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L’œuvre de Fichte et la Destination de l’homme

Article publié dans la Revue de l’Enseignement philosophique, N°3, janvier-février 1996, pp. 19-31.

Un grand auteur ne publie pas de textes mineurs. Ni, pourrait-on dire à propos de la Destination de l’homme, d’écrits de circonstance. Quelqu’inséré que ce texte puisse être dans la « querelle de l’athéisme » ainsi que le soulignait déjà Jean Hyppolite dans sa Préface à la précédente traduction française[1], nous voudrions voir en la Destination de l’homme un ouvrage à part entière, présentant la doctrine de la science dans son ensemble. Cela nous conduit à retrouver la quintuplicité des points de vue présidant aux exposés de la doctrine de la science, puis à ne plus voir en ce texte une rupture dans la philosophie de Fichte ainsi qu’on l’envisage couramment depuis l’interprétation de M. Gueroult[2]. Nous rejoindrions ici l’inspiration de J.C. Goddard, dans l’Introduction à la nouvelle traduction[3]. Toutefois cela requiert d’apercevoir l’unité de l’œuvre fichtéenne, unité que beaucoup de commentateurs considèrent comme problématique, voire impossible. A cette fin, nous proposerons d’éclairer la Destination de l’homme par des écrits ultérieurs, notamment l’Initiation à la vie bienheureuse[4]. Et il ne nous paraît de meilleure défense tout à la fois de ce texte et de l’unité de la philosophie fichtéenne, que de voir l’unité de la doctrine de la science se réfléchir en la Destination de l’homme pour produire l’unité de ce texte lui-même.

Le texte. Structure et unité.

Si un grand auteur ne publie pas de textes mineurs, Fichte publie bon nombre de textes exotériques, de la Destination du savant de 1794 aux opuscules de 1810/1811[5], en passant par l’Anweisung et la Destination de l’homme. Mais cette dernière, si elle s’adresse bien à un large public[6], est loin d’offrir la transparence souhaitée quant à son histoire et à ses enjeux. Écrit en 1799, publié en 1800, la Destination de l’homme se situe bien entre deux tonalités distinctes de la pensée de Fichte. La première, de la Grundlage de 1794 à la Sittenlehre de 1798, présente comme une pensée systématique qui, déployée à partir de la philosophie première, y fait retour - le dernier exposé de la Wissenschaftslehre nova methodo date également de 1798[7] - en même temps qu’elle détermine la pratique effective. Il y a sur ce point un changement de tonalité incontestable dans la Destination de l’homme. Il n’est pourtant pas nécessaire d’y voir les prémisses d’une « deuxième » philosophie de Fichte ; ce changement de ton n’est à nos yeux qu’une conséquence de l’importance accordée à la philosophie de la religion qui n’avait pas jusque là fait l’objet d’un texte autonome. La Destination de l’homme n’annoncerait donc pas une nouvelle orientation de la philosophie fichtéenne, semblable à celle qui suivra, plus tard, la rupture avec Schelling, et qui fera du rapport à l’Absolu le principe et la matière des exposés de la Wissenschfatslehre.

Le contexte de la publication est clair, et mieux connu du public français depuis la traduction par J.C. Goddard des différents textes liés à l’accusation d’athéisme[8]. La « querelle de l’athéisme » semble, il est vrai, provoquer une réorientation vers la métaphysique et la religion, voire comme le voulait M. Gueroult un « effacement du primat pratique »[9]. Mais s’il y a bien dans ces textes reniement du caractère révolutionnaire des Contributions de 1793[10], Fichte vient de publier la Sittenlehre, ouvrage concernant l’effectif s’il en est. Et au sein même de la Destination de l’homme persiste une réflexion morale et politique qui fait l’objet de toute la Deuxième Partie du Livre III.

Dès lors l’enjeu nous semble être de composer ces différents orientations de la doctrine, d’articuler par exemple la philosophie de la religion avec la philosophie morale. Cette articulation est développée comme telle dans des ouvrages ultérieurs, Le caractère de l’époque actuelle[11] ou l’Anweisung. Pour lire cette articulation dès la Destination de l’homme, il faut reconnaître dans la construction de celle-ci la structure quintuple des « points de vue » telle que reprise dans l’Anweisung et présentée explicitement dans la 28ème Conférence de la Wissenschaftslehre 1804[12]. Ces points de vue sont au nombre de cinq, 4+1, 4 + « le principe qui les réunit »[13], i. e. la W.L. ou le point de vue à partir duquel il devient possible de concevoir les quatre points de vue ensemble, c'est-à-dire de les déduire génétiquement.

Le premier des quatre points de vue représente le réalisme dogmatique ou « qualitatif » dans la Grundlage[14] de 1794 (le Moi comme accident du Non Moi). Philosophie théorique de la nature, il est appelé matérialisme en 1804, posant la prévalence du simple objet, « principe de la sensibilité, croyance en la nature, matérialisme »[15]. Dans le même sens en 1799 la fin de la Nova methodo[16] précisera que la philosophie de la nature regarde comment le monde nous est donné ; on prend seulement en compte la direction centripète de la donation, on ne rend pas raison de cette donation elle-même.

