souveraineté du peuple.

[45]. Discours sur l’inégalité p. 187.

[46]. Discours sur l’inégalité p. 191.

[47]. M. Launay, Une grève d’esclave à Alger au XVIIIe siècle, Paris, J.P. Rocher, 1998, p. 15.

[48]. Et même à Diderot qui reprend, dans l’article Hobbisme de l’Encyclopédie, la définition hobbesienne du méchant comme enfant robuste, critiquée par Rousseau dans le Discours sur l’inégalité.

[49]. Manuscrit de Genève, p. 288. Également, Discours sur l’inégalité, Exorde p. 132 : « tous […] ont transporté à l’état de nature des idées qu’ils avaient prises dans la société » ; et première partie, p. 146 : « « commettre la faute de ceux qui raisonnant sur l’état de nature, y transportent les idées prises dans la société ». L’emprunt à Montesquieu est évident, cf. Esprit des lois, I, 2, à propos de Hobbes : « on ne sent pas que l’on attribue aux hommes, avant l’établissement des sociétés, ce qui ne peut leur arriver qu’après cet établissement ».

[50]. A Christophe de Beaumont, p. 937.

[51]. Émile V p. 860.

[52]. Émile IV 594 : « Après avoir ainsi de l’impression des objets sensibles et du sentiment intérieur qui me porte à juger des causes selon mes lumières naturelles déduit les principales vérités qu’il m’importait de connaître, il me reste à chercher quelles maximes j’en dois tirer pour ma conduite, et quelles règles je dois me prescrire pour remplir ma destination sur terre selon l’intention de celui qui m’y a placé ». L’enchaînement est au moins autant logique que chronologique.

[53]. A Christophe de Beaumont, p. 936. On retrouve le même enchaînement dans Émile IV p. 600 : « connaître le bien, ce n’est pas l’aimer […] mais sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l’aimer ».

[54]. Émile IV p. 636.

[55]. Ibid.

[56]. A Christophe de Beaumont p. 936.

[57]. A Christophe de Beaumont p. 952.

[58]. « Ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n’entendront jamais rien à aucune des deux », Émile IV p. 524.

[59]. On n’a donc rien d’autre ici que l’affirmation commune qui se trouvait déjà dans le Discours sur l’économie politique : « il est certain que les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être », p. 251.

[60]. Cf. l’article Droit naturel de l’Encyclopédie.

[61]. Jean-Jacques Rousseau, l’individu et la République, chapitre cinq ; Du contrat social, Rousseau, pp. 48-53.

[62]. Contrat social II 4 p. 373.

[63]. Émile IV p. 491.

[64]. Ce n’est pas le titre de l’article de l’Encyclopédie, mais celui donné par J. Vernes en 1758 ; il semble aujourd’hui être passé dans les mœurs, cf. l’édition de B. Bernardi, J.J. Rousseau, Discours sur l’économie politique, Paris, Vrin, 2002 p. 7.

[65]. Discours sur l’économie politique p. 245.

[66]. Ibid.

[67]. Cf. le fragment sur l’état de guerre, p. 605.

[68]. Discours sur l’économie politique p. 245.

[69]. Discours sur l’économie politique p. 246.

[70]. Émile I p. 248.

[71]. Ce qui est effectivement le cas du spartiate décrit par Rousseau : « au dehors le spartiate était ambitieux, avare, inique ; mais le désintéressement, l’équité, la concorde régnaient dans ses murs », Ibid.

[72]. Émile V p. 857.