Le 2e point de vue représente l’idéalisme dogmatique de 1794 (le Non Moi comme accident du Moi). Il conçoit le monde à partir du sujet seulement ; à l’exact opposé du premier point de vue, on ne prend ici en compte que la direction centrifuge ; on peut expliquer l'existence du monde, mais pas sa nécessité, ni la nécessité d'exister dans un monde. La liberté construit seule son propre monde, qui est ici une « loi d'ordre et de droit égal dans un système d'êtres raisonnables(...) Une loi, et une loi source d'ordre et d'égalité pour la liberté de plusieurs, telle est selon cette façon de voir la vraie réalité et ce qui existe pour soi ; ce par quoi commence le monde et ce en quoi il a sa racine »[17]. Lorsqu’il condamne l'érection du « devoir froid et strict »[18] en Absolu, Fichte vise la philosophie pratique de Kant, rabattant, pour l’effectif, le pratique sur le droit. Ce point de vue est appelé légalité en 1804 et moralité inférieure dans l’Anweisung ; c’est la véritable position du droit, et la fausse position de la morale.

C’est au 3ème point de vue qu’il appartient de représenter « la vraie moralité supérieure »[19]. Ce point de vue correspond à l'idéalisme supérieur, quantitatif, de 1794, pour lequel l'acte de position du Moi est fondement de l'acte détermination ; il y a ici reconnaissance d'un acte de détermination, i.e. de limitation du Moi. Dans les termes de 1804 : l'acte de représentation est rapporté au sujet, comme « unité intelligible » qui ne « ...laisse la diversité qu'à l'objet. Point de vue de la moralité d'une action qui procède purement du Moi de la conscience et se développe dans l’infinité du temps ». Ce développement recèle déjà un dépassement du formalisme kantien, ce que l’Anweisung appellera une création dans le donné.

Le 4ème point de vue est celui de la philosophie de la religion, « claire connaissance du fait que ce qui est sacré, bon et beau... <est> manifestation immédiate en nous, en tant que lumière, de l'essence intime de Dieu, son expression et son image... »[20]. Proche du réalisme quantitatif de 1794, il y a ici affirmation d’une limitation réelle du Moi, d'une détermination indépendante du Moi, mais que le Moi reconnaît comme telle ; le Moi se sait être ou n'être que l'image de Dieu.

Il s’agit maintenant d’apercevoir au travers de ce prisme la construction de la Destination de l’homme, élaboration de la philosophie pour et à partir de la conscience commune. On identifie facilement les deux premiers points de vue aux deux premiers Livres, Doute et Savoir. Le premier Livre part de l’évidence du monde et aboutit à ce qui pourrait être le point de vue de l’entendement dans les antinomies kantiennes, une Nature légiférant selon une rigoureuse nécessité[21] s'opposant à l'exigence de liberté. Cette opposition s'achève bien sur une vision antinomique du monde : « Laquelle de ces deux opinions dois-je adopter? Suis-je libre et autonome ou bien ne suis-je rien en moi-même, mais exclusivement le phénomène d'une force étrangère ? »[22]. Cependant, à la différence des antinomies dynamiques de Kant, où l'opposition entre les deux parties - raison et entendement, thèse et antithèse, pratique et théorie - pouvait aboutir, précisément grâce à leur distinction respective, à une « transaction »[23], l'exposé antinomique de Fichte n'ouvre aucune voie conciliatrice. La résolution de l'antinomie fichtéenne ne s'opérera pas en s'appuyant sur une distinction radicale entre nature et liberté, mais en cherchant au contraire à les réunir, à partir du point de vue du sujet - idéalisme - qui s’oppose, dès la fin de ce Livre I, au réalisme dogmatique. Toutefois, confrontant dogmatiquement deux dogmatismes, le Livre I s’achève sur un « insupportable état d’indécision et d’irrésolution »[24].

Le Livre II développe le point de vue de l’idéalisme dogmatique ou point de vue du seul sujet. Il fait intervenir une transcendance « L’Esprit » qui invite le sujet à se détourner du monde pour réfléchir sur lui-même, et tout d’abord sur sa pensée du monde. En cela cet « Esprit » nous semble évidemment tenir lieu du philosophe s’adressant à la conscience commune et l’invitant à la réflexion[25]. Par cette réflexion se découvre une conscience immédiate, intuition intellectuelle, fondement de tous mes actes de conscience, et qui sont ainsi expliqués. On peut alors faire retour vers le monde et déduire génétiquement la nécessité qui s’opposait à la liberté. Cette nécessité apparaît comme un acte de la pensée[26]. Toutefois - et parce qu’attaché à la réflexion dans soi du sujet - se montre déjà le sentiment de la finitude[27]. Toute représentation déterminée se détache sur fond d’un déterminable restant toujours à déterminer. La conscience ne peut alors s’apercevoir comme fondement du monde. Pour être rentrée en soi-même sans pouvoir se reconnaître comme fondement absolu, la conscience se perd dans le néant, dans le rêve, ne pouvant trouver aucune présence première hors de son propre monde d’images. Elle ne peut pourtant se satisfaire de cela, et refuse de le croire[28]. Cette première irruption de la croyance, sous forme de l’exigence d’un fondement, nous indique un nouveau domaine de la rationalité. Nous sommes exactement ici dans la position critique du Je pense kantien, auquel la théorie refuse la connaissance de soi-même et que la 2ème édition, tant de la Déduction des concepts purs que des Paralogismes, présente en visant sans cesse le pratique.

Le L.III part de cette exigence d’un fondement et l’analyse, pour y trouver la primauté d’un effort - « tendance à l’autoactivité absolue »[29] - fondateur du domaine pratique. Ce point de vue se révèle capable de satisfaire à l’exigence d’un fondement, la croyance recouvrant la certitude de la science par l’authenticité et la fermeté de la conviction[30]. Notons que Fichte reprend ici, en des termes très proches, le thème de la subordination du théorique au pratique, développé au §15 de la Sittenlehre. Mais notons également que la première voie permettant de satisfaire aux exigences de la raison s’enracine dans la voix intérieure du sujet, qui était déjà présente au Livre I[31]. Nous sommes toujours dans un point de vue subjectif, mais c’est ici le sujet qui détermine le monde, puis, nous permettant d’apercevoir les différents moments de la moralité, le sujet (pratique) qui détermine le rapport du sujet (théorique) au monde. L’idéalisme subjectif se déploie donc lui-même en plusieurs figures que le Livre III développe en 4 points :

1) en déduisant le monde à partir du commandement moral, retrouvant ainsi la figure d’autrui, le thème de la propriété, moments de la détermination du monde développés dans les ouvrages antérieurs consacrés à la philosophie pratique[32] ; « mon monde, c’est l’objet et la sphère de mes devoirs et absolument rien d’autre »[33]. Nous sommes encore là dans la présentation du point de vue pratique en général, posant l’acte du sujet comme fondement de la détermination de l’objet, ainsi que le rappelle la fin de cette partie : « Nous n’agissons pas parce que nous connaissons ; nous connaissons au contraire parce que nous sommes destinés à agir ; la raison pratique est la racine de toute raison. Les lois qui régissent les actes des êtres raisonnables sont d’une certitude immédiate : leur monde n’est certain que parce que ces lois sont certaines »[34]. Ce point de vue se développe ensuite en deux temps, tout d’abord :

2) en présentant une conception dynamique du monde, qui, fondée sur la position de l’idéal par l’exigence pratique, prend la forme d’un progrès. Ces considérations « mondaines » sont d’ordre politique et déterminent le but de notre « vie terrestre »[35]. Nous sommes alors au point de vue de la légalité ou moralité inférieure, auquel succède :

3) le point de vue de la moralité supérieure en lequel le sujet détermine le rapport du sujet à l’objet. Le point de vue subjectif, pleinement développé, se dépasse alors lui-même par la position d’un monde intelligible. C’est l’exigence portée par le progrès qui nous conduit au-delà du monde du progrès, vers une vie future - suprasensible - où la volonté pure, « fin dernière de la raison »[36] pourrait enfin régner.

4) Toutefois en posant le suprasensible comme fin de la raison nous sommes passé du côté de l’objet, qui n’est plus monde mais volonté divine produisant et ordonnant immédiatement ce suprasensible. La moralité nous a donc conduit au point de vue de la religion, où Dieu, l’objet absolu, détermine le sujet. Nous n’en restons pas pourtant à cette simple relation de détermination en laquelle il serait juste de voir un abandon du domaine pratique pour la vie contemplative. Sur cette volonté divine ou infinie vient se fonder l’exigence de travailler à produire, dès ici-bas, « une grande communauté, Une, libre et morale »[37], à l’image de cette Volonté. Nous arrivons alors à un second moment religieux, lorsque l’objet absolu ne détermine plus simplement le sujet mais bien le rapport de ce sujet à l’objet. La philosophie de la religion se développe ainsi elle-même en deux points de vue, tout comme la moralité dépassait la légalité dans la « moralité supérieure ». Dieu est acte, et la philosophie de la religion ne peut nier l’acte qu’elle pose. Elle doit donc faire retour de la position de l’acte vers l’activité pure en laquelle le sujet agissant se trouve enveloppé. En cette forme ultime le moment religieux ne s’oppose plus à la moralité supérieure. Et le lecteur dispose d’un double point de vue sur le rapport du sujet et de l’objet, déterminé soit par le sujet agissant dans la moralité, soit par l’Absolu ou Dieu dans la religion. La possibilité d’apercevoir cette double détermination sans contradiction n’est autre que le 5ème point de vue, celui de la doctrine de la science elle-même.

La controverse.

Nous engageons donc le lecteur à apercevoir l’unité de la Destination de l’homme par sa fin, et à voir cette fin non dans la philosophie de la religion elle-même, mais dans son développement, jusqu’au moment où elle retourne vers l’action. L’essentiel de la controverse autour de la Destination de l’homme et, par l’objet de celle-ci, de la philosophie fichtéenne en son unité, s’enracine nous semble-t-il dans l’isolement du premier moment religieux au détriment du second.

De fait, l’irruption de la philosophie de la religion constitue la négation de la vie active déduite dans la légalité ou la moralité supérieure. Les textes[38] sur lesquels s’appuient les commentateurs pour souligner un détournement du pratique représentent sans conteste une dérive spiritualiste semblable à la tentation exprimée dans les Rêves d'un visionnaire, où Kant déportait les effets de la moralité dans le « monde des esprits »[39]. La Destination de l’homme soutient, lors du dépassement de la moralité par elle-même, que le but de la vie terrestre serait plus facilement atteint par d'autres voies (la nature seule), et cela pour convaincre le lecteur de détourner sa volonté bonne du monde sensible ; « si toute notre existence n'avait d'autre but que de produire un état terrestre de notre espèce, il suffirait d'un mécanisme infaillible qui déterminât nos actions extérieures... Dans ces conditions, la liberté ne serait pas seulement inutile, mais encore inopportune ; la bonne volonté serait parfaitement superflue. Le monde serait fort maladroitement organisé et ne tendrait à son but qu'avec du gaspillage et par des détours »[40]. Cet argument est l'exacte transposition du raisonnement kantien assignant, dans les Fondements de la métaphysique des mœurs[41], une autre fin que le bonheur terrestre à l'existence humaine. Et il n'est plus pertinent, dans cet argument transposé à l'ensemble des fins terrestres, d'engager une discussion sur les violences et les malheurs portés par le mécanisme naturel ; de fait, tout but terrestre peut être produit par ce mécanisme, puisqu'il doit pouvoir être expliqué par ce seul mécanisme. La conscience morale du lecteur de la Destination de l’homme se verrait ainsi détournée de ce monde, jusqu'à une radicale indifférence envers le résultat de ses actes ; « que l'acte qui résulte de ce vouloir conforme à la loi contribue réellement à cette réalisation <du but terrestre>, ce n'est pas mon affaire ; je ne suis responsable que de la volonté... je ne suis pas responsable du résultat <Erfolg> »[42]. Certes, je ne puis pas ne pas agir, seulement « je ne promeus pas la fin terrestre exclusivement pour elle-même et comme l’ultime but final, mais parce que ma vraie fin dernière, l’obéissance à la loi, ne m’est pas présentée dans le monde actuel autrement que comme la promotion de cette fin »[43]. Ne sommes nous pas là bien loin de la Sittenlehre commandant une transformation effective de ce monde-ci, et construisant la nature pour comprendre la possibilité de cette transformation ?

N’oublions pas pourtant que Fichte dit avoir écrit la même chose dans la Sittenlehre. Dans l’Appel au public contre l’accusation d’athéisme, juste après avoir affirmé que, pour l’homme religieux, « le monde n’est jamais un but, il n’a jamais rien à se proposer ou à produire en lui, mais seulement par lui », et que « ...les effets qu’ont dans le monde des phénomènes ses actions conformes au devoir lui sont totalement indifférents... », Fichte affirme : « c’est cette même doctrine, présentée ici dans sa cohésion, qui se trouve également contenue dans mes autres écrits, p.ex. dans mon Éthique »[44]. Comment comprendre l’affirmation de cette continuité de la doctrine ? Faut-il ne voir en la pratique que les prémisses d’une vie contemplative, au risque de s’opposer aux affirmations répétées de l’auteur sur l’unité de sa philosophie ? Ou doit-on tenter, en rendant hommage à la puissance synthétique de la pensée fichtéenne, de réunir morale et religion ?

La Destination de l’homme et la doctrine de la science.

Nous choisirons cette deuxième voie, en nous appuyant sur le mouvement propre à la philosophie de la religion, lui-même commandé par la position de Dieu ou l’Absolu comme acte pur. C’est la querelle de l'athéisme qui permet à Fichte d’opposer, au Dieu mort simplement saisi par le concept, un Dieu vivant auquel nous devons participer activement. Si la vraie religion est active, c'est bien en effet parce que le Dieu à l'existence duquel la conscience religieuse doit s'identifier est lui-même actif, vie absolument en soi-même,« esse in mero actu »[45]. Certes l'ordo ordinans, « un créer, un conserver, un régner, aucunement un créateur, un conservateur, un souverain »[46], est avant tout ordonnant et gouvernant du monde intelligible ; on ne peut donc pas en déduire immédiatement la transformation effective de ce monde-ci. Pourtant jusqu'à la W.L. 1810, l'achèvement de la Doctrine de la science engage son lecteur, tel le philosophe platonicien retournant dans la caverne, à « s'adonner de nouveau à la vie réelle », en comprenant bien sûr alors qu'il ne s'agit plus « de la vie menée par la pulsion aveugle et inintelligente(...) mais bien de la vie divine qui doit nous devenir perceptible »[47].

S’il n’y pas contradiction entre le dépassement du monde et ce retour vers la pratique, c’est précisément parce que le dépassement du monde est dépassement de tout monde possible - compris comme état, fixité, mort - vers la notion d’ordre, comprise comme ordo ordinans[48], acte, mouvement et vie. Fichte présente à plusieurs reprises l’idée d’une concaténation de mondes, i.e. d’un dépassement successif de la fixité ; ainsi, dans le 3ème des Discours à la nation allemande, la vie divine « ne se manifeste... jamais comme un être existant et donné, mais comme quelque chose qui doit être et qui, une fois devenu ce qu'il doit être, se manifestera de nouveau comme devant être éternellement, si bien que cette vie divine échappe toujours à la mort de l'être déterminé »[49]. Le monde suprasensible auquel j'accède à partir de mon exigence d'action en ce monde-ci pourrait donc représenter l'idéal devenu ; mais, précisément parce que je contemple mon idéal devenu dans un monde nouveau, se forge alors, et pour les mêmes raisons qui nous amènent à dépasser le premier monde, l'exigence d'un dépassement au sein de - et du - monde intelligible lui-même. La Destination de l’homme ne dira pas autre chose en précisant que la « possession » des effets de la volonté, garantie dans et par le monde intelligible, « à son tour nous apparaîtra, sous une forme sensible, comme un état, mais pas du tout comme une simple volonté »[50]. Et c'est précisément parce qu'il s'agit alors d'un état que cet état doit être nécessairement dépassé, quand bien même faudrait-il concevoir « des milliers de vies spirituelles »[51]. La notion d'« ordre »[52] souligne donc que la principale distinction se trouve moins entre le monde sensible et le monde intelligible qu'entre l'état et l'activité, activité justement déterminée comme dépassement de l'état, et devant se reproduire face à tout nouvel état, qu'il relève ou non de ce monde-ci. Dès lors le retour dans le monde n’est à comprendre que comme progrès dans l’action, et fait suite au dépassement de la position première de l’intelligible lui-même comme monde. Le vrai monde n'est pas le second, mais le premier dépassé, qui n'a de valeur qu'en tant que dépassement du premier.

Ce progrès vers l’action fait partie intégrante de la religion et doit être participation à la vie divine. Il est en cela progrès de l’attitude religieuse elle-même. D’abord théorique et contemplative, la religion témoigne d’une indifférence envers l’action comme envers le monde. Mais elle ne peut en rester à cette attitude contemplative, fixant l’Absolu. Le premier moment de la religion, « simple perception du fait sans compréhension du comment »[53], porte donc en lui-même son propre dépassement vers un second moment religieux comprenant « comment et de quelle façon le phénomène(...) est développement d'une vie supérieure »[54]. C'est en prenant conscience et connaissance d'elle-même, comme ne pouvant être authentiquement vie divine dans la pure et simple contemplation, que l'attitude religieuse se dépasse et s'accomplit en vie active.

Cet accomplissement de la religion en vie active est tout autant dépassement du point de vue religieux en tant que point de vue. Il constitue, en s’enracinant dans l’exigence morale - le subjectif - et son dépassement par le premier moment religieux, l’œuvre synthétique de la doctrine de la science elle-même, unité des quatre points de vue. C’est après avoir présenté l'ensemble des points de vue dans la 5ème Conférence de l'Anweisung[55] que Fichte retrouve une problématique morale, qui pourra être qualifiée de « morale-religieuse »[56]. Pour la pratique morale-religieuse, « manifestation directe de l'essence divine dans la réalité »[57], si le succès importe peu, c’est parce que l'action prévaut sur les effets : l’homme moral et religieux « vit uniquement dans l'action, pour l'action : il la veut parce que c'est la volonté de Dieu en lui, et sa propre et véritable participation à l'Être »[58]. Ainsi lorsque l'Anweisung affirme que Dieu est maintenant ce qu'il sera de toute éternité[59], elle fait bien écho à la Destination de l’homme qui postulait la présence du suprasensible. Mais cette présence de l'intelligible n'a pas pour conséquence d'invalider la pratique effective. N'étant ni monde idéal, ni autre monde réel, l'intelligible doit se présenter à nous comme transformabilité du monde et non comme monde transformé : « En elle-même et par elle-même, l'image divine est continuellement créatrice, mais elle ne peut l'être dans la réalité qu'à condition que le monde soit éternellement supprimé après elle. Ainsi, le monde sensible garde donc, et continue éternellement à posséder le caractère que nous lui avons attribué plus haut : être exclusivement la condition de visibilité du monde suprasensible. Plus haut, nous l'entendions ainsi : ce n'est que par ce moyen, sous ce caractère formel qui est le sien, qu'un monde suprasensible quelconque est visible. maintenant, nous l'entendons ainsi : ce n'est que par ce moyen, sous ce caractère, qu'il est visible, comme un monde en éternel développement »[60].

Nous devons donc définitivement restreindre la validité des interprétations évacuant la transformation pratique du monde. Du caractère secondaire du succès, il ne s'ensuit pas une dévalorisation de l'action comme telle. C'est au contraire à cette dernière qu'échoit, avec l'incessante réitération de l'effort pratique, la tâche de manifester l'existence divine. On peut ainsi restaurer la cohérence de l'œuvre fichtéenne, en lisant la Destination de l’homme à partir de l'Anweisung, et notamment à partir des deux dernière pages de la 5ème Conférence où la rencontre entre moralité et religion s'effectue dans l'élément de l'action : « La vraie et authentique religion n'est pas purement contemplative et spéculative, ne se contente pas de méditer sur de pieuses pensées, mais est nécessairement active. Elle consiste, comme nous l'avons vu, à avoir intimement conscience que Dieu en nous vit réellement et est actif et accomplit son œuvre. S'il n'y a pas en nous de vie véritable, s'il n'émane de nous aucune activité, aucune œuvre qui paraisse, Dieu non plus n'agit pas en nous. Notre conscience d'être unis à Dieu est dès lors illusoire et nulle, l'ombre vide d'un état qui n'est pas le nôtre »[61].

La finitude.

Il y a pourtant bien un dépassement marquant la philosophie fichtéenne, et que la Destination de l’homme illustre donc plus particulièrement à partir de la religion[62] ; ce n’est pas celui de l’action mais celui de la pensée kantienne de l’action, fondant cette dernière sur la volonté du sujet agissant. Lorsque le second moment religieux fait retour vers l’action, il ne s’agit plus d’un effort moral du sujet luttant contre ses penchants pour réaliser sa liberté. Il s’agit, comme le rappelle la citation précédente, d’une participation à la vie divine. Et cette participation a bien des traits mystiques, notamment son caractère fusionnel, qui s’accompagne d’une abnégation de soi. Lorsque Fichte condamne le mysticisme, il le fait avant tout pour ses moyens - la seule contemplation - et non pour sa fin, communion avec l’agir divin. Ainsi dans la Sittenlehre, à l’occasion d’une condamnation des morales formelles qui devraient « n'aboutir qu'à une abnégation constante de soi-même, à un anéantissement et à une disparition complets, comme les mystiques d'après lesquels nous devons nous perdre en Dieu », Fichte précise : « proposition qui est assurément fondée sur quelque chose de vrai et de sublime ». C’est la communion avec l’existence divine par l’agir qui justifie le retour à la vie active : « Ceux qui placent la perfection dans des considérations pieuses, dans une méditation recueillie sur eux-mêmes et en attendent l'anéantissement de leur individualité et leur fusion avec Dieu, se trompent fort. Leur vertu est et reste l'égoïsme. Ils veulent seulement se rendre parfaits. La vraie vertu consiste à agir, à agir pour la communauté, action dans laquelle on s'oublie soi-même »[63].

Le « soi-même » qu’il s’agit alors d’oublier n’est pas seulement le soi de l’égoïsme, mais il enveloppe ce qui, pour une pensée encore kantienne de l’action morale, définissait mon essence, la volonté propre de la personne. Il faut, en termes fichtéens, étendre le sens de l’égoïsme jusqu’à l’existence de l’individu comme personne. La personne demeure, aux yeux de Fichte, attachée à l’existence sensible. La 7ème Conférence de l'Anweisung nous rappelle que l'homme de la légalité - du deuxième point de vue, représentant la morale kantienne[64] - reste attaché à un intérêt pour soi-même : « Il nous faut nous mépriser si nous ne procédons pas selon la loi, et sommes déchargés de ce mépris de nous-mêmes, si nous nous y conformons ; nous pouvons toutefois préférer nous trouver dans ce dernier cas plutôt que dans le premier »[65]. La personne fichtéenne n’est pas fin[66], mais moyen, moyen pour la réalisation d’une fin qui la dépasse, et moyen qui s’accomplit par le dépassement de soi-même. La prière fichtéenne exprime ce renoncement : « Fais de moi ce que tu voudras(...) je sais que ce sera bien, puisque c'est toi qui le feras »[67]. Que signifie cette négation de la personne humaine ? Non pas un mépris de l’humanité, bien au contraire. Car en se donnant pour fin la participation à l’existence divine, Fichte l’élève au plus haut point. Mais en l’élevant ainsi, la philosophie fichtéenne déporte l’essence du sujet agissant infiniment au-delà de lui-même, de sorte que son essence ne peut être pleinement réalisée que par la négation de soi-même. Là non plus, il n’y a pas dans la Destination de l’homme une nouvelle philosophie de Fichte. Cette négation de soi-même, en tant que sujet agissant et voulant, s’opère dans et par l’effort pratique, effort qui avait, dès 1794[68], pour tâche infinie de combler l’abîme séparant le Moi de la conscience empirique du Moi pur ou absolu. Loin donc de constituer un texte isolé dans la philosophie de Fichte, la Destination de l’homme exprime la plus rigoureuse conséquence de la finitude attachée aux philosophies du sujet, i.e. des philosophies par lesquelles nous pensons notre essence au-delà de nous-mêmes, comme une Bestimmung précisément.



[1]. Trad. fr. M. Molitor, La Destination de l’homme Paris, Montaigne, coll. 10/18, 1965.

[2]. Notamment in L'évolution et la structure de la Doctrine de la science chez Fichte, Paris, Les Belles Lettres, 1930 ; t. I, pp. 358, 366, 369, t. II pp. 188-189.

[3]. La Destination de l’homme, Paris, Flammarion, 1995, p. 8.

[4]. Anweisung zum seligen Leben, 1806 ; Hamburg, Meiner, 1954 ; trad. fr. M. Rouché, Initiation à la vie bienheureuse, Paris, Aubier Montaigne, 1944 (dorénavant citée Anweisung).

[5]. Die Wissenschaftslehre in ihrem allgemeinen Umrisse, 1810 ; SW. II ; trad. fr. La silhouette générale de la Doctrine de la science dans P.P.Druet, Fichte, Paris, Seghers, 1977. Fünf Vorlesungen über die Bestimmung des Gelehrten, 1811 ; SW XI ; trad. fr. J.C. Merle, Cinq Conférences sur la destination du savant dans Opuscules de politique et de morale, Caen, Centre de philosophie politique et juridique de l'Université de Caen, 1989.

[6]. Cf. la première phrase de l’Avant-propos, situant la Destination de l’homme « hors de l’École ».

[7]. Cf. la présentation du manuscrit Halle in GA IV 2.

[8]. Querelle de l’athéisme, Paris, Vrin, 1993.

[9]. M. Gueroult, op. cit. T. II p. 188.

[10]. Les Contributions étant qualifiées d’« exagérations » ou « essai juvénile et inachevé », Réponse juridique à l’accusation d’athéisme, in Querelle de l’athéisme, p. 123/124.

[11]. Die Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalters, 1806 ; Hamburg, Meiner, 1956 ; trad. fr. I. Radrizzani, Le caractère de l'époque actuelle, Paris, Vrin, 1990.

[12]. Wissenschaftslehre, 1804 ; SW X ; éd. Fritz Medicus, Leipzig, Meiner, 1908/1912, Band IV ; trad. fr. D. Julia La théorie de la science, exposé de 1804, Paris, Aubier, 1967.

[13]. Wissenschaftslehre 1804, Conf. 28, p. 267fr, 391 Meiner, GA II 8, p. 418.

[14]. Grundlage der gesamten Wissenschaftslehre, 1794 ; Meiner, Hamburg, 1979 ; trad. fr. A. Philonenko, Les principes de la doctrine de la science dans Oeuvres choisies de philosophie première, Paris, Vrin, 1980.

[15]. Wissenschaftslehre 1804, Conf. 28, p. 266fr, 390 Meiner, GA II 8, p. 416.

[16]. Wissenschaftslehre Nova methodo, 1796 / 1799 ; GA IV, 2 (manuscrit Halle) ; trad. fr. (à partir du manuscrit Krause) I. Radrizzani, Doctrine de la science Nova methodo, Lausanne, l’âge d'homme, 1989, ici p. 305.

[17]. Anweisung, 5e Conf. p. 171fr, 77 Meiner.

[18]. Anweisung, 7e Conférence, 212fr, 114 Meiner.

[19]. Anweisung, 5e Conf. p. 174fr, 80 Meiner.

[20]. Ibid., 5e Conf, p. 175 trad. fr.

[21]. Destination de l’homme, p. 84 trad. Molitor, 71 J.C. Goddard, 285/286 Meiner, GA I 6, p. 207 : « ...c'est la nature qui me fait moi-même et qui fait tout ce que je deviens (...) Je suis soumis à la puissance inflexible de la rigoureuse nécessité... ».

[22]. Destination de l’homme, p. 94 Molitor, 78 Goddard, 291 Meiner, GA I 6, p. 211/212.

[23]. Critique de la raison pure p. 393fr, 572 Reclam, Ak III p. 558.

[24]. Trad. Molitor p. 99, Goddard p. 81. Rappelons que la confrontation entre idéalisme et réalisme fait comme telle l’objet de la Première Introduction à la Doctrine de la science, (Erste und zweite Einleitung in die Wissenschaftslehre, 1797 ; Meiner, Hamburg, 1961 ; trad. fr. A. Philonenko, Première et Seconde Introductions à la doctrine de la science dans Oeuvres choisies de philosophie première, Paris, Vrin, 1980).

[25]. Cette figure confrontant philosophie et conscience commune est familière à Fichte, il la reprendra dans l’important Sonnenklarer Bericht an das grössere Publikum... (1801 ; SW II, trad. fr. A. Valensin, Rapport clair comme le jour adressé au grand public sur le caractère propre de la philosophie nouvelle Paris, Vrin, 1985). J’avoue ne pas comprendre pourquoi M. Gueroult, dans sa remarquable présentation de la Destination de l’homme (in Études sur Fichte, Paris, Aubier Montaigne, 1974) n’y fait pas référence. D’autant que ce rapport à la conscience commune est essentiel pour tout philosophe de la réflexion, ne pouvant philosopher que par et sur une réflexivité première qu’il présuppose en toute conscience et dont il exprime le déploiement.

[26]. « La conscience d’une chose hors de nous n’est absolument rien d’autre que le produit de notre propre faculté de représentation », trad. J.C. Goddard p. 140.

[27]. Livre II, fin, p. 175/6 Molitor, 145 Goddard.

[28]. Livre II, fin, p. 180 Molitor, 148 Goddard.

[29]. Livre III, début, Goddard p. 152/153 ; la tendance est ici pulsion - Trieb - Molitor traduit par « instinct d’une activité absolue » p. 187/188.

[30]. Molitor p. 194, Goddard p. 157.

[31]. Cf. Goddard p. 50, « l’irrésistible voix intérieure » poussant au savoir, et la conscience de soi comme d’un être autonome p. 64.

[32]. Non seulement la Sittenlehre, (Das System der Sittenlehre nach den Prinzipien der Wissenschaftslehre, 1798 ; Hamburg, Meiner 1963 ; trad. fr. P. Naulin, Le système de l'éthique selon les principes de la Doctrine de la science, Paris, P.U.F., 1986), mais aussi les Fondements du droit naturel selon les principes de la Doctrine de la science, Grundlage des Naturrechts nach Principien der Wissenschaftslehre, 1796/1797 ; Hamburg, Meiner, 1979, trad. fr. A. Renaut, Paris, P.U.F., 1984.

[33]. Trad. Goddard p. 165.

[34]. Trad. Molitor p. 210/211 ; Meiner p. 99 ; SWII 263, trad. Goddard p. 167/168.

[35]. Trad. Molitor p. 235, trad. Goddard p. 183.

[36]. Trad. Molitor p. 252, Goddard p. 193.

[37]. Trad. Molitor p. 284, Goddard p. 215.

[38]. Cf., pour l'un des plus clairs, Appel au public... : « Ma conscience me désigne l'accomplissement du devoir comme l’unique, mais infaillible moyen de la béatitude (...) La ferme croyance qu’il existe une règle et un ordre imperturbable (...) s’impose à moi (...) un ordre pour moi inexplicable, franchement opposé au seul ordre que je connaisse, celui du monde sensible, puisque dans ce dernier le succès dépend de ce qui est fait, tandis que dans le premier il dépend de l’intention dans laquelle cela est fait (...) Un ordre dont je suis moi-même un membre, et en vertu duquel j’occupe précisément cette place dans le système du Tout, et me trouve précisément dans la situation en laquelle c’est un devoir d’agir de telle ou telle manière sans ergoter à propos des effets, puisqu’on escompte nullement des effets dans le monde visible, mais dans le monde invisible et éternel... » SW V p. 206, GA I 5, p. 426/427, trad. Goddard p. 49, cf. également M. Gueroult, in L'évolution et la structure... T. I, p. 358.

[39]. Cf. Rêves d'un visionnaire, p. 70fr, Ak II 336 : « l'aspect moral de l'action, ayant trait à l'état intérieur de l'esprit, ne peut (et c'est bien naturel) avoir parallèlement des suites adéquates à l'entière moralité que dans la communauté immédiate des esprits ».

[40]. Destination de l’homme, Molitor p. 241/242fr, 376/377 Meiner, GA I 6, p. 279. Trad. Goddard p. 187.

[41]. Fondements de la métaphysique des mœurs, p. 90/91 Delbos, Ak IV p. 395.

[42]. Destination de l’homme, Molitor p. 247/248fr, 381 Meiner, GA I 6, p. 282. Trad. Goddard p. 191.

[43]. Destination de l’homme, Goddard p. 191, Molitor p. 247, 381 Meiner, GA I 6, p. 281.

[44]. Appel au public contre l’accusation d’athéisme (1799), in Querelle de l’athéisme pp. 53-54.

[45]. Wissenschaftslehre 1804, 15e Conférence, p. 148fr, 284 Meiner, GA II 8, p. 228.

[46]. Rückerinnungen..., SW V, 366, p. 164 trad. fr., cf. également dans E. Coreth, La théologie de Fichte, p. 496, in Archives de Philosophie, Tome 25, juillet-décembre 1962. Cf. aussi la Lettre privée (Aus einem Privatschreiben) p. 175 / 176, ou encore, dans Sur le fondement de notre croyance.. (Uber den Grund unseres Glaubens an eine göttliche Weltregierung, 1798 ; SW V ; trad. fr. A. Philonenko, Sur le fondement de notre croyance en une divine providence in Doctrine de la science 1801-1802 et textes annexes, Paris, Vrin, 1987), en posant que « cet ordre moral, vivant et agissant est lui-même Dieu ; nous n'avons besoin d'aucun autre Dieu et ne pouvons en saisir un autre » (SW V, p. 186, trad. fr. p. 205, GA I 5, p. 354)

[47]. La silhouette générale de la Doctrine de la science, §14, in P.P. Druet, Fichte, p. 184.

[48]. Cf., pour un des textes les plus clairs, la Lettre Privée, p. 176.

[49]. Discours à la nation allemande, éd. Aubier p. 100/101fr, Hamburg, Meiner, 1978, p. 51.

[50]. Destination de l’homme, Goddard p. 195, Molitor 253, 385 Meiner, GA I 6, p. 285.

[51]. Destination de l’homme, Goddard 213, Molitor p. 281, 400 Meiner, GA I 6, p. 297.

[52]. Destination de l’homme, Goddard p. 195, Molitor p. 254, 385 Meiner, GA I 6, p. 285.

[53]. Le Caractère de l’époque actuelle, 17e Leçon, p. 245fr, 252 Meiner, GA I 8 p. 388.

[54]. Le Caractère de l’époque actuelle, 17e Leçon, p. 245fr, 252 Meiner, GA I 8 p. 388.

[55]. Anweisung, p. 179fr, 84 Meiner : « Les deux points de vue nommés en dernier lieu, celui de la science aussi bien que de la religion, sont simplement contemplatifs et spéculatifs <beschauend>, nullement actifs et pratiques en soi (...) Par contre le troisième point de vue, celui de la moralité supérieure, est pratique et incite à l'action. Et maintenant j'ajouterai : la véritable religion, bien qu'elle élève vers sa sphère l'œil de celui qui est possédé par elle, maintient <festhalten> pourtant sa vie dans le domaine de l'action, et de l'action proprement morale... ».

[56]. Cf. p.ex. Anweisung, 9ème Conférence, p. 251fr, 149 Meiner, « Et ainsi donc nous voilà en possession d'un caractère extérieur de la volonté morale religieuse, dans la mesure où celui-ci se dégage de sa vie intérieure, éternellement cachée en elle, pour apparaître à l'extérieur ».

[57]. Anweisung, 9ème Conf. p. 240fr, 138 Meiner : « Ce qui plaît purement par soi-même et au degré suprême, en dépassant infiniment tout autre degré d'agrément, est une manifestation directe de l'essence divine dans la réalité <Wirklichkeit> » .

[58]. Anweisung, 5ème Conf. p. 180/181fr, 86 Meiner.

[59]. Anweisung, 8ème Conf. p. 234fr, 134 Meiner.

[60]. Cinq conférences sur la destination du savant, p. 69fr.

[61]. Anweisung, 5ème Conférence, p. 179fr, 84 Meiner.

[62]. Alors que les Reden p.ex., le feront à partir de l’éducation.

[63]. Sittenlehre, p. 141fr, 144 Meiner, GA I 5, p. 139.

[64]. Kant précisément pour qui la personnalité définit l’être moral de l'homme et donc le meilleur de nous-mêmes, cf. Critique de la raison pratique, p. 91 trad. Picavet, Reclam 140, Ak V p. 155.

[65]. Anweisung, p. 213fr, 115 Meiner. Cf. également Wissenschaftslehre 1804, à propos du dépassement « de la prudence égoïste ou du respect de soi conformément à l'impératif catégorique », p. 244fr, 370 Meiner.

[66]. Cf. Ueber das Wesen des Gelehrten (1805 ; SW. VI. 356, GA I 8 p. 68), pour l’opposition entre l'attachement à soi et la vie de l'être moral dans et par l'idée divine : « [sa] personne est uniquement l'apparence sensible de cette existence de l'idée, personne qui n'existe ni ne vit aucunement en et pour soi » (traduit dans E. Coreth, La théologie de Fichte, p. 517).

[67]. Destination de l’homme, p. 280 Molitor, 212/213 Goddard, 400 Meiner, GA I 6, p. 297, de même, in Appellation an das Publikum..., SW. V. p. 212, GA I 5, p. 431 : « ...là où le devoir est pratiqué, c’est la volonté de l’Éternel qui est faite et celle-ci est nécessairement bonne. Que Sa volonté soit faite et non la mienne, qu’advienne ce qu’Il voudra et non ce que je voudrai  », Goddard p. 54, et Coreth, La théologie de Fichte, p. 498.

[68]. Au §5 de la Grundlage p.ex.

J’indique en abréviation dans les notes les deux principales éditions complètes des œuvres de Fichte : GA, Gesamtausgabe der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, éditées par R. Lauth & H. Jacob. Début de parution en 1962 ; SW, Sämmtliche Werke, éditées par I. H. Fichte ; Berlin, 1845-1846 ; Bonn, 1834-1835. Réédition Walter de Gruyter, Berlin.